1160464La dernière cartographie complète du ciel livrée par le télescope spatial Fermi révèle une mystérieuse structure, comme deux énormes bulles de 25.000 années lumière chacune, soufflées depuis le centre de la Voie lactée.

Le télescope Fermi détecte les rayons gamma, un rayonnement très énergétique, situé au-delà de l'ultraviolet et des rayons X dans le spectre de la lumière. Pour analyser les données de ce télescope, les astrophysiciens doivent distinguer les sources de rayons gamma les plus énergétiques au milieu d’un important bruit de fond. En effet lorsque les particules se déplaçant presque à la vitesse de la lumière interagissent avec la lumière et les gaz, elles produisent des rayons gamma.

Les deux bulles apparaissent sur la cartographie réalisée grâce aux données de Fermi dans des énergies allant de 1 à 10 milliards d'électronvolts. (NASA/DOE/Fermi LAT/D. Finkbeiner et al.)

Le travail de l’équipe de Doug Finkbeiner (Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics, Cambridge, USA) a permis d’isoler ces deux énormes bulles émettant des rayons gamma de haute énergie. Dans un premier temps, les chercheurs ont d’abord pensé qu’il s’agissait de sortes de nuages formés de particules de haute énergie liées à la présence de matière noire. Cependant une analyse plus poussée a révélé que ces nuages avaient des formes et des limites assez bien définies, comme deux énormes bulles symétriques de chaque côté du plan de la voie lactée.

Finkbeiner et ses collègues, qui ont présenté leurs travaux au congrès de la Société américaine d’astronomie avant publication, écartent finalement l’hypothèse de la matière noire. Ils penchent plutôt pour une structure ancienne, formée il y a des millions d’années par une brusque libération d’énergie, un jet de particules issu par le trou noir supermassif du centre de la galaxie, ou bien la violente bouffée d’une étoile en formation.
Brume interstellaire
D'autres astrophysiciens qui étudient ces rayonnements n'avaient pas détecté ces bulles, en partie à cause de l'abondance de ces émissions qui se produisent partout dans le ciel et créent une sorte de brume interstellaire. Ce phénomène se produit quand les particules, se déplaçant à une vitesse proche de celle de la lumière, inter-agissent avec la lumière et les gaz interstellaires dans la Voie Lactée.

L'équipe de chercheurs auteurs de la découverte a fini par détecter les deux bulles en affinant constamment leurs modèles, un processus qui a permis d'éliminer les autres émissions diffuses de rayonnements gamma. Les astrophysiciens continuent à analyser ce phénomène pour tenter de mieux comprendre comment cette structure jamais vue auparavant s'est formée.

Hypothèses
Les bulles émettent des rayonnements gamma beaucoup plus puissants que ceux détectés ailleurs dans la Voie Lactée, précisent les chercheurs. Ils notent aussi que ces deux bulles ont des bords bien définis.

Parmi les hypothèses avancées, les astrophysiciens citent des jets de particules provenant du trou noir très massif au coeur de la galaxie. Dans un grand nombre d'autres galaxies, de tels jets sont formés par de la matière tombant vers le centre du trou noir, objet massif dont le champ gravitationnel est si intense que rien, même pas la lumière, ne peut s'en échapper.

Bien que rien n'indique que le trou noir au centre de la Voie Lactée soit la source de tels jets de particules, ils auraient pu exister il y a plusieurs millions d'années. Ces bulles pourraient aussi s'être formées avec des gaz provenant d'explosions ayant résulté de la naissance d'étoiles, ou de groupes stellaires au centre de notre galaxie, avance l'astrophysicien David Spergel de l'Université Princeton (New Jersey, est).

"Dans d'autres galaxies, nous observons que la formation d'étoiles peut créer d'énormes flux de gaz", note-t-il. Mais "quelle que soit la source d'énergie derrière ces gigantesques bulles, ce phénomène est lié à un grand nombre de questions fondamentales en astrophysique", selon lui. (afp)

C.D.
Sciences et Avenir.fr
12/11/10