Mal de tête, fatigue, épuisement du système nerveux, douleurs musculaires et même cancer : ce sont quelques-uns des effets supposés des ondes électromagnétiques sur le corps humain, recensés dans un rapport de la NASA datant de... 1981.
Le document a désormais trente-trois ans, mais semble sur certains points toujours d’actualité. Alors même qu’une équipe de chercheurs de l’université de Bordeaux vient de publier une étude confirmant le lien entre usage intensif du téléphone portable et cancer du cerveau (British medical journal).
A l’époque, la NASA (National Aeronautics and space administration) s’inquiète pour ses astronautes, soumis lors de leur voyage dans l’espace des champs électromagnétiques, parfois très puissants. Elle commande alors un rapport à un docteur et ingénieur en champs électromagnétiques, Jeremy K.Raines. Son rapport s’intitule « Les interactions des champs électromagnétiques avec le corps humain : effets et théories » (rapport à télécharger ici). Il a été retrouvé par un site internet canadien.
Pour réaliser son étude, l’ingénieur a épluché toutes les études scientifiques réalisées à l’époque sur les interactions entre le corps humain et les rayonnements non-ionisants. Il indique avoir utilisé plus de mille sources : articles scientifiques, comptes-rendus de conférences, articles de journaux, livres, etc.
Dès l’introduction, il indique que « beaucoup de théories et d’effets, intéressants et signifiants, ont été recensés. Certains mettent en cause des fonctions vitales pour la santé et le bien être. »
Cancers, perte du sommeil et épuisement du système nerveux
Parmi les effets recensés, le spécialiste signale des cas où les ondes auraient favorisé le développement de cancers, ou seraient liées à des morts subites du nourrisson.
Encore plus précisément, le tableau page 30 du rapport s’intéresse aux « effets subjectifs sur les personnes travaillant dans des champs électromagnétiques de fréquence radio ». Les symptômes signalés par ces patients sont le mal de tête, la fatigue, un sommeil perturbé, une irritabilité, la perte de cheveux, des douleurs musculaires et au coeur, une difficulté à respirer, etc.
- Le tableau de la page 30 de l’étude -
Le tableau page 31 recense lui les effets « cliniques » sur les travailleurs exposés à des micro-ondes : bradycardie, perturbation du système endocrinien, hypotension, activité plus intense de la thyroide, épuisement du système nerveux central, moins de sensibilité aux odeurs, etc.
Ces symptômes sont également signalés par d’autres études scientifiques, elles aussi consciencieusement répertoriées dans le rapport en fonction des fréquences et de la durée d’exposition aux ondes.
Mais ces effets sont « controversés », reconnaît le document. Car après des années d’exposition aux ondes, « il peut être difficile d’identifier les causes exclusivement responsables » des symtômes signalés. « Il reste que, quand le champ électromagnétique disparaît, les effets également », précise-t-il.
L’électro-hypersensibilité, maladie déjà décrite
Des symptômes qui ressemblent aussi étrangement à ceux présentés par les électro-hypersensibles, c’est-à-dire les personnes intolérantes aux champs électromagnétiques. Leur maladie peine encore aujourd’hui à être reconnue par les médecins et la législation.
Reporterre a voulu joindre l’auteur… et l’a retrouvé : trente ans après son étude, Jeremy K.Raines est agréablement surpris par le coup de fil reçu d’outre-Atlantique. Ce spécialiste des antennes relais est toujours indépendant, et dirige une société de conseil en analyse et modélisation des champs électromagnétiques. Même s’il n’est pas devenu spécialiste des effets des ondes sur la santé, il n’a jamais cessé de s’intéresser au sujet. Il a notamment témoigné dans le procès Yannon qui a fait date aux Etats-Unis : la justice avait reconnu les ondes électromagnétiques comme responsables de la mort d’un technicien des télécoms.
Il reste convaincu du problème : « Il y a plusieurs preuves que si vous travaillez de façon constante à proximité d’un champ électromagnétique, vous pouvez avoir des problèmes », poursuit-il.
Depuis la rédaction de ce rapport, il a même lui-même expérimenté professionnellement les conséquences de l’exposition aux ondes : « Je fais partie d’un groupe d’ingénieurs qui travaillent sur les ondes radio et télé. Chacun d’entre nous connaît quelqu’un qui travaille à proximité de ces champs. Beaucoup d’entre eux développent des tumeurs au cerveau et meurent. »
Les seuils d’exposition trop élevés
Son rapport s’intéresse également aux seuils d’exposition définis à l’époque par les gouvernements pour protéger leurs citoyens de ces ondes. En 1981, aux Etats-Unis et en Europe occidentale, la majorité des législations partaient du principe que les champs électromagnétiques ne présentent un danger qu’à partir du moment où ils peuvent chauffer le corps humain.
« On considère en général qu’ils n’ont pas d’effets à part ceux évidents, que l’on peut éviter et contrôler, de chauffer ou provoquer des chocs électriques », indique l’introduction du rapport. Mais « récemment, cette affirmation a été reconsidérée », poursuit le texte.
Cependant, trente ans plus tard la situation n’a pas évolué, et les seuils limite d’exposition aux ondes sont toujours trop élevés, juge Jeremy Raines : « Aujourd’hui, la plupart des législations visent à nous empêcher de nous cuire nous-mêmes, pas plus. »
Cependant, « les technologies se sont améliorées », tempère-t-il. Alors, les ondes électromagnétiques sont-elles dangereuses pour la santé humaine ? « C’est la grande question, on n’y a toujours pas répondu. Je pense qu’elles le sont car le corps humain est aussi un système électromagnétique. Nous savons que le cerveau émet un champ électromagnétique, c’est l’encéphalogramme. On sait que le coeur utilise un champ électromagnétique, c’est l’electrocardiogramme. »
L’ingénieur indique une des illustrations du rapport : « Elle montre quelques signaux utilisés par le corps humain. Ils lui servent à réguler ses processus. Donc, à partir de quand les signaux électromagnétiques extérieurs interfèrent-ils avec ceux du corps humain ? Nous n’avons pas la réponse à cette question, et nous devons la trouver. »
- Une des illustrations du rapport -
Dans les années 1980, les scientifiques ont bien commencé à chercher une réponse à cette question. « Il y a eu un grand intérêt pour le sujet, raconte Jeremy Raines, car un papier scientifique publié à l’époque montrait une corrélation entre des champs électromagnétiques de haute fréquence et la leucémie. Beaucoup d’autres études ont été faites à la suite de cela. » Puis l’opinion publique s’est détournée du sujet, « l’intérêt a peu à peu disparu », regrette-t-il.
Depuis, les technologies sans fil se sont développées, le téléphone portable et le wifi se sont généralisés, mais les recherches n’ont pas suivi. Selon Jeremy Raines, l’industrie n’en veut pas « pour des raisons évidentes. » Quant aux gouvernements, « je ne pense pas qu’ils soient particulièrement intéressés non plus. »