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  • Je suis convaincu qu’il y a un tel complot, d’envergure internationale, en planification depuis plusieurs générations, et de nature incroyablement maléfique. » Lawrence Patton McDonald (1935-1983), congressiste assassiné dans un avion coréen
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17 janvier 2013

Histoire d'Ignace de Loyola et de la Compagnie de Jésus par j.Labruyère

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" Avec les Jésuites il ne peut y avoir de paix dans les États. " (Pape Clément XIX)

" Je n'aime pas l'Institut des Jésuites. Élevé dans leur sein, je savais discerner, dès cette époque, l'esprit de séduction, d'orgueil et de domination qui se cache, ou qui se révèle dans leur politique, et qui, en immolant chaque membre au corps et en confondant ce corpus avec la religion, se substitue habilement à Dieu et aspire à donner à une secte surannée le gouvernement des consciences et la monarchie universelle de la conscience humaine. " (Alphonse de la Martine)

Les Jésuites! Ah, les Jésuites ! Un sujet bien usé, dira-t-on? Et l'on affectera d'en rire et de passer à autre chose. Notons simplement que les Jésuites ne sont pas étrangers à cet état d'esprit, et qu'ils font tout pour le répandre et le maintenir. Ils font de la religion un instrument politique. Désarmer toute opposition, afin d'avoir le champ libre, égarer les esprits, brouiller les cartes, ce sont des exercices où ils excellent. Nous le montrerons au cours de cet exposé, aussi succinct et insuffisant qu'il soit.




Les Origines


La Compagnie de Jésus a été fondée par l'Espagnol Inigo Lopez de Recalde, connu sous le nom d'Ignace de Loyola. Né à Loyola, en 1491, Ignace était, à l'âge de 23 ans, un jeune officier qui menait une existence très mondaine et même très dissipée. Il avait eu maille à partir avec les tribunaux de l'Ordinaire de Pampelune, pour avoir commis " d'énormes délits " pendant les nuits du Carnaval. (meurtre, viol ?)

Il ne songeait nullement a devenir un ascète et encore moins un " saint " de la Sainte Église catholique et romaine...

En 1521, Pampelune étant assiégé par les troupes françaises, Don Ignace est grièvement blessé à la jambe. Il doit subir une opération pénible. Il était presque guéri, lorsqu'il s'aperçoit que sa jambe fracturée resterait plus courte que l'autre. Désolé, mais courageux, il n'hésite pas à briser lui-même sa jambe de nouveau, espérant par un traitement approprié la voir reprendre par la suite sa longueur primitive.

Il endura de grandes souffrances, pendant de longs mois, mais n'en resta pas moins boiteux. C'est au cours de cette inaction prolongée que son esprit fut attiré par les questions religieuses. Il se mit a lire des ouvrages de piété. D'autre part, devenu infirme, obligé de renoncer à la carrière militaire, désespéré d'abord, il cherche ensuite à orienter son activité dans une autre direction. On le soigne à Manrèse. Il se retire souvent dans une grotte voisine, afin de méditer à son aise. C'est dans la grotte de Manrèse qu'Ignace recevra --- de source divine --- la révélation du nouvel ordre religieux qu'il est appelé à fonder. Il prétendra plus tard que les constitutions et les règles de cet ordre (la Compagnie de Jésus) lui ont été dictées ou inspirées directement par Dieu.

Contentons-nous, pour l'instant, de remarquer ceci : si Loyola n'avait pas eu la jambe cassée à la guerre, il n'eût pas été visité par la Grâce de Dieu et il n'aurait pas fondé l'ordre des Jésuites. Cette fondation, qui a joué un rôle si important dans l'histoire de la Catholicité et du monde, est donc simplement la conséquence d'un fait insignifiant en lui-même. Un jeune officier libertin se voit contraint de renoncer aux gloires de la guerre et aux joies mondaines, il tombe dans la dévotion, sincère ou non. Et plus tard, ne voulant pas rester inactif, il cherchera la satisfaction de ses ambitions dans une autre direction que celle qu'il avait primitivement adoptée...





Son instruction était nulle. A 33 ans, il était complètement ignorant et dut se mettre à étudier --- avec une rare volonté, il faut en convenir. Il avait le don d'une parole entraînante et il semble avoir exercé une incontestable influence sur ceux qui l'entouraient et le suivaient. Ignace rêvait donc d'organiser un nouvel ordre religieux, une sorte de phalange militaire (son tempérament autoritaire l'y disposait) destinée à venir à la rescousse de l'Église romaine, combattue de tous côtés. Luther venait de se dresser, en révolté, devant le Vatican et ses trafics. La réforme protestante s'infiltrait partout et faisait des progrès inquiétants.

Les papes offraient a Rome un spectacle peu édifiant et Ignace lui-même, parlant de Rome dans une lettre, écrit qu'elle est " vide de bons fruits, abondante en mauvais ". Plus tard, les Jésuites se flatteront faussement d'avoir sauvé l'Église catholique (au prix de sa mise sous tutelle par les Jésuites). Ignace se met donc à l'œuvre, mais il se heurte à de nombreuses difficultés. Avant 1543, avant même que ses projets soient venus à maturité, il avait déjà eu 8 procès devant les tribunaux ecclésiastiques et l'Inquisition --- laquelle s'inquiète de ses menées. Il parvient à échapper à ses griffes, mais il doit quitter l'Espagne, car les Inquisiteurs lui rendent toute activité impossible. Loyola vient donc en France, et c'est à Montmartre qu'il fondera (le 15 atout 1534) l'ordre de la Compagnie de Jésus. Ses collaborateurs sont peu nombreux. Les Jésuites sont sept, en tout: 5 Espagnols, 1 Portugais, 1 Savoyard. Pas un Français. Et par la suite, jamais un Français ne sera général des Jésuites.




15 août 1534 - Ignace et six compagnons, "Pierre Favre,
François-Xavier, Diego Laynez, Simón Rodriguez, Alonso Salmerón,
Nicolás Bobadilla" font leurs premiers voeux lors de la messe
célébrée par Pierre Favre dans la Chapelle de Montmartre à Paris.







Influences musulmanes


Fondée en 1534, la Compagnie est approuvée par le pape Paul III dès 1540. Le Vatican semble avoir compris bien vite tout le parti qu'il pourrait retirer d'une semblable milice, à condition, bien entendu, qu'elle lui fût entièrement subordonnée ( ce qui n'a pas été le cas par la suite, bien au contraire ). Dominicains et Franciscains, autorisés naguère par Innocent III, n'avaient-ils pas rendu de signalés services à l'Église Catholique et ne pouvait-elle en attendre d'aussi grands de la nouvelle Compagnie ? Certains écrivains ont discuté la question de savoir si Loyola fut un imposteur ou un fou. Etant très ambitieux, voulant jouer un rôle important, Ignace a joué la comédie de Manrèse et a monté très adroitement toute son affaire. On a prétendu qu'il s'était inspiré d'une secte musulmane, les Haschischins (dont on a fait les Assassins,) qui prenaient du haschisch, pour se mettre dans un état spécial. Loyola remplaça le haschisch par le mysticisme poussé jusqu'à l'exaltation --- et les résultats furent identiques. Le chef des Haschischins ou Ismaïliens, Hassan Ibn Sabbah devint célèbre sous le nom de " Vieux de la Montagne ". Muller avait déjà relevé " l'étrange analogie théorique et pratique des deux obéissances: celle des Jésuites et celle des Khouans " (cité par l'abbé Mir). L'abbé Victor Charbonnel publia en 1899, dans la Revue des Revues, une étude sur les origines islamiques de la Compagnie de Jésus. Certains rapprochements sont curieux: TEXTES MUSULMANS: " Tu seras entre les mains de ton cheikh comme entre les mains du laveur des morts " (Livre de ses appuis, par le cheikh Sisnoussi, traduction de Colas; livre antérieur aux Exercices et aux Constitutions d'Ignace.) " Les Frères auront pour leur cheikh une obéissance passive; ils seront entre ses mains comme le cadavre aux mains du laveur des morts ". (Dernières recommandations dictées à son successeur par le Cheikh Aliel-Djemal, de la Congrégation du Derquaonas.)

TEXTES DE LOYOLA: " Que ceux qui vivent dans l'obéissance se laissent conduire par leur supérieur, comme le cadavre qui se laisse tourner et manier en tous sens ". (Constitution de la Compagnie de Jésus, 6e partie - I) " Je dois me remettre aux mains de Dieu et du supérieur qui me gouverne en son nom, comme un cadavre qui n'a ni intelligence ni volonté. " (Dernières recommandations dictées par Ignace de Loyola peu de jours avant sa mort. Bartoli / Ignace de Loyola, II). Les Maures avaient laissé en Espagne des traditions nombreuses et toute une littérature. Il est vraisemblable, par conséquent, que Loyola ait eu connaissance de ces principes autoritaires et qu'il se les soit appropriés.

" Ignace, c'est un petit-petit nom charmant… "







Premières difficultés et premiers succès


En formant sa milice sur cette base tyrannique, on ne peut affirmer qu'Ignace avait prévu toutes les fautes et tous les crimes qui s'ensuivraient. Certains de ses successeurs, tels que Lainez et Salmeron, ont d'ailleurs accentué encore ses tendances, mais cet ancien officier, au tempérament dominateur, comprenait qu'il lui était nécessaire de subordonner étroitement ses affidés pour arriver au but poursuivi. Dès l'origine de la Compagnie, Ignace se heurte à la jalousie des autres congrégations, lesquelles voient d'un oeil hostile surgir une concurrence qui menace d'être redoutable. Les Augustins et les Dominicains la combattent âprement, mais les " enfants d'Ignace " vont se défendre avec énergie et par tous les moyens. Le 17 avril 1541, Ignace est solennellement reconnu comme Général de la Compagnie. Il le restera jusqu'à sa mort à Rome en 1556. Le pape Paul IV lui-même prit ombrage de la Compagnie et tenta de modérer les ambitions envahissantes de ses dirigeants. Ignace était alors malade, à l'agonie; il ne put organiser la résistance, mais il chargea son successeur Lainez de le faire à sa place. Peu de temps après la mort d'Ignace, le pape Paul IV mourut à son tour, en effet, et miraculeusement. Ses neveux (dont l'un était cardinal) furent jetés en prison et livrés au bourreau. Les crimes qui leur étaient reprochés étaient pourtant communs à toutes les familles des papes qui se succédaient alors sur le trône de saint Pierre, donnant un singulier spectacle. La Compagnie, non seulement était vengée, mais elle avait montré sa puissance. D'ores et déjà, elle est décidée à se frayer la voie, sans hésiter sur le choix des moyens à employer. Sur son lit d'agonie, Ignace fit déployer une carte du monde, sur laquelle les établissements des Jésuites sont marqués en rouge.

