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La plupart des êtres vivants possèdent une horloge interne dite circadienne, véritable métronome moléculaire. Le rythme circadien est d’une durée d’environ 24 heures. Cette horloge est construite sur une multitude d’échelles. Chaque cellule groupée dans un organe possède sa propre horloge circadienne qui est régulée par une horloge centrale se trouvant dans l’hypothalamus. Et si ce grand assemblage horloger se met de temps à autre au diapason de l’horloge centrale, il peut néanmoins continuer à fonctionner sans elle. Dans cette rythmique générale, le cycle des jours et des nuits sert à remettre les pendules légèrement à l’heure. Mais on a constaté que si un individu reste dans une cave durant un mois, le rythme veille-sommeil se poursuit et ne s’arrête jamais, même en l’absence de signaux extérieurs comme la lumière. Le rythme veille-sommeil est un des plus visibles, notamment à travers le fameux jet lag. Cette fatigue reflète un décalage horaire entre les horloges internes et les cycles de lumière diurnes, et quelques jours sont nécessaires pour synchroniser l’horloge biologique avec l’horloge réelle. Mais nous avons une multitude d’autres horloges. Elles permettent de coordonner notre physiologie et nos comportements en fonction des cycles diurnes, notamment les variations de lumière et de température. Ces horloges modulent quotidiennement divers processus physiologiques, comme le rythme cardiaque, la pression sanguine, la température corporelle ou encore l’activité du système digestif. Le foie par exemple ne peut pas accomplir certaines tâches simultanément, et il est avantageux de séparer temporellement les processus biochimiques incompatibles. L’horloge contribue par exemple à la régulation temporelle de la glycémie. En effet, le glucose absorbé est d’abord stocké puis réintroduit dans la circulation sanguine durant la nuit où nous n’ingérons en général plus de nourriture. Il en ira de même pour la détoxification du sang qui sera restreinte aux intervalles diurnes.

Le travail de nuit ou en rotation, en déréglant le rythme circadien (rythme de 24 h basé sur l’alternance de veille et de sommeil), surexposent à certains cancers (cancer de la prostate, cancer du côlon, cancer du sein), mais aussi au diabète et à l’obésité.

Comment le chamboulement de notre rythme biologique peut-elle si néfaste sur l’organisme ? La problématique du fonctionnement du système circadien et son impact sur la santé a piqué l’intérêt de plusieurs chercheurs ces trente dernières années à l’instar de la Nasa.
Ces travaux ont permis de comprendre que notre corps obéit à de petites horloges biologiques cachées dans chaque cellule et qui sont commandées par une quinzaine de gènes dirigés par un “chef d’orchestre” situé dans le cerveau. Ce rythme biologique commande beaucoup de choses : l'alternance veille/sommeil, la température ou la sécrétion de plusieurs hormones, la division cellulaire ou encore le vieillissement des cellules.

"Les études montrent que lorsque le système circadien est perturbé et qu'il ne fonctionne plus de façon coordonnée, on a un risque accru de développer des cancers, des maladies cardiovasculaires ou des maladies infectieuses" explique Francis Lévi, directeur de l'unité de l'Inserm Rythmes biologiques et cancers.

Cancer : la chronothérapie pour améliorer l’efficacité des traitements
En raison de ce rythme biologique, le corps réagirait aussi différemment aux médicaments selon le moment où on les prend. Leur efficacité et leur toxicité ne serait donc pas la même selon l’heure de la journée. En partant de ce postulat, des chercheurs ont développé la chronothérapie, une pratique thérapeutique appliquée dans une quinzaine de services de cancérologie en France, en Belgique, en Italie et au Portugal.

Dans l’Hexagone, Francis Lévi en est un des chefs de file. Avec son équipe de l’Inserm il ambitionne de personnaliser les traitements contre le cancer afin d’améliorer leur efficacité. "En suivant les rythmes circadiens, on optimise le traitement en améliorant l’efficacité anti-tumorale et en réduisant de deux à dix fois les effets secondaires", assure-t-il.
Des patients atteints de cancers digestifs à l'hôpital Paul-Brousse de Villejuif bénéficient de la chronothérapie appliquée aux chimiothérapies. Concrètement, les patients suivis pour des cancers colorectaux sont équipés d’une pompe programmable qui délivre automatiquement les médicaments de la chimiothérapie.
D’autres outils sont en cours de développement comme un dispositif de mesure de la température corporelle du patient. "Il fournira au médecin l’heure interne de chaque patient, et permettra d’adapter la chronothérapie aux horloges de chaque patient, et à ses dérèglements éventuels", précise l’Inserm dans un communiqué.