L’ile mystérieuse de DUMET: LE NOMBRIL DU MONDE
2 km de côtes, 150m de largeur maximum, 600 m de longueur, soit 80500m2. 47°24’42” de latitude nord et 4°57’27” ouest du méridien de Paris! Nous sommes ... moins de 6 km au large de Piriac, Loire Atlantique.
Un lieu peu connu, presque invisible sur les cartes. Il s’agit d’une petite île: Aduna, puis Insula au XIe S., son nom évoluera: Adunat, Audumet, Duamit, Dumay, Du Metz, Du Mes, Du Mêt, pour enfin arriver au nom d’aujourd’hui: Ile Dumet.
Il est probable que cette île soit l’ultime vestige d’une terre émergée qui s’effondra avec le bouleversement du massif Armoricain, 5000 ans avant notre ère.
Et l’homme occupe déjà cette terre depuis les temps immémoriaux: “on rapporte que dans les filets de pêcheurs remontent encore dans ce secteur de curieuses pierres sculptées, poteries lisses et noires...” C’est ce qui autorise la supposition que l’antique Piriac se trouvait entre Dumet et son emplacement actuel. Une autre théorie avance que l’effondrement de la bande de terre, de faible hauteur, détachant ainsi l’îlot, remonterait seulement au XIIe S.
Ce sera l’été 1974, lors d’une campagne de recherche sous marine, qu’à 10 m de profondeur entre Dumet et Piriac, des vestiges de constructions seront retrouvés.
Situation de l'île Dumet. Ancienne carte.
Citons aussi à ce sujet J. Morlent (1819): “On peut, sans témérité, assurer qu’autrefois, elle faisait partie de la terre ferme, que la mer, aidée par le temps, a miné les rochers granitiques qui la joignaient au continent et s’est ainsi ouvert un passage après avoir renversé la digue que la nature opposait en vain à ses efforts. On rapporte que l’ancien château de Piriac conservait dans ses archives, plusieurs chroniques qui prouvaient évidemment les faits. Le vandalisme a détruit ces monuments, il a égaré la main de cet ignorant ouvrier qui effacait avec le ciseau, des caractères armoricains que les siècles avaient épargnés (sur une croix entre Piriac et Guérande). Si l’on ajoute foi à la tradition, Piriac était à une époque extrêmement reculée, une ville forte, riche et commerçante. Elle n’occupait pas les lieux où l’on voit maintenant le bourg. Mais une partie de l’espace compris entre l’Ile du Met et le continent. L’Océan l’a engloutie.”
L’occupation très ancienne de ce morceau du continent est indéniable, et des restes l’attestaient encore au XIXe S.
Il s’agissait d’une enceinte gauloise et, sans doute, d’un lieu de culte druidique. L’ensemble est encore longuement décrit en 1850 comme un exemple du genre et dans un état de conservation remarquable. 50 ans suffiront pour en effacer toutes traces... Les pierres serviront aux travaux d’aménagement sur l’île, mais des silex, poteries, monnaies, et articles de bronze seront sauvés par quelques “amateurs d’antiquités”.
L’île connaîtra tous les types d’envahisseurs, et leurs “agréments”, au fil de l’histoire: Romains, Danois, Saxons mais aussi Espagnols, Anglais... Nazis! Il serait fastidieux et hors propos de citer ces morceaux historiques illustrés seulement de violences guerrières et navales. Rien de bien nouveau sous le soleil de l’humanité, hélas!
Il y eut, nous le savons maintenant, un lieu de cultes des époques Celtes, Gauloises et Romaines.
Au Ve S., l’île est le refuge de quelques ermites dont on avait retrouvé, au siècle dernier, quelques traces éparses.
1123, l’île est sous la possession de l’épiscopat de Nantes par une charte royale de Louis VI. Mais elle sera ensuite vendue aux moines cisterciens de St Sauveur de Redon qui la défrichèrent pour l’occuper.
Jusqu’en 1771, ce point de terre reste propriété religieuse. A cette date, les bénédictins, las et agacés des défilés guerriers incessants et incompatibles avec leur vie monacale, cèdent l’île au comte Jacques de Mahé de la Bourdonnais, sire de Lauvergnac.
Quelques traditions merveilleuses font état de miracles religieux en raison de la foi des moines accrochés... ce grain de roche particulièrement propice aux récits fantastiques et miraculeux.
Rien de bien remarquable dans la succession guerrière qui fit et défit quelques camps retranchés fortifiés et un ou deux points en mer où se superposent des épaves échouées sur les fonds marins de Dumet.
1557 base d’invasions anglaises et espagnoles.
1590 l’île servira de tête de pont à Jean d’Aquilla.
1655 installation des premières positions d’artillerie de marine pour défendre l’embouchure de la Vilaine.