Le P. Bobadilla les lui indique: 12 provinces; 100 maisons ou collèges; des milliers de membres répandus partout. Ce résultat avait été réalisé dans une courte période de 16 années seulement. En 1609, c'est-à-dire 53 ans après sa mort, Ignace sera béatifié et sa Compagnie, continuant de grandir, comprendra 33 provinces (au lieu de 12) 356 maisons ou collèges (au lieu de 100) et plus de 11.000 membres...

NOS SOURCES. Nous allons à présent étudier, successivement, le fonctionnement de la Compagnie, son esprit, ses principes, son oeuvre --- à travers l'histoire, empruntant les éléments de notre récit à toutes les sources impartiales et véridiques. Il existe, on s'en doute, un grand nombre d'ouvrages rédigés à la gloire de l'illustre Compagnie. Ils suintent le parti pris à toutes les lignes et ils dénaturent les faits d'une façon systématique. Le pape Clément XIV (qui prononça la dissolution des Jésuites) a pu dire avec raison que c'était l'orgueil qui avait perdu la Compagnie. Les Jésuites se sont grisés de leurs succès. Ils ont mis leur Compagnie au-dessus même de l'Église - et au-dessus du Christ. Le Père Suarez dit " qu'un profès instruit, en demeurant dans son humble état, est plus utile à l'Église que s'il avait accepté un évêché ". Le Père Lainez (qui succéda a Ignace), dans une lettre adressée à toute la Compagnie, déclare que " ni parmi les hommes, ni parmi les anges eux-mêmes, on ne saurait rencontrer un plus sublime office " (que le leur...)

Les sombres Jésuites se croient donc supérieurs aux anges eux-mêmes " La Compagnie surpasse l'Église, tant parce qu'elle est le monument qui a révélé à la terre les merveilles du Christ, que par les prérogatives singulières qu'elle octroie et décerne à ses fils. Dans l'Église, le bon grain est mêlé à l'ivraie, et beaucoup y sont appelés, peu sont élus; il n'en est pas de même pour la Compagnie, où tout est choisi, limpide, pur et exquis... Les missionnaires de la Compagnie sont des Hercule, des Samson, des Pompée, des César, des Alexandre. Tous les Jésuites en général, sans aucune exception, sont des lions, des aigles, des foudres de guerre, la fleur de la milice de l'Église. Chacun d'eux vaut une armée... Saint Ignace dépasse et surpasse tous les fondateurs d'ordres religieux. C'est lui qui s'est le plus rapproché du Christ. Il a vu intuitivement la Divine Essence. En fondant la Compagnie, il a fondé pour la seconde fois l'Église. Sa conversation avait un si divin attrait que les habitants du Ciel descendaient sur la terre pour l'écouter... " Ces éloges grotesques (hérétiques selon la doctrine catholique) semblent l'œuvre d'un farceur ou d'un fumiste. Ils sont pourtant extraits d'un livre officiel de la Compagnie : " Imago primi saeculi Societatis Jésus ", publié en Belgique pour célébrer le centenaire de l'Institut, gros volume de plus de 1.000 pages, rempli d'apologies aussi ridicules que celles-là.

Les Jésuites sont d'ailleurs coutumiers du fait et ils ont toujours publié ou fait publier sur la Compagnie des ouvrages dithyrambiques... de très mauvais goût. Leurs historiens emploient la même méthode et le fameux Crétineau-Joly, l'historien le plus connu de la Compagnie, a laissé un gros ouvrage dont nous ferons bien de nous méfier car " à force de compliments et d'enthousiasme, il devient un outrage a la vérité ". (Abbé Miguel Mir.) Il en va de même pour l'apologie oncteuse de Jean Lacouture, autre esclave des Jésuites.

Je retiendrai cependant les livres des Pères de Ravignan et Du Lac, où nous trouverons des aveux très précieux, ainsi que celui de Schimberg, si favorable à la Compagnie. Je laisserai de côté les livres de Boucher, Arnould et autres auteurs intéressants et courageux (tels que Michelet et Quinet) que l'on ne manquerait pas de récuser comme tendancieux. Semblable reproche ne peut être fait aux ouvrages si documentés et si impartiaux de Boehmer, de Wallon, de l'abbé Mir, d'I. de Récalde, etc. Ce dernier nom m'oblige à ouvrir une parenthèse. Derrière ce pseudonyme (Récalde est le nom du village où naquit Ignace de Loyola) se cache la personnalité d'un très savant et très éclairé Jésuite, sorti de la Compagnie, qui lui a consacré une série d'ouvrages de premier plan: le bref Dominus ad Redemptor; les Écrits des Curés de Paris; une Histoire du Cardinal jésuite Bellarmin, et surtout la traduction de l'Histoire Intérieure de la Compagnie de Jésus, de l'abbé Mir. L'abbé Mir, de l'Académie royale espagnole, entré tout jeune dans la Compagnie, en sortit à la suite de démêlés politiques et publia en 1913 sa remarquable Histoire Intérieure. Il y garde un ton très mesuré, il respecte les autorités ecclésiastiques et les croyances et il se défend d'attaquer, aussi exagérément que certains l'ont fait: " un Institut qui, à certains égards, mérite le respect ". Je ne partage pas du tout ce respect, mais je m'incline devant la probité et la modération de l'abbé Mir. Il s'est basé uniquement sur des pièces officielles et des documents historiques irréfutables. Il a eu en mains " par des voies assez extraordinaires ", une collection de pièces provenant des archives du Tribunal suprême de l'Inquisition et d'autres documents, tirés de l'antique couvent de San Esteban, à Salamanque. L'ouvrage de l'abbé Mir est donc une mine incomparable de documents et de textes. Il a été traduit en français par Monsieur de Récalde. Malheureusement, le premier volume est seul paru (en 1922) (l'ouvrage complet devait former trois gros volumes de 600 pages chacun.) Je me suis rendu chez l'éditeur, qui m'a déclaré que les autres volumes ne paraîtraient jamais, qu'il était sans aucune nouvelle de M. de Récalde et qu'il ignorait même s'il n'était pas mort... Ce serait un " miracle " de plus à l'actif de la fameuse Compagnie! A moins que M. de Récalde ait été amené à faire sa soumission et à faire au bercail jésuite une rentrée repentante ? J'utiliserai donc, indépendamment d'un grand nombre d'autres auteurs, le livre de l'abbé Mir, en regrettant toutefois que sa publication --- si fâcheuse pour la noire cohorte --- ait dû être interrompue.




Les raisons du succès


Ces raisons sont multiples: obéissance aveugle et servilité des membres, d'abord ; habileté des tactiques, ensuite. Mais à l'origine, il a fallu que les Jésuites, pour supplanter les autres ordres religieux, déploient une intelligence toute particulière. Par sa bulle de 1540, le pape Paul III avait décidé que la Compagnie ne devrait pas grouper plus de 60 membres. Mais, dans la bulle suivante (1543) cette condition ne figure déjà plus. Les ambitions jésuites ne pouvaient accepter d'être ainsi limitées plus longtemps. Il en fût de même pour la Pauvreté. Au début, ils ne vivent que d'aumônes et n'acceptent aucun honoraire, pas même pour les messes qu'ils célèbrent. Grande colère chez les autres religieux, en voyant leurs clients les abandonner pour donner la préférence aux Jésuites --- si désintéressés ! En 1554, l'évêque de Cambrai va jusqu'à menacer les Jésuites de les mettre en prison parce qu'ils persistent à refuser toute rétribution pour leurs services, ce qui faisait injure aux curés et autres religieux (car ces derniers acceptaient des honoraires, cela va sans dire). Cela ne dura pas. Les Jésuites faisaient tout simplement du " dumping " pour chiper la clientèle de leurs concurrents. Lorsqu'ils auront réussi, lorsqu'ils seront connus et recherchés, ils se départiront de leur primitive sévérité. Et cette Compagnie, que l'on voulait mettre en prison parce qu'elle refusait de prendre de l'argent, deviendra, au bout de quelques années seulement, plus riche à elle seule que les Bénédictins et les Dominicains réunis. Le Père Nectoux écrira plus tard (1765): " Je nourris l'intime conviction que notre Compagnie ne peut tenir, sans préjudice, cachés ou amoncelés dans ses coffres, tant de millions... Je crains tout pour notre très aimée Société, si elle ne fait pas les oeuvres qu'elle devrait. " Depuis le pape Jules III, qui leur avait permis d'acquérir les biens nécessaires à leurs collèges, les continuateurs d'Ignace avaient fait du chemin. Ils ont évolué sur bien d'autres points et souvent même en violation des lois même de l'Église. Le Père Lancicio énumérait, dès le de but du XVIIe siècle, 58 points sur lesquels la Compagnie s'écartait du droit commun. " Aujourd'hui, il y en a bien davantage ", constatait mélancoliquement l'Abbé Mir. Il y a pourtant un point sur lequel les Jésuites n'ont pas varié; je veux parler de l'animosité et de la jalousie qu'ils ont toujours montrées envers les autres moines et congrégations. Ils ont toujours cherché à grandir et à développer la Compagnie en rabaissant et en dépouillant les ordres concurrents --- qui finirent par les détester cordialement... et par les craindre. Le Père Ribadeneira raconte qu'un Jésuite fut un jour réprimandé vertement et puni par saint Ignace. Pourquoi ? En causant avec un jeune novice, il lui avait vanté incidemment les vertus d'un certain frère franciscain. Quand Ignace l'apprit, il se montra furieux : " N'y a-t-il donc pas dans la Compagnie des exemples de ces vertus-là ? " Et il interdit au Jésuite en question d'adresser désormais la parole aux novices. Pour développer cet " esprit de corps ", ce dévouement absolu à la Compagnie, on cachait soigneusement aux novices tout ce qui émanait des autres ordres et même la vie des saints non Jésuites. Le mot d'ordre était de mettre toujours la Compagnie au-dessus de tout. Dans les Constitutions, on a compté que la célèbre formule A. M. D. G. (Ad majore Dei Gloriam: " Pour la plus grande gloire de Dieu ") revient 242 fois. Mais une autre formule revient plus souvent encore: " Pour le bien (ou pour le plus grand bien) de la Compagnie ". Pour les Jésuites, c'est d'ailleurs la même chose, et la gloire de Dieu n'est pas séparable de la grandeur de leur Compagnie ! (Si l'on comprend bien qui est leur véritable dieu ).




La Compagnie en Europe


Les Jésuites ne tardèrent pas à mettre la main sur l'éducation (nous en reparlerons plus loin) et, à force d'intrigues plus ou moins sournoises, ils se développèrent tant et si bien qu'un siècle seulement après la fondation de la Compagnie, sa bannière flottait sur le monde entier.
Leurs luttes contre la royauté française sont connues. Ils s'imposèrent en France par l'assassinat et se développèrent surtout sous le règne de Louis XIII, après le meurtre d' Henri IV. Mais Richelieu, jaloux de son autorité, résista cependant à leurs exigences. Ils avaient déchiré la France en alimentant les guerres et les complots de la Ligue. Ils exciteront la répression contre les Huguenots. Ils engageront contre le Jansénisme une lutte sans merci. (On connaît, sans qu'il soit utile de s'y attarder, la querelle de l'Abbé Quesnel, les controverses de port-Royal et du grand Arnaud, l'histoire de la bulle Unigenitus et les disputes fastidieuses sur le libre arbitre, la grâce divine, etc.) Contempteurs du pouvoir quand ils n'en étaient pas les maîtres (allant même jusqu'au régicide, comme nous le verrons), ils deviennent les serviteurs et les apologistes de l'autorité royale absolue, dès qu'ils y ont intérêt. C'est d'ailleurs sous le règne de Louis XIV qu'ils arrivent à l'apogée de leur puissance. Leur platitude à l'égard du " grand roi " ne connaît pas de limites. Le Père Daniel écrit une Histoire de France (qui lui valut faveurs et pensions) dans laquelle il va jusqu'à glorifier, pour plaire a Louis XIV, les bâtards royaux (doublement adultérins, pourtant) et à soutenir leurs prétentions. Les Jésuites n'avaient pas d'épithètes assez louangeuses pour célébrer le roi, qui, devenu vieux, était entre leurs mains le plus docile des instruments. À cette courtisanerie, ils joignaient le conservatisme social le plus outrancier. Tout était parfait dans le royaume de France; il n'y avait rien a réformer et il ne fallait toucher à quoi que ce soit. La révocation de l'Edit de Nantes est leur oeuvre, en grande partie. Dans leur collège de Louis-le-Grand, ils organisèrent une fête pour célébrer le " Triomphe de la Religion ", glorifiant le roi d'avoir détruit plus de 1.600 temples protestants, et le comparant à Dieu en personne, " pour sa rapidité à frapper l'hérésie ". Dans leurs collèges de province, feux d'artifices, cavalcades, représentations théâtrales et réjouissances de toutes sortes furent organisés. Jamais satisfaits, ils reviendront à la charge quelques années plus tard et demanderont de nouvelles rigueurs contre la
" secte calviniste expirante ". Louis XIV, gouverné par ses confesseurs jésuites (Le Tellier, La Chaise) est leur jouet. À sa mort, la Compagnie groupe 20.000 Jésuites et 1.390 établissements. Jamais elle n'a été aussi puissante. Sous la Régence, ils continuent et ils ont soin de munir Louis XV d'un confesseur jésuite. Néanmoins, ils ont trop abusé, trop exagéré. Les protestations s'élèvent de toutes parts contre leurs exactions et l'heure du déclin est proche. La Chalotais dresse contre eux des Conclusions qui font un bruit considérable. On l'enferme (1765) puis on l'exile. Mais la vérité poursuit son chemin. Des rangs même du clergé et de l'épiscopat, des critiques se font entendre et l'on demande à la Papauté de prendre enfin des mesures contre cette secte néfaste. C'est à ce moment que Voltaire écrivait à La Chalotais: " Vous ayez rendu, monsieur, à la nation, un service essentiel en l'éclairant sur les Jésuites. Vous avez démontré que des émissaires du pape, étrangers dans leur patrie, n'étaient pas faits pour instruire cette jeunesse ". Nous dirons aussi quelques mots de leurs méfaits dans les autres pays d'Europe. Ils ont déchiré le Portugal (qui les avait pourtant accueilli en premier lieu, lors de leur fondation, et qui ayant assuré leur réussite et leur fortune dans les Indes.) Ils poussèrent l'Espagne à s'emparer du Portugal (le pays fut conquis par le féroce duc d'Albe.) D'horribles massacres furent commis, mais le pape donna son absolution à Philippe II, bien que des milliers de prêtres et de moines portugais aient été mis à mort (1580). Le Portugal retrouve son indépendance en 1640 --- et les Jésuites (ils ont toujours un pied dans chaque camp) l'y aident. Mais ils ne devaient plus y retrouver leur ancienne faveur, car on les avait vus a l'œuvre. Le ministre Pombal chercha même à s'en défaire. Alors, ils essaient d'assassiner le roi, qui voulait garder Pombal (Ce dernier, après la mort du roi, finira dans la disgrâce et la misère). Ils ont appauvri et émasculé la Pologne d'une façon irrémédiable. " Aucun État n'a subi dans son développement l'influence des Jésuites d'une manière aussi forte et aussi malheureuse que la Pologne ", a dit Boehmer. Ce pays n'est-il pas resté, récemment encore, inféodé au Jésuitisme le plus dangereux POUR LA PAIX EUROPÉEENNE ? L'archiduc d'Autriche Ferdinand, leur créature, élevé par eux, n'ira-t-il pas jusqu'à dire: " J'aime mieux régner sur un pays ruiné que sur un pays damné ". Et il persécuta et chassa les protestants de ses États (1598).

M. Schinberg (qui n'était pas de la Compagnie mais qui l'aimait beaucoup) raconte, qu'à Schlestadt, les Pères avaient obtenu un arrêté interdisant aux cabaretiers de servir à boire dès que la cloche de l'église avait sonné. Il n'est pas nécessaire d'aller si loin chercher de tels exemples, car en France même on agissait de façon identique. J'ai trouvé à Chaumont un règlement permanent général de police dont l'article 6 dit: " Il est défendu aux hôteliers, aubergistes, cabaretiers, logeurs et cafetiers de tenir leurs établissements ouverts pendant les offices les dimanches et jours de fête reconnus par la loi ". Cet arrêté est basé sur la loi du 18 novembre 1814 (article 3) et l'on y reconnaît la pure inspiration des Jésuites, qui devaient, sous la Restauration, se manifester si brillamment (Le Républicain de la Haute-Marne, 15 novembre 1851 --- ledit arrêté était encore appliqué en certains endroits à cette époque). Les Jésuites ont approuvé l'extermination des Vaudois (Savoie) " par le fer et par le feu, comme une oeuvre sainte et nécessaire ". (Bochmer) Ils ont ensanglanté l'Irlande et l'Angleterre, les Pays-Bas, la France, le Portugal, la Pologne. Ils ont asservi et ravagé les Indes, le Japon, la Chine, le Paraguay, le Mexique. Partout où ils ont pu pénétrer, ce fut pour accomplir une oeuvre odieuse de domination et de mort.




Les Jésuites en Asie


L'un des premiers collaborateurs d'Ignace, François Xavier, était un homme intrépide et intelligent, dévoué et actif, aimant les courses aventureuses. Ignace l'avait connu professeur de philosophie au Collège de Beauvais. Il en sera un missionnaire et l'enverra conquérir pour la Compagnie les contrées lointaines d'Asie. Grâce à l'appui du gouvernement portugais, qui facilita ses entreprises et le protégea militairement, François Xavier parcourut les Indes en tout sens pendant plusieurs années, convertissant les " idolâtres " par dizaines de milliers et les baptisant à " tour de bras ". Conversions des plus superficielles, comme nous le verrons.




François Xavier


Xavier créa l'Inquisition dans les Indes et doit être regardé, par conséquent, comme responsable des brutalités qu'elle commit. Plusieurs peuplades, réfractaires au christianisme, furent massacrées par les conquérants portugais, dont saint François Xavier (car l'Église en a fait un saint) était l'auxiliaire. Il passe ensuite dans l'Île de Ceylan, où ses prédications firent couler des fleuves de sang. Pour arriver à ses fins, il employait tous les moyens. Par exemple, il écrit au roi du Portugal pour lui demander de punir et de révoquer certains gouverneurs des Indes qui le secondaient trop mollement. Il recommande à ses Jésuites, lorsqu'ils arrivent quelque part, de se renseigner sur les mœurs, le commerce, les vices régnants, etc. " La connaissance de toutes ces choses étant très utile ", ajoute-t-il. La Compagnie a toujours su gouverner les hommes, en effet, en exploitant leurs vices, leurs faiblesses et leurs appétits. Après une incursion à Malacca, il arrive au Japon, où il pénètre grâce à l'appui d'un criminel, qui le guide clandestinement. Il y reste deux ans, sans avoir obtenu de grands résultats, mais ayant préparé le terrain pour ses continuateurs.




François Xavier meurt sur l'île de Sancian
juste en face des côtes de la Chine


Il meurt le 2 décembre 1552, en vue des rivages de la Chine (sans y avoir pénétré), âgé de 46 ans, après avoir parcouru l'Asie pendant 10 années. (En 1612, on exhumera son corps et l'on en détachera un bras, sur l'ordre du général jésuite Aquaviva. Cette relique se trouve encore à Rome). J'ai dit plus haut que les conversions obtenues par les Jésuites étaient superficielles. En effet, ils se contentaient d'obtenir une adhésion de principe, sachant bien que, s'ils avaient voulu faire pénétrer intégralement les conceptions chrétiennes dans les cerveaux, ils n'auraient converti personne --- et leur influence politique et sociale n'aurait pu se développer, par suite, aussi rapidement qu'elle le fit. Ils accommodèrent donc les dogmes chrétiens aux cultes locaux, afin de les faire accepter des " idolâtres ". On pourrait citer des exemples bien amusants de ces accommodements. Ils allèrent jusqu'à écrire, pour les Japonais, une histoire spéciale de Jésus-Christ, tout à fait différente de celle qui est enseignée dans nos pays par l'Église. Leurs exagérations furent si grandes qu'il y eut des plaintes et des enquêtes et que le Vatican fut obligé de sévir. Des rites malabares (Inde) et les rites chinois furent condamnés solennellement par Rome en 1645 --- ce qui ne veut pas dire que les Jésuites les abandonnèrent. En attendant, ils avaient trouvé le moyen de rafler, non seulement dans les Indes, la Chine, mais le Tonkin, l'Annam, la Cochinchine, d'immenses richesses. Selon leur habitude, ils avaient concurrencé terriblement les autres ordres religieux; ils obtinrent même du pape Grégoire XIII une bulle leur accordant l'exploitation exclusive des Missions au Japon. Il est vrai que cette bulle outrancière, qui fermait la porte aux religieux autres que les Jésuites, fut révoquée par les successeurs de ce pape trop docile.