1750 et 1760 Dumet devient un fort solide sous les ordres du duc d’Aguillon. En 1756, le fort ... plan circulaire est terminé. Il est construit avec les pierres d’appareillages des constructions antiques et romaines. A cette occasion seront réutilisées les douves romaines. Cette forteresse sera baptisée “RA” et personne ne saura vraiment le pourquoi de ce nom.
1758 les Anglais reprennent l’île.
1782 le fort est repris par la France est démilitarisé.
Et ce sera la Révolution Française qui apportera son lot de violence et d’occupations avec les Chouans et royalistes soutenus par les Anglais.
Nous voici au XIXe S.
Le génie militaire décide la construction d’un nouveau fort du type “Vauban” de forme carrée cette fois. Comme le remarque judicieusement Emile Letertre, si on connaît tout sur le fort de Ré de 1756, rien ne transpirera jamais à propos de cette nouvelle place forte dérisoire par ses capacités purement stratégiques.
Entre 1820 et 1870, ce fort fera l’objet d’une série d’aménagements très particuliers tant sur l’île que sur la côte qui lui fait face. Nous savons que des travaux “d’aménagement” seront conduits de nuit et dans le plus grand secret. Même aujourd’hui il est toujours impossible d’en savoir davantage sur ces activités militaires souterraines... tous les sens du mot. Nous pourrions même douter des faits si Maxime du Camp et Flaubert n’en avaient attestés involontairement.
Année 1944 l’Allemagne Nazie s’empare du secteur de Piriac. Curieusement si ces derniers envahisseurs s’emparent de l’île, ils n’y installent aucun système de défense. Ils semblent même, au contraire, respecter étrangement l’îlot et en interdisent toute approche par l’ordonnance du 10 mars 1944. On peut s’interroger encore sur ce curieux et inhabituel comportement.
L’îlot n’échappe pas au légendaire merveilleux. Strabon, 60 ans avant notre ère, remarque que seules des femmes habitent l’île: des Samnites! Voici ce qu’il en dit:
“Des femmes samnites peuplaient cette île: elles ne communiquaient avec leurs époux qui habitaient le continent voisin qu’une fois l’an. Une fois l’an aussi pour ces femmes, ou plutôt ces prêtresses, il était d’usage d’abattre et rebâtir le temple qu’elles desservaient. Une sorte de délire frénétique présidait cette oeuvre mystérieuse. Couronnées de lierre et choisissant l’instant des ténêbres, elles se rendaient à la lueur des flambeaux vers cet édifice dont le culte ordonnait la démolition. Si l’une des prêtresses tombait ou laissait échapper son fardeau, elle était aussitôt déchirée par ses compagnes...
La portion de terre du continent faisant face à l’île est riche de légendes mystérieuses. Il est vrai que les nombreuses grottes marines du littoral se prêtent parfaitement à ce genre de récits.
L’une d’elles serait le tombeau du roi Salomon enfoui ici, avec toutes ses richesses, faute de n’avoir trouvé un vaisseau pour conduire sa dépouille sur l’île.
Puis il est question de multiples pierres à cupules tournées vers l’île. La légende dit qu’elles devaient être portées sur le “bout de la terre” mais que les eaux coupèrent l’accès... Alors elles restèrent là, tournées vers cette destination qu’elles ne pouvaient plus jamais atteindre.
Citons aussi le “tombeau d’Almanzor”. Rognon rocheux percé de nombreuses cupules imitant le drapé d’un drap mortuaire sur un tombeau. Ce rocher n’est accessible qu’à marée basse.
Quelques souterrains réputés se dirigeant tous vers la mer, et dont un seul permettrait l’accès sur (sous!) l’île. Ce souterrain serait connu seulement des familles royales (refrain bien connu et déjà entendu par ailleurs!).
Et puis des grottes aux noms évocateurs: “Trou du moine fou”, “La mine”, “Trou au loup”, “Grotte du chat (ou chas)”, “Le sphinx”, La grotte “Madame”. C’est de cette dernière que la dame d’Almanzor guettait le retour de son époux des croisades... C’est de là qu’elle vit son vaisseau faire naufrage à l’instant d’arriver.
En désaffectant le vieux cimetière, d’étranges tombeaux furent mis à jour, et en 1912 des travaux de terrassement permirent la découverte de squelettes ensevelis debouts face à l’île.
Décembre 1955. L’affaire du Grey Gannet: c’est le nom d’un bateau tout neuf abandonné près de l’embouchure de la Vilaine. Au sol des traces étranges et nombreuses témoignent d’une activité rapide et intense. Nul ne sut jamais ce qu’était devenu l?équipage et ce qui avait motivé l’abandon d’un bateau de 30 tonneaux entièrement neuf, ni la nature des activités concernant cette affaire. Traces identiques sur l’île Dumet. L’affaire restera sans suite.