Par leurs intrigues, les Jésuites troublèrent profondément le Japon. Ils contribuèrent à la révolte du roi d'Arima, qui fut décapité (tandis que le Père Morejon, qui avait tout conduit, parvenait à s'échapper.) Ils entretinrent les discordes intérieures, car ils en tiraient profit, et, chaque année, ils envoyaient en Europe plusieurs vaisseaux entièrement chargés des produits les plus rares et de richesses inestimables. Ils annonçaient alors, avec fracas, que les chrétiens étaient plus de 100.000 au Japon. C'était du bluff, mais ils commirent tant de méfaits que l'esprit public finit par se monter contre eux et que des persécutions s'ensuivirent. Elles furent sanglantes. Pour la seule année 1590, les Jésuites donnent avec orgueil le chiffre de 20.570 martyrs chrétiens au Japon. Il faut espérer que ce chiffre est faux, car si la persécution avait atteint de pareilles proportions, toute la honte en rejaillirait sur la Compagnie de Jésus, qui en fut la véritable responsable par ses agissements provocateurs. Quoi qu'il en soit, les Jésuites furent expulsés du Japon et en 1638 il n'y restait plus un seul chrétien. Le succès de l'Évangile avait été de courte durée et la parole du Christ d'amour et de bonté avait fait, là comme ailleurs, beaucoup plus de mal que de bien. J'ai dit que François Xavier était mort avant d'entrer en Chine. Ses successeurs furent plus heureux, mais ils durent surmonter bien des difficultés, car les Chinois se méfiaient énormément des Européens --- en quoi ils n'avaient pas tort. Le Père Ricci, très adroitement, sut vaincre les préventions chinoises; il s'assura les bonnes grâces de l'empereur en réparant ses horloges (sic.) Il était médecin, mécanicien, astronome, astrologue, horloger, et j'en passe. Les Jésuites surent se rendre utiles par de multiples talents et les Célestes, facilement émerveillés, leur laissèrent prendre pied dans la place. Le Père Couler prédit l'avenir (merveilleux) d'un fils de l'Empereur et gagne ainsi ses faveurs. Plus tard, le Père Verbiest installe une fonderie de canons --- tous les métiers leur sont bons pour arriver à leurs fins. Cela ne va pas sans vicissitudes, le Père Schah faillit être exécuté pour son avidité, et les persécutions commencent (la Compagnie possède alors en Chine 151 églises et 38 résidences.) Les chrétiens chinois ne sont chrétiens que de nom et continuent à participer à toutes les cérémonies païennes. Les Jésuites leur permettent même d'épouser leurs propres soeurs. Le pape Innocent X les blâme et leur ordonne de prêcher le dogme catholique dans son intégrité; ils n'en tiennent aucun compte. L'envoyé du pape, le cardinal de Tournon, fut même maltraité par eux. Ils excitèrent le gouvernement chinois contre lui et le firent expulser. Le malheureux vieillard mourut, prisonnier en quelque sorte des Jésuites, qui ne voulaient pas laisser revenir en Europe --- et pour cause --- un témoin aussi gênant de leurs turpitudes et de leurs crimes. Avant de mourir, le cardinal de Tournon écrivit une lettre accablante contre eux. En voici un passage: " On n'apprendra qu'avec horreur que ceux-la mêmes qui devaient naturellement aider les pasteurs de l'Église, les aient provoqués et attirés aux tribunaux des idolâtres, après avoir pris soin d'exciter contre eux la haine dans les coeurs des païens et engagé les païens à leur tendre des pièges et à les accabler de mauvais traitements... " Furieux de la désobéissance et de l'obstination des Jésuites, le pape Innocent XIII se disposait à prendre des mesures contre eux. Mais il mourut subitement...et providentiellement. L'entreprise jésuitico-chrétienne se terminé en Chine aussi piteusement qu'au Japon, aprés avoir fait couler, bien inutilement, des fleuves de sang.




Amérique du Nord


Les Jésuites s'installèrent en Floride en 1566 avec les Espagnols, mais ils n'y firent pas grand-chose. Les indigènes y étaient trop hostiles, ainsi que dans toute l'Amérique du Nord. Ils obtinrent quelques résultats au Canada cependant, où ils exploitèrent de leur mieux les Indiens. Pour leur être agréable, Richelieu interdit aux protestants d'aller s'installer au Canada. Les exilés huguenots portèrent donc leur intelligence et leur puissance de travail dans les colonies anglaises et chez divers peuples plus accueillants (Hollande, Prusse, etc.). Boehmer signale une conséquence peu connue de cet ostracisme. La France perdit en effet le Canada, qui lui fut ravi par l'Angleterre, parce que l'émigration française y était insuffisante. Les Jésuites qui avaient éloigné du Canada les protestants français, sont donc responsables de la perte de cette belle colonie. Encore un " bon point " pour le patriotisme échevelé de l'Église! Les Dominicains étaient solidement installés au Mexique, ce qui n'empêcha pas les Jésuites d'y pénétrer à leur tour. L'Espagne y régnait par le fer et par le feu et elle y écrivait une des pages les plus sanglantes de l'histoire chrétienne --- qui en compte pourtant de nombreuses. Les fils de Loyola se socialisèrent dans le négoce et les affaires de banque, dont ils tirèrent d'immenses revenus. À la Martinique, les Jésuites possédaient plus de quatre millions en biens-fonds. (Boehmer)




Amérique du Sud


Ils furent plus heureux encore en Amérique du Sud. Dès 1550, ils débarquèrent à San Salvador (Brésil) et ils s'y développèrent selon leurs habituels procédés.





" J'ai trouvé, disait Don Juan de Palafox, dans une lettre qu'il écrivait au Pape (1647), entre les mains des Jésuites presque toutes les richesses, tous les fonds et toute l'opulence de l'Amérique méridionale ". Mais c'est particulièrement au Paraguay que nous allons les voir à l'œuvre. Ils y arrivent en 1549, avec les Portugais, et se répandent dans le pays, descendant les cours d'eau en jouant de la musique, afin d'attirer et d'apprivoiser les indigènes candides --- et inoffensifs. Ce pays, riche et fertile, était habité en effet par les Guaranis, race peu belliqueuse et passive, que nos " Loyolistes " vont pouvoir manipuler à souhait. Jamais leurs méthodes déformatrices ne trouveront pareil terrain d'élection. Il s'est trouvé les esprits avancés pour soutenir que les Jésuites avaient été au Paraguay les précurseurs du socialisme... C'était une oppression savante, coulant aux pieds l'individu et organisant l'esclavage de la masse au profit d'une minorité de parasites. (Il ne vaut pas confondre l'organisation jésuitique du Paraguay avec celle de l'ancien Pérou. Les chefs de famille possédaient la terre individuellement, mais ils ne pouvaient l'aliéner. Les pâturages, les forêts, les eaux d'irrigation étaient collectifs. Entre ce système équilibré et humain et celui des Jésuites exploiteurs, il n'y a absolument rien de commun.) Les Jésuites occupèrent au Paraguay une superficie de 180.000 kilomètres carrés. Ils y installèrent une trentaine de " réductions ", ou villes indiennes, groupant chacune plusieurs milliers d'habitants. La vie des indigènes était réglée de la façon la plus méticuleuse. Tout se faisait au son de la cloche: le réveil, les repas, le coucher. La population tout entière était soumise à une discipline abrutissante et avilissante. Les indigènes devaient se prosterner au passage des Révérends Pères Jésuites, véritables dieux et rois, et ne pouvaient se relever que lorsque leurs maîtres étaient partis. Les Guaranis étaient occupés aux travaux les plus divers: jardinage, briqueterie, fours à chaux, travail des peaux, culture du tabac, du coton, du thé, de la canne à sucre, etc. Les Jésuites ne cherchaient nullement à civiliser l'indigène, mais à l'exploiter. Aussi l'évolution des Guaranis fut-elle retardée de plusieurs siècles. Il est vrai que les réductions rapportaient aux Jésuites plus de deux millions par an. (Bochmer) Leur seul collège de Buenos Aires soutirait au public 12.000 pesos or par an, avait 600 esclaves et des propriétés plus vastes que celles du roi de Sardaigne (Bernard Ibanez de Echevarri.) Le collège de Cordoba était plus riche encore et possédait 1.000 esclaves.
Aussi l'abbé Mir écrit-il: " On peut conjecturer que les richesses de la Compagnie au Nouveau-Monde étaient réellement fabuleuses ". Pour mieux abrutir les Indiens, ils leur avaient fabriqué un culte spécial. Les saints des temples jésuites remuaient des yeux terrifiants et brandissaient des lances et des épées. Les Jésuites avaient règle la vie de leurs esclaves d'une façon si parfaite qu'ils dirigeaient même les accouplements sexuels de ce pitoyable troupeau humain, pour en obtenir une reproduction intensive.
Il vaut reconnaître qu'au point de vue humain, les Indiens n'étaient pas trop malheureux. En échange de leur travail, ils étaient nourris d'une façon convenable. C'était la moindre des choses, quand on évoque les formidables revenus qu'ils fournissaient à leurs exploiteurs. Mais la discipline était rigoureuse. On n'enfermait personne en prison car pendant l'emprisonnement, l'indigène n'aurait rien rapporté. On recourait rarement à la peine de mort, car on ne tenait pas a décimer un bétail aussi rémunérateur. Par contre, le fouet était souvent employé. Il constituait pour les Jésuites l'instrument de gouvernement par excellence. " Les indigènes étaient fouettés nus " (Voltaire.) Les Jésuites opéraient eux-mêmes, tant sur les femmes que sur les hommes. " À Buenos-Aires, dans une chapelle consacrée à une congrégation de femmes, on voyait derrière l'autel un petit corridor où se faisaient ces opérations, moins saintes que lubriques et que le sang des victimes avait gravé ces horreurs sur les murailles... " (Extrait du manuscrit routier de Louis-Antoine de Saint-Germain, embarqué comme écrivain sur la frégate La Boudeuse, commandant Bougainville, dans son voyage autour du monde, manuscrit qui m'a été confié par Mme de Saint-Germain, descendante du compagnon de Bougainville. Ce dernier a d'ailleurs confirmé les faits dans ses mémoires personnelles.)

On comprend que les Jésuites aient défendu leurs fructueuses Réductiones par tous les moyens.
En 1628, ils engagent une guerre terrible contre les Indiens des bords de l'Uruguay, qu'ils exterminent avec férocité. Plutôt que de renoncer au Paraguay, ils luttent, les armes à la main, contre le Portugal et l'Espagne.

Ils lutteront même contre l'évêque du Paraguay (Dom Bernardin de Cardenas) qu'ils insultent, combattent, emprisonnent et qu'ils finissent par expulser (parce qu'il leur tenait tête) après une guerre sanglante et le sac de la capitale de l'Assomption (1649).

Lorsque Benoît XIV condamnera la compagnie, il lui reprochera ses brutalités à l'égard des Indiens et ses trafics éhontés dans les Amériques, l'Inde, etc. Il leur reprochera même d'avoir réduit en esclavage et d'avoir vendu, non seulement des Indiens idolâtres, mais des baptisés (ce qui était une aggravation aux yeux de ce pointilleux chrétien.) Déjà, la bulle papale du 20 décembre 1741 avait interdit aux Jésuites --- vainement --- " d'oser à l'avenir mettre en servitude les Indiens du Paraguay, de les séparer de leurs femmes et de leurs enfants, de les acheter ou de les vendre ".

On frémit en songeant qu'une telle tyrannie sévit pendant deux siècles ! En 1768, les Franciscains avaient partout remplacé les Jésuites. Ce serait un leurre que de croire que le sort des indigènes en fut grandement amélioré. J'ai sous les yeux une photographie représentant des indigènes colombiens obligés de fuir devant les mauvais traitements des missionnaires en 1924.

Les Missions Évangéliques font régner une véritable terreur en Sierra-Nevada, confisquant les biens des indigènes pour les obliger à travailler pour eux, leur appliquant les plus humiliants systèmes de punition, etc. En 1918, le Dr Medina interpellait à la Chambre colombienne et dévoilait les agissements scandaleux des moines capucins dans les missions de Putumayo, dépouillant et exploitant les Indiens, avec autant d'âpreté que les anciens Jésuites du Paraguay. (Les Capucins, célèbres pour leur lubricité, ont laissé au début du XX° siècle des preuves photographiques montrant quels genres de pénitences on administrait aux religieuses…
(source : " érotisme indo-protugais ".)

Il en est de même partout. The Freethinker, parlant des Missions Anglaises en Nouvelle-Guinée, affirme qu'elles n'ont enseigné aux indigènes que l'art de mentir. Aux Îles Philippines, les missions possèdent de grandes plantations et frappent d'interdit toute tentative d'organisation syndicale. En Cochinchine, colonie française, les missionnaires détiennent le quart du territoire. Etc., etc. Terminons ce rapide voyage, car nous nous exposerions à des répétitions inutiles. La cause des Jésuites est jugée. Contentons-nous simplement d'indiquer qu'ils ont également essayé de pénétrer en Afrique. Leur action y fut moins efficace. Certains de leurs agents s'y rendirent pourtant pour y chercher des cargaisons de noirs, qui étaient transportés et répartis dans les différentes possessions Jésuites (Mexique, Paraguay, etc.,) ou revendus pour couvrir les frais de l'expédition. Esclavagisme, traite des noirs, forme les plus écœurantes de l'oppression, voilà l'œuvre de la prétendue charité chrétienne, dont certains hypocrites nous rebattent quotidiennement les oreilles. Ne pouvant tirer profit des noirs (à moins de les vendre) les Jésuites s'infiltrèrent dans un pays plus évolué, l'Abyssinie. Leur arrivée dans ce pays fut le signal de sa décadence (Ernest Renan, Histoire générale des langues sémitiques.) Quand ils le quittèrent, il était plongé dans une barbarie profonde et il n'en est plus guère sorti par la suite.




Dissolution de la Compagnie


Excédés par ces pratiques inhumaines, les gouvernants de divers pays finirent par se révolter contre le parasitisme des descendants d'Ignace. Ils seront successivement expulsés de la plupart des nations européennes: Angleterre, Hollande, France, Portugal, Espagne, etc. Le Portugal, qui leur avait fait tant de bien (et qui en avait été si mal récompensé) embarque ses 200 Jésuites en 1759, sur un bateau qui prend la route de Rome. L'Espagne (et pourtant les Jésuites avaient toujours servi sa politique fanatique) suivra elle-même cet exemple en 1767. 6.000 Jésuites sont embarqués pour Rome, mais à Civita Vecchia on refuse de les laisser débarquer et les autorités papales les reçoivent à coups de canon. Au sein même de l'Église, la Compagnie a été violemment combattue par saint Charles Borromée, sainte Thérèse de Jésus, par les papes Paul IV, saint Pie V, etc., etc. En 1658, les curés de Paris sont unanimes à se dresser contre la Compagnie et publient une série de neuf lettres documentées - rédigées par Blaise Pascal - qui forment un implacable réquisitoire contre les théories des casuistes, du probabilisme, des cas de conscience, l'apologie du meurtre (par le Père Lamé) etc. Tout le clergé de France était, on peut le dire, unanime à répudier les principes et l'action des Jésuites. Hélas! nous sommes bien éloignés aujourd'hui de cet état d'esprit, car le jésuitisme a conquis l'Église tout entière.
Le Parlement de Paris et les Parlements provinciaux ont condamné à maintes reprises la Compagnie. J'ai sous les yeux, par exemple, le " Compte rendu des Constitutions des Jésuites ", par Jean-Pierre- François de Ripert de Monclar, procureur général du Roy au Parlement de Provence, les 28 mai, 3 et 4 juin 1762. L'auteur montre que les Constitutions des Jésuites, tenues secrètes au début, sanctionnent le despotisme du Général, dépouillent les dupes qui entrent dans la Compagnie, font un dogme de l'obéissance servile, foulent aux pieds la morale lorsque l'intérêt de la Compagnie l'exige, etc. Monclar cite ce conseil des Constitutions, bien digne de figurer dans les Monita Secreta : " S'il a du crédit (le Jésuite) qu'il le cache soigneusement, parce que la haine qui pourrait en résulter pour la Société serait un Grand préjudice pour elle ". Toujours dans l'ombre et sournoisement ils travaillent. La banqueroute du Père La Valette aux Antilles vint mettre le comble au mécontentement public. Pratiquant la traite des noirs et exploitant d'immenses plantations, les Jésuites, pour accroître leurs bénéfices (qui dépassaient 1 million de francs pour la seule année 1753) s'étaient fait banquiers - grâce à leur allié Rothschild - recevaient des fonds et ne remboursaient pas leurs créanciers. Le Parlement rendit l'ordre responsable de la déconfiture, qui atteignit plusieurs millions. Enfin, en 1762, un arrêté fortement motivé chassait de France l'encombrante Compagnie. (Voir plus loin.) Le pape Clément XIV céda aux remontrances qui lui étaient faites, en particulier par l'Espagne et l'Autriche et se résolut à frapper l'ordre qui avait été si longtemps protège par la Papauté, malgré ses crimes. En 1773, il signa le Brel célèbre Dominus Redemptor, qui prononçait la dissolution complète de la Compagnie de Jésus. Les Jésuites assurent que le Pape eut la main forcée, ce qui n'est pas lui attribuer un grand courage. Plutôt que de commettre une injustice, n'eut-il pas dû résister jusqu'aux plus extrêmes conséquences ? Ils prétendent également que la décision papale fut la conséquence d'un regain de calvinisme et de jansénisme, ce qui n'est pas flatteur non plus pour l'Infaillibilité du pape. En réalité, la Cohorte Ignacienne n'était plus défendable. Au moment de leur expulsion, les Jésuites français possédaient encore pour plus de 60 millions de biens. Bochmer évalue la fortune immobilière globule de la Compagnie à plus de un milliard 250 millions. Ces chiffres ne sont-ils pas éloquents ? Le Père de Ravignan cite avec plaisir dans son livre une pensée très élogieuse de Chateaubriand sur les Jésuites. Il se garde bien d'indiquer que le génial écrivain avait changé d'avis à leur endroit dès qu'il eut appris à les connaître. Il écrivit en effet ceci : " Je dois avouer que les Jésuites m'avaient semblé trop maltraités par l'opinion. J'ai jadis été leur défenseur et depuis qu'ils ont été attaqués dans ces derniers temps, je n'ai dit ni écrit un seul mot contre eux. J'avais pris Pascal pour un calomniateur de génie, qui nous avait laissé un immortel mensonge; je suis obligé de reconnaître qu'il n'a rien exagéré... " (Chateaubriand, Journal d'un Conclave) Quelle condamnation plus sévère pourrions-nous invoquer que celle du très clérical auteur du " Génie du Christianisme " ?





 

 

 
 






   

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Fonctionnement de la Cie


Après ce rapide exposé de la vie historique de la Compagnie de Jésus, il nous faut à présent --- toujours très rapidement --- dire quelques mots de son fonctionnement intérieur, de ses règles, de ses méthodes.
Les Jésuites sont divisés en 4 catégories : les novices, les scolastiques qui prononcent les premiers vœux monastiques, étudient pendant 5 ans et professent pendant 5 ou 6 ans. L'écolier est ensuite renvoyé en théologie, où il étudie de nouveau pendant 4 ou à ans. Il arrive donc au sacerdoce vers 32 ou 33 ans. Il passe une année dans la méditation et accède au rang de coadjuteur et renouvelle les trois vœux religieux. Enfin les profès, qui sont seuls astreints au quatrième vœu, le vœu d'obéissance au pape; tous les supérieurs et dirigeants de la Compagnie viennent des profès.






La Compagnie est divisée en 22 provinces et, tous les 3 ans, chaque province se réunit en congrégation particulière, choisit un profès, délégué auprès du général. Ces délégués forment la congrégation des procureurs, qui décide s'il y a lieu de convoquer une congrégation générale (formée de tous les supérieurs des provinces.) Cette congrégation générale nomme le général de la Compagnie et les six assistants.

En théorie, les assistants peuvent contrôler et même déposer le général, mais il n'y a pas d'exemple que le fait se soit jamais produit. Le général a d'ailleurs le droit de suspendre les assistants qui lui déplaisent et même de les chasser de l'ordre, ce qui lui confère un pouvoir absolu. Chaque supérieur est souverain dans sa Maison. Il a le droit de décacheter les lettres adressées à tous les Jésuites placés sous ses ordres; il peut même ne pas les leur remettre si bon lui semble. Un théologien éminent d'Angleterre, le Père Tyrell, est sorti de la Compagnie parce qu'une telle exigence était devenue insupportable pour sa dignité. Il faudrait dire aussi deux mots des " Jésuites de robe courte ", instruments dociles, non affiliés à la Compagnie, que l'on peut utiliser pour diverses besognes, sans compromettre ladite Compagnie, car il est toujours possible de se désolidariser d'avec eux - et d'avec elles ! (Il y en a pour tous les goûts)
À notre époque, où la corruption politique est si grande, il n'est pas douteux que les créatures des Jésuites ontnétré tous les milieux. La forte discipline de la Compagnie la met à l'abri des scandales, car il est assez difficile de savoir ce qui se passe dans son sein. Quelques rayons de lumière filtrent pourtant de temps à autre et les paroles du Père Jean Mariana (Jésuite) sont assurément toujours vraies: " Quelque faute qu'un des membres de la Société ait commise, pourvu qu'il ait beaucoup d'audace et de ruse et sache voiler sa conduite, l'affaire en reste là. Je ne parle pas des crimes les plus grossiers dont on pourrait faire un dénombrement assez grand et qu'on dissimule, sous prétexte qu'il n'y a pas de preuves suffisantes, ou de peur que cela ne fasse du bruit et ne nuise à l'ordre.. Parmi nous, les bons sont affligés et même mis à mort, sans cause ou pour des causes très légères, parce qu'on est assuré qu'ils ne résisteront pas. On en pourrait rapporter plusieurs exemples fort tristes. Quant aux méchants, on les supporte parce qu'on les craint ". (" Des maladies de la Compagnie de Jésus ")

Collin de Plancy, dans son livre en faveur des Jésuites (Paris, 1870) déclare que le livre de Mariana, accablant pour la Compagnie, est l'œuvre d'un faussaire, mais il ne fournit aucun argument à l'appui de son affirmation. C'est une vieille tactique des Jésuites (ces maîtres faussaires!) de déclarer apocryphe tout texte qui les accuse ou tout document qui les gêne...