Dans les années 1890, la famille de Montaigu achète une propriété sur l’île. Les Montaigu se disaient descendants de Gilles, archevêque de Rouen, habile conseiller de Philippe le Bel contre le Temple, et aussi descendant de Pierre Guérin de Montaigu, Grand Maître des hospitaliers protégeant les pélerins avant l’arrivée des Templiers.
Vers 1980, l’île était toujours habitée depuis 20 ans par un certain Robert Fleury de Valois et sa compagne. Ils y cherchaient, de façon discrète et tenace, un dépôt très précieux pour la rénovation sacrée de la France, parait il.
D’autres personnes vinrent se perdre sur ce point de terre oubliée: Colette, Cocteau, un certain Trotski, Zola, Alponse Daudet, Flaubert et Ducamp, Chopin, et quelques figures politiques de haut niveau. Mais la tradition de l’île Dumet ne mentionne t elle pas qu’il y a toujours sur (ou sous?) l’île une “résidence” réservée et en attente pour le chef de la nation française... qu’il ait été Roi, Empereur ou Président. (encore ce refrain bien connu)
Bien sûr l’île a ses histoires de trésors. Les anciens récits font état que sous le premier fort circulaire un dépôt “royal” dort depuis des lustres dans l’attente de servir un monarque oublié (et toujours ce refrain connu!). Peut être est ce là. Le lien entre Ré, RA, le soleil, l’or, la forme circulaire du premier fort, quelques travaux discrets de “maçonneries”, les traces d’engins lourds aussi discrets que pressés, un bateau vide... Une “aiguille creuse” avant la lettre puisqu’en face est la “grotte du chas”!
A moins qu’il nous faille, maintenant qu’il est question “d’aiguille” regarder celles de notre montre à seule fin de la mettre ... à l’heure de l’île Dumet. C’est à dire: à l’heure juste terrestre!!
Si la France eut le privilège rare du méridien zéro dit “de Paris” elle a aussi, et toujours cette fois, celui de détenir le “point zéro” du pôle des terres émergées.
Rome possède une pierre cubique avec gravé dessus: “OMBILICUS ROMAE ET TERRAE”. Ce qui faisait de la ville sainte le nombril du monde. Titre auquel elle ne peut plus prétendre en raison de l’île Dumet.
Les terres émergées sont concentrées dans l’hémisphère nord, et pour l’austral elles représentent à peine 20%.
Le problème du pôle magnétique ne se pose pas. Par contre celui des continents devint vite une autre nécessité, dès l’atlas dressé par Mercator et sa célèbre tentative de projection. Au XVIIIe S., le profil général des terres est pratiquement complet.
Buache, avec ses “lignes isobathes” propose de situer, en Europe, un point zéro des continents. Ce sera la ruée des capitales européennes s’alignant, au coude ... coude, pour une course au titre de “pôle des Terres”.
Les discussions s’engagent fiévreusement et les propositions se succèdent. Après bien des arguments de toutes sortes, le Dr Beythien impose un dernier triangle de choix: Belle Ile, Nantes et Vannes.
L’Institut Océanographique proclame, en 1912, à l’Académie des Sciences, que le Pôle Continental du globe terrestre est définitivement reconnu, par tous les représentants des grandes nations, et situé sur l’île Dumet. Son antipode est au sud de la Nouvelle Zélande.
Cette déclaration aura d’autres conséquences: ce point “zéro” du globe sert à étalonner et réajuster latitudes et longitudes ainsi qu’à caler minutieusement les méridiens. Mais encore depuis 1912, ce point stratégique géographique et topographique est utilisé pour le calage réglage de tous les faisceaux horaires ainsi que pour les répartitions horaires des capitales de tous les pays du globe... soit: “le ‘TOP’ de l’Heure Mondiale”!!!
Si la France perdait le méridien zéro dit “de Paris” elle gagnait avec le pôle du monde la suprématie de l’Espace et du Temps de la totalité de notre planète. Et le Pr Berget d’ajouter: “La France, étant au centre de l’Hémisphère où se trouvent tous les peuples civilisés, était tout indiquée pour remplir cette fonction. Géographiquement, notre pays domine tout l’Hémisphère des terres habitées.”
Et ceci dans la plus complète ignorance et indifférence pour la plupart des citoyens de notre pays. Sans pratiquer un chauvinisme effréné et abusif, il semblait utile d’en dépoussiérer le souvenir... à toutes fins utiles. Et puisqu’il est question de “fin”, nous en laisserons le mot à Emile Letertre qui écrit joliment à propos de l’île Dumet:
“Langue de terre perdue dans l’océan, masse sombre et
lointaine émergeant tout juste de la mer aux heures de
brume, joyau scintillant au soleil du matin, tout ... coup
jaillie de son écrin d’azur ou d’émeraude, l’île évoque
parfois curieusement ces mirages qui subjuguent les
familiers du désert...”
André DOUZET