L'obéissance


Toutes les religions sont assises sur un renoncement individuel plus ou moins exagéré. La religion catholique est assurément une organisation autoritaire, mais, dans ses rangs, personne n'a poussé aussi loin que les Jésuites, le despotisme des chefs et des supérieurs. Ignace a gouverné la Compagnie tout seul et sans aucun contrôle. Il ne sollicita jamais de conseils. " Le Père Maître Ignace était père et seigneur absolu et faisait tout ce qu'il voulait ", a pu écrire le Père Bobadilla. Le pape Paul IV, de son côte, a reconnu qu'Ignace avait régi la Compagnie " tyranniquement ". Nos critiques ne sont donc nullement exagérées. Pour obtenir cette omnipotence, Ignace avait trouvé un système très simple, employé du reste par tous les fondateurs de sectes. Il était l'élu de Dieu. Lui obéir, c'était obéir à Dieu même.

En 1521, à Manrese, n'avait-il pas reçu, comme je l'ai dit, directement de Dieu, au cours d'une extase, la révélation complète des principes et des règles du futur Institut des Jésuites ? Son collaborateur, le Père Jérôme Nadal, appelait cette révélation " une sublime illumination de son esprit par un singulier bienfait de Dieu ". La substance de cette prétendue révélation ne méritait pourtant pas une telle admiration... En tout cas, Ignace avait l'habitude, pour justifier ses décisions, de se contenter de dire: " Je m'en rapporte à ma révélation de Manrese ", ce qui coupait court à toute objection. Dans ses Exercices Spirituels, Ignace veut que " nous ne désirions quant à nous pas plus la santé que la maladie, la richesse que la pauvreté, l'honneur que la honte, une vie longue qu'une vie courte, et ainsi de suite pour tout le reste, voulant et choisissant seulement ce qui nous conduit le mieux à la fin que nous poursuivons... " Et cette " fin ", on sait qu'elle consistait uniquement dans la grandeur et dans la puissance de la Compagnie. L'abbé Mir emprunte aux Monumenta Ignatiana une anecdote curieuse. Deux Jésuites en s'amusant s'étaient jetés un peu d'eau à la figure. Grande colère d'Ignace, qui n'hésita pas à les punir cruellement, pour une " faute aussi bénigne ", les condamnant à faire pénitence publique, à manger à une table spéciale, les mains attachées, à passer le dimanche à l'écurie et à manger avec les mules, etc. Tout ceci pour un amusement sans conséquence ! On juge par ce petit exemple de la sévérité que Loyola tint à maintenir dans sa Compagnie. Des les origines, nous assistons aux plus grands éloges de l'obéissance.
Le mémoire ou résumé des premières délibérations des fondateurs de la Compagnie (1539) rédigé, soit par le Père Jean Coduré, soit par François-Xavier lui-même, déclare en effet que: " Rien n'abat toute superbe et toute arrogance comme l'obéissance, car le superbe s'enorgueillit de suivre ses propres lumières et son propre vouloir, ne cède à personne, s'exalte en grandeurs et en émerveillements sur soi même. Mais l'obéissance engage dans une voie diamétralement contraire, car elle suit toujours le jugement d'autrui et la décision des autres; elle cède à tous et s'allie étroitement avec l'humilité, car elle est l'ennemie de l'orgueil ". Pour vaincre l'orgueil, on foule aux pieds la personnalité humaine, le libre examen, l'esprit critique. Et l'on arrive à développer... l'hypocrisie, la fourberie, le mensonge, qui sont devenus les " qualités " essentielles de la Compagnie. À tel point que le mot " jésuitisme " est employé comme synonyme, dans le langage courant, de dissimulation et de tartuffisme. Le lecteur nous sera sans doute reconnaissant de lui donner quelques textes, rigoureusement authentiques, sur l'obéissance jésuitique. Peu avant sa mort, Ignace dicta au Jésuite Philippe Vito ses Instructions suprêmes sur l'Obéissance. Le morceau renferme 11 paragraphes, dont je me borne à extraire les passages suivants: "À mon entrée en Religion, et une fois entré, je dois être soumis en tout et pour tout devant Dieu Notre Seigneur et devant mon supérieur... Il y a trois manières d'obéir: La première, quand on me l'ordonne par la vertu d'obéissance, et c'est la bonne; la seconde, quand on me demandée de faire ceci ou cela sans plus, et c'est la meilleure; la troisième, quand je fais ceci ou cela au premier signe de mon supérieur avant même qu'il me le demande, et c'est la parfaite...Quand il me semble ou que je crois que le supérieur me commande une chose qui est contre ma conscience ou un péché et que le supérieur est d'un avis contraire, je dois le croire à moins d'évidence... Je dois me comporter : 1) comme un cadavre qui n'a ni désir, ni entendement ; 2) comme un petit crucifix qui se laisse tourner et retourner sans résistance ; 3) je dois me faire pareil à un bâton dans la main d'un vieillard, pour qu'on me pose où on veut, et pour aider ou je le pourrai davantage ".

Ignace poussant très loin cet amour de l'obéissance... pour les autres L'abbé Mir reproduit la lettre qu'il fit écrire au Père Lainez, l'un de ses plus précieux collaborateurs de la première heure. Il le blâme dans les termes les plus sévères pour s'être permis de ne pas être de son avis. (Rome, le 2-11-1552.) Dans le Sumario de las Constituciones, on peut lire également: " Que chacun de ceux qui vivent sous l'obéissance se persuade qu'il se doit laisser mener et régir par la divine Providence par le moyen du supérieur, comme s'il était un cadavre, etc., etc... "

Et dans un autre passage: " Soyons prêts à la voix du supérieur, comme si nous appelait le Christ Notre Seigneur, laissant là sans la finir une lettre ou une affaire commencée ". Le supérieur est ainsi comparé à Dieu en personne ! Pourtant, le supérieur peut se tromper mais il faut obéir quand même. L'inférieur n'a rien a y perdre. " Au contraire, il y gagne devant Dieu. Car l'obéissance, pour être méritoire, doit être surnaturelle... " (Abbé Mir.) Dans ses Instructions aux Recteurs de la Compagnie, le Père Nadal insiste sur la nécessité de perfectionner l'obéissance de l'entendement (c'est-à-dire le renoncement à tout esprit critique, à toute velléité d'examen) et il indique par quels moyens on peut y arriver: exercices de l'oraison, etc. (" Abêtissez-vous ", disait Pascal.) Une telle obéissance est choquante. Mais ce qui est plus choquant encore, c'est que ceux qui la prêchaient étaient loin de la pratiquer eux-mêmes. Ignace fut un véritable potentat, souvent en lutte avec l'Église et résistant aux autorités ecclésiastiques. La Compagnie, dans son ensemble, a été le plus indocile des ordres religieux. Il faut reconnaître que les Jésuites n'ont pas inventé l'obéissance aveugle. Ils l'ont simplement perfectionnée et systématisée. Car saint Paul (Romains XIII, 15) ordonnait déjà aux premiers chrétiens d'obéir à leurs princes et à leurs seigneurs, même lorsqu'ils étaient injustes et méchants. Et le célèbre Concile de Trente (voir Catéchisme, p. 468) a confirmé cette théorie: " Ainsi, s'il s'en rencontre des méchants (parmi les rois, princes et magistrats) c'est cette même puissance divine qui réside en eux que nous craignons et que nous révérons et non leur malice et leur mauvaise volonté, tellement que ce n'est pas même une raison suffisante pour être dispensé de leur rendre toute sorte de soumission et d'obéissance que de savoir qu'ils ont une inimitié irréconciliable... " Et l'angélique saint Thomas n'écrivait-il pas: " Le sujet n'a pas à juger de ce que lui commande son préposé, mais seulement de l'exécution de l'ordre reçu et dont l'accomplissement le regarde... " Saint Bonaventure a recommandé la vertu d'obéissance. Saint Basile a dit que le religieux doit être aux mains du supérieur " comme la hache aux mains du bûcheron ". Etc., etc. Dans un article de la revue Études, un Jésuite éminent, le Père de La Brière, assurait que la formule " obéir comme un cadavre " avait été employée longtemps avant Ignace de Loyola, par le doux saint François d'Assise lui-même. Mais avec les Jésuites, le pouvoir des supérieurs devient absolu. Il n'y a plus de règle, plus de garantie, si faibles soient-elles. Suarez pourra s'exclamer: " L'Église n'a point encore vu de général d'Ordre revêtu d'un pouvoir aussi vaste, et dont l'influence soit aussi immédiate dans toutes les parties du gouvernement ". Ce que confirmera le Père de La Camara, quand il dira: " Il n'y a plus qu'un homme dans la Compagnie: le Général ". Aussi l'abbé Mir peut-il constater : " Un pouvoir sans précédent ira s'affermissant dans l'Église, inconnu du droit canonique ancien, le plus autocratique et le plus indépendant de Rome qu'il y eût jamais, pénétrant jusqu'aux replis les plus intimes et les plus sacrés des consciences, plus puissant et plus autonome dans sa sphère d'action que le pouvoir même du Souverain Pontife, Vicaire de Jésus-Christ sur le texte ".

Ledit " Souverain Pontife " fermera d'ailleurs les yeux, car, si la Compagnie travaille avant tout pour elle, elle travaille aussi, par ricochet, pour l'Église et la Papauté. Le Père Louis Sempé (jésuite) continue dans le Messager du Cœur de Jésus de décembre 1934 une étude sur Jésus, directeur de Sainte Marguerite-Marie, et modèle des directeurs. " Il nous révèle, d'après l'autobiographie que Jésus aurait dit à Marie Alacoque: " ..et désormais, j'ajusterai mes grâces à l'esprit de ta Règle, à la volonté de tes supérieures et à ta faiblesse; en sorte que tu tiennes suspect tout ce qui te retireras de l'exacte pratique de ta Règle, laquelle je veux que tu préfères à tout le reste. De plus, je suis content que tu préfères la volonté de tes supérieures à la mienne, lorsqu'elles te défendront de faire ce que je t'aurai ordonné. Laisse-les faire ce qu'elles voudront de toi: je saurai bien trouver le moyen de faire réussir mes desseins, même par des moyens qui y semblent opposés et contraires... " Évidemment, Jésus n'a pas parlé à Marie Alacoque. Mais ce qu'elle a cru entendre n'est que l'expression des sentiments et des habituées d'obéissance de son milieu.

Eh bien ! Ne retrouvons-nous pas dans le passage cité ci-dessus la plus pure doctrine jésuitique de l'obéissance passive aux supérieurs, comme un cadavre - perinde ad cadaver ? Les paroles attribuées à Jésus peuvent très bien se condenser dans cet axiome: Quand un commandement de votre supérieur vous paraît opposé à un autre commandement de votre Dieu... c'est le supérieur qui a raison !

Placer l'ordre du supérieur hiérarchique au-dessus de la loi divine est la clé du système jésuite. L'Evangile n'est plus qu'un prétexte, et il peut être annulé à volonté pour servir la politique. Tout est donc permis, et le crime est justifiable. Ainsi lorsque la Loi dit " Tu ne tueras pas ", un règlement des Jésuites affirme : " Un enfant peut tuer ses parents s'ils sont hérétiques ". Selon la casuistique, on peut voler, torturer, violer, si…cela sert le but.

Lorsque Jésus dit : " Mon Royaume n'est pas de ce monde ", afin d'appeler les âmes à se détacher des souffrances terrestres, le Jésuitisme propose au contraire de se lier corps et âme à la vie matérielle, d'amasser de l'or par la ruse, l'usure et l'esclavage, de conquérir et d'exterminer, si cela sert les buts de l'Ordre qui est la domination du monde. Le Jésuitisme est en réalité une machine de guerre contre le Christianisme et il propose une exaltation des valeurs matérialistes. Comment le monde chrétien a t-il pu s'y laisser prendre depuis quatre siècles ? C'est parce que la Compagnie de Jésus a manœuvré de telle sorte qu'elle s'est présentée comme un rempart de la Foi. Ayant sapé l'Eglise catholique, elle n'avait plus qu'à s'en emparer avec le soutien des banquiers et de la mafia. C'est pourquoi de nombreux penseurs ont vu dans la Compagnie de Jésus le fer de lance de Satan dans le monde.




Les Exercices spirituels


Je ne dirai que quelques mots de cet ouvrage trop célèbre, simplement pour montrer par quelles méthodes les chefs jésuites arrivent à domestiquer leurs inférieurs. Les
" Exercices sont l'âme et la source de la Compagnie, a dit le Père de Ravignan. Ils ont pour but d'apprendre à se vaincre soi-même et régler tout l'ensemble de sa vie, sans prendre conseil d'aucune affection désordonnée ". Les Exercices ont pour auteur Ignace lui-même (il en existe de nombreuses éditions; j'ai utilisé celle qui a été annotée par le R. P. Roothaan, Général de la Compagnie, Paris 1879.) Ce livre a été approuvé des les débuts par le Vatican (bulle du pape Paul III, le 31 juillet 1548.) Il a recueilli les éloges des plus hautes personnalités ecclésiastiques et théologiques (ceux de saint François de Sales, par exemple.) L'étude des Exercices est obligatoire pour tous les novices pendant deux années. On y prêche d'abord en apparence l'indifférence complète pour les choses de la Terre, par " l'offrande entière de soi-même et de tout ce qu'on possède à Dieu ". On frappe surtout l'imagination par des évocations effrayantes: méditations sur la mort et sur l'enfer. Le novice doit se représenter les deux armées ennemies, celle de Jésus et celle de Satan, avec leurs deux étendards. Par le jeûne, la prière, la solitude dans les ténèbres, il doit concentrer ses idées sur un seul point: la vision de l'enfer qu'il doit se représenter d'une façon précise, imaginant la fournaise affreuse, l'odeur de soufre qui s'en dégage, les hurlements épouvantables des damnés, etc. Ensuite, d'autres Exercices lui apprendront à contempler l'Incarnation, le Crucifiement, la descente de Croix, la Passion tout entière et la Résurrection. Le novice " appliquera tous ses sens aux contemplations ". Après des mois de cette obsession morbide, s'il ne reste pas irrémédiablement abruti, c'est que son cerveau est vraiment solide. Ce livre est parfait, puisqu'il a été dicté à Ignace de Loyola par la Sainte Vierge elle-même et puisque Dieu lui envoya, par-dessus le marché, la collaboration de l'ange Gabriel. Je n'insisterai donc pas davantage. (Une analyse ésotérique s'avérerait indispensable pour comprendre les effets psychiques de ces Exercices que nombre de groupes religieux recommandent sans précaution, ne sachant pas qu'ils se placent ainsi sous l'influence occulte des jésuite-maçons.)

Un mot sur les Constitutions de la Compagnie. Elles ont été souvent discutées --- et souvent condamnées. Le Parlement de Paris, par son arrêt de 1762, condamnait la doctrine perverse de la Compagnie " destructrice de tout principe de religion et même de probité, injurieuse à la morale chrétienne, pernicieuse à la société civile, séditieuse, attentatoire aux droits et à la nature de la puissance royale, à la sûreté même de la personne sacrée des souverains et à l'obéissance des sujets, propre à exciter les plus grands troubles dans les États, à former et à entretenir la plus profonde corruption dans le cœur des hommes ". Dans le jugement sévère qu'il porta contre la Compagnie, le Parlement de Provence signalait qu'à côté des Constitutions que l'on connaît (et qui sont déjà très critiquables, pour leur absolutisme effréné), il existe des Constitutions secrètes, que l'on tient soigneusement cachées et qui ne sont connues que des seuls supérieurs. Ceci m'amène à parler des fameux Monita Secreta (Les Secrets Des Jésuites.)

La revue Études, dans un article subtil et habile, s'élève une fois de plus contre l'authenticité de ce document. Elle trouve invraisemblable que les supérieurs de la Compagnie aient publié des Instructions secrètes aussi cyniques et aussi compromettantes. Un argument prime, à mes yeux, toute autre considération: les idées contenues dans les Monita se retrouvent dans les Constitutions et dans tous les textes de la Compagnie; elles sont confirmées par l'histoire elle-même. N'oublions pas, d'autre part, que les Monita Secreta ont été publies au début du VIIe siècle, à une époque où la Compagnie toute puissante, se croyant tout permis, commettait des maladresses et des exagérations qu'elle n'a plus renouvelées par la suite.




Un moyen de gouvernement : la Confession


Les Monita nous initient aux pratiques tortueuses de la Compagnie pour mettre la main sur la fortune des veuves, pour attirer dans ses collèges les enfants des grandes familles (avec leur argent,) pour exercer une influence efficace sur les nobles, les princes, les dirigeants. Là réside, en effet, le secret de l'extraordinaire fortune des disciples de saint Ignace. Ils ont su manœuvrer de façon à s'assurer, bon gré mal gré, par la persuasion ou par la crainte, les appuis et les concours les plus précieux.
A l'origine même de la Compagnie, les Pères Miron et de Caméra, avaient cru devoir refuser, dans un esprit d'humilité, la charge de confesseurs du roi du Portugal. En apprenant cette décision, Ignace réprimanda vertement ses deux collaborateurs, leur démontrant que les Jésuites ne devaient négliger aucune occasion et aucun moyen de servir utilement la Compagnie. Depuis lors, les Pères Jésuites n'ont jamais manqué d'intriguer pour occuper de semblables fonctions. Ils se sont, en quelque sorte, spécialisés dans la charge de confesser les têtes couronnées --- ce qui était un moyen excellent d'obtenir leurs faveurs. Bochmer écrit avec raison: " Quand il (Ignace) envoie à tous les prêtres de l'Ordre, une instruction sur leurs devoirs de confesseurs, il est facile de voir qu'il est conduit par la pensée d'accroître la puissance de l'ordre par le Tribunal de la Pénitence ". François Xavier donnait de son côté des instructions... très habiles, à ses collègues en jésuitisme: " Vous prendrez garde de vous mettre mal avec les dépositaires du pouvoir temporel, lors même que vous verriez qu'ils ne font pas leur devoir en des choses graves... " Commencez-vous à comprendre comment et pourquoi l'illustre Compagnie parvint à se développer si rapidement ? Un document bien curieux nous est fourni par l'abbé de Margon: Lettres sur le Confessorat du Père Le Tellier. (L'abbé de Margon n'appartint pas à la Compagnie, mais il fut l'instrument des Jésuites.) Ces derniers préfèrent se servir de créatures prises en dehors de la Compagnie, afin de pouvoir plus facilement s'en désolidariser par la suite, s'il y a lieu. C'est ce qui advint à cet abbé de Margon : après l'avoir employé plus ou moins adroitement, les Jésuites le désavouèrent. Furieux, de Margon chercha à se venger en dévoilant les manigances de ses ingrats patrons. Ses lettres jettent un jour curieux sur le rôle du Père Le Tellier, confesseur de Louis XIV, et sur la mauvaise influence qu'il exerça sur lui. Dans son ouvrage sur sa Compagnie, le Père du Lac (qui fit beaucoup parler de lui pendant l'affaire Dreyfus) dit que ce fut " un dangereux honneur ", pour la Compagnie, de donner des confesseurs aux princes. En ce cas, pourquoi les Jésuites ont-ils recherché si souvent à exercer cette périlleuse fonction ? Ils ne se seraient pas exposés aux ennuis qui en pouvaient résulter s'ils n'avaient eu la certitude de trouver, en compensation, d'énormes avantages et de précieux privilèges. Par le Confessionnal, en réalité, ils ont dirigé les rois... et les reines, sans parler des favorites!

Ce sympathique jésuite est peut-être banquier ou psychiatre, à moins qu'il ne soit diplomate, conseiller auprès d'une multinationale ou de personnalités politiques, ou bien encore chercheur dans un institut scientifique. Rien ne permet d'identifier son appartenance.




Le Régicide et les Jésuites


Lorsque les Grands résistaient aux suggestions des fils d'Ignace, ceux-ci n'hésitaient pas à les faire assassiner. Les Jésuites avaient participé aux massacres de la Saint-Barthélemy d'une façon plutôt occulte, mais avec la Ligue, ils vont se lancer à fond dans la mêlée. À Toulouse, ils excitent des émeutes et fomentent un peu partout des troubles contre l'autorité royale, mettant à profit le désordre extrême dans lequel se trouve le pays. Les prédicateurs jésuites s'élèvent avec véhémence contre Henri III et soutiennent de toutes leurs forces le parti des Guise, car la Compagnie est subventionnée par l'Espagne et les immenses trésors du fanatique Philippe II sont à sa disposition pour lutter brutalement contre la Réforme. Dans leurs sermons contre Henri III, dont l'action anti-huguenote est jugée trop molle, ils le comparent à Néron, à Sardanapale, et. Le moine Jacques Clément, après avoir consulté son supérieur, le dominicain Bourgoin (qui lui déclare qu'il n'y a aucun Péché à tuer le roi et qu'il ira droit au ciel) frappe Henri III et le tue.

Le Jésuite Mariana écrira que le crime de Clément est " un exploit insigne et merveilleux ". En effet, Henri III avait été excommunié par le pape Sixte-Quint, qui avait délié ses sujets de leur serment de fidélité à son égard ! (Il est vrai que le même Sixte-Quint ne tardera pas à succomber mystérieusement à son tour, au moment où il voudra réfréner le zèle exagéré des Jésuites.) La haine des Jésuites contre Henri IV fut plus grande encore que contre Henri III. Ils multiplièrent contre lui les tentatives d'assassinat. Ce fut d'abord Barrière, stimulé par le Père Varade (de la Compagnie.) L'attentat de Barriere échoua et il fut exécuté, tandis que l'on n'osa pas inquiéter Varade. Henri IV avait beau multiplier les manifestations de bienveillance à l'égard du catholicisme, l'Église ne lui pardonnait pas son libéralisme. Le pape Clément VIII ne voulait pas désarmer et menaçait même de l'Inquisition les rares prélats français qui intercédaient en faveur du Béarnais converti. C'est que l'Edit de Nantes, dont il était l'auteur, qui reconnaissait la liberté de conscience pour tous, était un acte véritablement révolutionnaire pour l'époque. Un nouvel attentat, celui de Jean Chatel, est organisé par les Jésuites. Cette fois, Henri IV est blessé à la bouche. Le peuple, furieux, assiège le Collège de Clermont (qui devint par la suite le Lycée Louis-le-Grand.) Chatel avait été élevé dans ce collège jésuite. On y perquisitionne et l'on trouve, dans la cellule du Père Geignard, des papiers très compromettants. On y lisait, par exemple: " L'acte héroïque fait par Jacques Clément, comme doué du Saint Esprit, a été justement loué "."
" Si on ne peut le déposer (Henri IV) sans guerre, qu'on guerroie; si on ne peut faire la guerre, qu'on le fasse mourir ". Guignard fut inculpé, mais refusa de se rétracter, même sur l'échafaud. Il ne voulut jamais reconnaître Henri IV comme roi " puisque le pape ne l'avait pas reconnu ". Chatel et Guignard furent exécutés (7 janvier 1595.) La maison de Chatel fut rasée et une pyramide expiatoire fut élevée sur son emplacement. Puis les Jésuites furent expulsés de France sur l'ordre du Parlement. Ce qui n'empêcha pas l'historien jésuite Jouvenay de glorifier le Père Geignard et de le comparer.. à Jésus-Christ, le sauveur des hommes ! Tous les Jésuites ne partirent pas, et Henri IV ferma les yeux pour ne pas les exaspérer davantage, car il en avait terriblement peur. Il savait de quoi la Compagnie était capable et il vivait dans une inquiétude continuelle. D'autre part, il avait un confesseur jésuite, le Père Coton (" il avait du Coton... dans les oreilles ") qui l'importunait. Ses maîtresses et la plupart de ses courtisans le harcelaient aussi, lui demandant de laisser rentrer les Jésuites, pour les désarmer. Il finit par céder. Malgré les remontrances du Parlement, dont le Président, Achille de Harlay, lui écrit que " son geste sera fatal à la paix du royaume et dangereux pour la vie de Votre majesté ", Henri IV cède quand même aux Jésuites et il en donne les raisons dans une lettre qu'il envoie à Sully, disant que " les Jésuites ont des intelligences partout et que la vie inquiète et misérable qu'il mène est pire que la mort... " Les Jésuites rentrent donc en 1604. La pyramide expiatoire est enlevée. Huit ans plus tard, le roi sera mort, mais les biens de la Compagnie vaudront 300.000 écus de rentes et ils auront dépensé pour leur seule maison de La Fleche plus de 600.000 livres.

On s'étonne de l'influence que le Père Coton exerçait sur le roi. Pour obtenir sa confiance, il n'hésitait pas, en effet, à approuver ses débauches - technique habituelle des confesseurs jésuites à l'égard des puissants et des riches qui appréciaient beaucoup ces confesseurs si tolérants. (Henri IV avait de nombreuses maîtresses et des bâtards à profusion.)

Il allait jusqu'à le comparer au saint roi biblique David, qui possédait également un sérail Ajoutons que le Père Coton menait de son côté une vie très licencieuse. Bref, en 1610, Henri IV fut tué par Ravaillac. Les faits sont trop connus pour que je veuille les retracer ici. Je rappellerai seulement que Ravaillac avait demandé, de son propre aveu, à entrer dans la Compagnie et qu'il fut en étroites relations avec le Père d'Aubigny, curé de Saint-Séverin. Mais ce dernier ne fut pas inquiété. La reine, Marie de Médicis, était pressée de gouverner, elle étouffa enquêtes et poursuites. Le Père du Lac a cherché à innocenter la Compagnie de la mort de Henri IV. Voici ses arguments:

      1° Chatel n'accusa personne (cela prouve simplement sa fermeté de caractère) ;


      2° les textes régicides trouvés chez le Père Geignard reflétaient des idées qui étaient alors courantes et l'on aurait pu envoyer en Place de Grève dans ces conditions,

      "
outre des milliers de bourgeois, tous les moines et curés de Paris et tous les professeurs de l'Université
      ". (Voilà un argument qui se retourne complètement contre la thèse du Père du Lac, car il montre que les idées régicides étaient celles de la presque unanimité du clergé) ;


      3° si les Jésuites avaient été coupables, le Pape n'aurait pas manqué de les blâmer (le R. P. se moque de nous, Pape, roi d'Espagne et Jésuites avaient partie liée) ;


    4° Pourquoi l'aurions-nous tué? Nous n'y avions aucun intérêt, il ne nous gênait pas...C'est l'argument le plus habile. Il faut pourtant se souvenir que Henri IV, au moment où il tomba sous le poignard de Ravaillac, se préparait à soutenir la guerre contre l'Autriche et l'Espagne, les deux puissances foncièrement catholiques. Or, les Jésuites étaient à la solde de l'Espagne.

Autres exemples. --- L'Angleterre fut également déchirée par les menées de la Compagnie. Le pape Paul IV voulant enlever son trône à Élisabeth, les Jésuites fomentent des troubles, particulièrement en Irlande. Un attentat est perpétré contre la reine, par Guillaume Parry et la complicité du clergé (et même celle du nonce) fut établie. Les Jésuites excitent ensuite l'infortunée Marie Stuart contre Élisabeth. Babington, poussé par l'ambassadeur espagnol et par le Jésus te Billard, essaie à son tour de tuer Élisabeth. Il échoue et est supplicié avec douze de ses complices. Grâce aux Jésuites, les Espagnols s'introduisent en Irlande, d'où ils furent chassés en 1601. En 1603, nouveau complot contre Jacques Ier fils de Marie Stuart, qui ne donnait pas satisfaction intégrale aux Jésuites. Le P. Watson est exécuté avec de nombreux complices. Puis, c'est la conspiration des Poudres.




1580-Elisabeth I publie une loi interdisant
aux Jésuites toute entrée en Angleterre


Les Jésuites imaginent de faire sauter le Palais de Westminster au moment où le roi et la reine ouvriraient solennellement le Parlement. 32 barils de poudre sont entassés dans les caves, mais le complot est découvert par un hasard fortuit. Les conjurés avaient tous des confesseurs jésuites. Le Père Gérard, qui avait célébré une messe pour lesdits conjurés, parvint à s'échapper. Passons en Hollande. L'Espagne voulait abattre Guillaume de Nassau (dit " Le Taciturne "), homme des plus remarquables. Plusieurs attentats successifs sont préparés par les Jésuites. Jaureguy le blesse gravement; il est exécuté, ainsi qu'un moine nommé Tinnermann, qui l'avait confessé et encouragé. Un autre assassin, Geraerts, parvint à tuer Guillaume. Il avait consulté cinq ecclésiastiques, dont quatre Jésuites, dont il refusa de donner les noms. Le clergé catholique des Pays-Bas chanta les louanges du meurtrier. Revenons en France, pour dire deux mots de Damiens, ce fanatique qui tenta de tuer Louis XV. Il avait été pensionnaire des Jésuites à Béthune et à Paris. Au moment même de l'attentat (1757) les Jésuites faisaient jouer Catilina dans leurs collèges. Ils étaient mécontents de Louis XV. Le Dauphin, par contre, leur était sympathique. Bien que la complicité des Jésuites dans le crime de ce malheureux, tout imprégné de leurs théories, et qui répétait sans cesse " que la religion permet de tuer les rois ". Parlerai-je du meurtre de Jaurès ? C'est de l'histoire contemporaine et cela m'entraînerait dans des explications qui dépassent le cadre de la présente étude. Le meurtrier, Raoul Villain, membre du Sillon de Marc Sangnier n'était qu'un instrument irresponsable, dirigé et conduit dans l'ombre. Il frappa Jaurès, pour avoir servi la Paix et le rapprochement franco-allemand, avant 1914. Et le tout récent assassinat du général Obregon, président de la République mexicaine, n'est-il pas l'œuvre des Jésuites, qui avaient déjà essayé de faire tuer Calles, pour briser la politique anticléricale et laïque des démocrates mexicains. N'est-ce pas une religieuse, la sœur Conception, et un prêtre, qui ont armé le bras du criminel Toral ? Comment les Jésuites hésiteraient-ils à frapper un libre penseur, alors qu'ils n'ont pas reculé devant le meurtre de certains papes ! Innocent XIII, ayant dit qu'il se proposait de réformer la Compagnie, mourut subitement peu après.

Le Père Ribadeneira n'écrit-il pas, en parlant d'un autre pape: " Sixte-Quint rédigea un décret par lequel il ordonnait d'appeler désormais notre Ordre, non plus Société de Jésus, mais Société des Jésuites. Par bonheur, le temps venu où le Pape eut en mains les copies officielles de son décret, serrées dans son secrétaire pour les publier dans quelques jours, le Seigneur lui barra la route et il perdit la vie... au moment qu'il prétendait dépouiller la Compagnie de Jésus de ce titre glorieux et de ce très doux nom ".
Le pape Sixte Quint avait commis d'autres crimes.

En particuliers il avait mis à l'Index le livre du cardinal Bellarmin sur l'obéissance aveugle. Son successeur Urbain VIII revint sur cette décision et les Jésuites eurent gain de cause une fois de plus. Mais comment peuvent-ils s'indigner des accusations que l'histoire a portées contre eux, lorsqu'on lit sous la plume d'un Jésuite aussi célèbre que Ribadeneira des phrases aussi imprudentes que celle que je viens de rapporter? D'autant plus que derrière l'impertinence apparaît la satisfaction d'être débarrassé d'un adversaire --- et de quel adversaires. La mort de Clément XIV est tout aussi troublante. D'une Santé robuste, jeune encore (63 ans) il disparaît brusquement, après cinq années de pontificat. Cependant, il se méfiait et ne mangeait rien que des mains d'un moine, ami d'enfance. Il savait bien que les Jésuites ne lui pardonneraient pas d'avoir prononcé la dissolution de leur Ordre.




Paru dans la revue Undercover #4, novembre 2002
40 rue du Paradis
F-76530 Grand-Couronne
France.
Éditeur: Joël Labruyère
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