(Source : Kyriacus C. Markides, The Mountain of Silence, 2002, p.94-146 — chap 8,9,10)
La Montagne du Silence est le récit initiatique d’un sociologue du Maine à Chypre, dans les montagnes du Troodos, en compagnie du Père Maximos. Ce moine était resté pendant longtemps au Mont Athos (le « Tibet du christianisme ») et avait été renvoyé contre son gré « dans le siècle », à Chypre, son pays natal. Mais c’est sa présence à Chypre qui permit à l’auteur Kyriacus Markides de le rencontrer, et d’avoir de façon privilégiée avec lui de longues conversations sur sa foi orthodoxe. Parmi les points remarquables de ce livre, il y a plusieurs chapitres sur la nature semi-physique des êtres spirituels et des pensées perturbatrices que le moine confronte dans sa discipline de purification.
Les démons
Les moines athonites considèrent les démons et les anges comme des forces réelles et non comme des hallucinations. Comme le père Maximos connaissait bien le père Porphyrios, grand ancien athonite et thaumaturge (mort en 1992), il relate plusieurs anecdotes marquantes. L’une d’elles concerne une attaque démoniaque sur un moine qui priait avec son chapelet (komboschini).
Le moine-prêtre ami du père Maximos, a été attaqué par un démon qui l’a agrippé par le cou, en essayant de l’étrangler. Ils tombèrent à terre et le démon lui donna un grand coup dans sa poitrine, très douloureux, avant qu’il ne puisse se libérer. Ce moine-prêtre n’avait aucun lien avec le père Porphyrios qu’il ne connaissait pas, mais le lendemain matin, il reçut un appel de sa part. Le père lui dit qu’il s’était plutôt bien débrouillé mais qu’il avait le haut des poumons endommagé, et qu’il devait voir un docteur. Et en effet, il avait besoin d’être soigné.
Selon le père Maximos, les démons ne sont pas des concepts abstraits du mal. Ce sont des anges déchus, des entités réelles et objectives qui peuvent causer du tort. Les moines novices sont souvent les cibles de leurs attaques. Quand le père Maximos était novice, et qu’il était attrapé par le cou par des démons, il courait chercher refuge chez l’ancien Paisios. « Il m’apprenait à ne pas avoir peur et ne pas réagir lorsqu’il me parlait, car le démon hurlait et m’effrayait par des menaces de mort. Il parlait sans arrêt et jurait qu’il m’abattrait comme un agneau. » (p.99) L’ancien Paisios disait aussi qu’une fois, il avait durement frappé Satan, et que ce jour-là il n’est pas allé communier car il avait des remords pour Satan, qui gémissait de douleur.
Markides relate ensuite une autre anecdote sur une attaque démoniaque, dans un village touristique de Chypre. Un couple russe, la vingtaine, avait été agrippé par une force démoniaque et jeté hors de leur maison. C’était une expérience troublante pour eux, puisque ce n’était pas durant leur sommeil mais en plein jour.
Il évoque ensuite la vie de l’Ancien Joseph l’Hésychaste (1898-1959), qui vivait en ermite dans une grotte du Mont Athos. Un jour, un ami et son compagnon lui rendirent visite, mais comme c’était petit chez lui, il offrit son lit à son ami et l’autre petite chambre à l’autre pèlerin. Quant à lui, il allait faire une agrypnia (veillée). Mais durant la nuit, des démons attaquèrent l’ermitage. Le lendemain matin, son ami était couvert de bleus. Joseph l’Hésychaste lui répondit de ne pas avoir peur, car en fait les démons s’étaient trompés et avaient pris son ami pour lui.
Selon le père Maximos, « la plus grande réussite de Satan a été de convaincre tout le monde qu’il n’existait pas. Mais ceux qui ont de l’expérience dans le travail spirituel sont conscients de son existence et des malfaisances qu’il provoque partout. » (p.100) Markides donne, pour preuve, les évènements du village français de Delain, en octobre 1998 :
Un exorciste dépêché d’urgence dans l’église Delain (Haute-Saône)
Il vient de se passer de drôles de choses dans l’église de Delain, petit village de la Haute-Saône. Pendant trois jours, de jeudi à samedi derniers, les objets se sont mis à voler, à se briser tout seuls devant une quinzaine de villageois complètement médusés. « Cela volait littéralement, explique l’ancien maire du village.
Des vases éclataient sur le sol à nos pieds en de multiples morceaux. C’était incroyable et assez dangereux. Parfois, on avait l’impression d’être visés, mais, heureusement, personne n’a été touché. « Vases, statuettes en plâtre, ampoules d’éclairage et une bonne partie des objets contenus dans l’église se sont mis à bouger ou à se briser sans explication logique. « Le pire, ce fut peut-être ce gros cierge qui a travers l’église sur une longueur d’une vingtaine de mètres avant de se fendre en deux sur sa longueur », explique un des témoins de la scène.
Selon le père Maximos toujours, « gardez à l’esprit que Satan est une entité réelle qui, dans le but de tromper, ne garde pas une image stable. Quand il apparait aux êtres humains, il change constamment de forme. C’est l’un des signes qui permet de déterminer si une vision vient de Dieu ou du diable. Les choses venant de Dieu ne changent pas de forme ou d’apparence dans le but de causer de la peur ou de la confusion. (…) Te souviens-tu comment l’Ancien Paisios eut une conversation avec Sainte Efymia durant huit heures ? Elle n’a pas changé de forme quand elle était avec l’Ancien. Tandis que Satan change d’apparence en permanence. Il ne garde jamais de forme stable car son but est de vous tromper. » Pour preuve, le père Maximos rapporte le témoignage d’un jeune homme qui voyait le Christ. Il se trouve qu’il avait affaire à une force démoniaque qui se faisait passer pour le Christ. D’où l’utilité d’un guide spirituel qui a l’expérience nécessaire pour faire la distinction entre la nature des forces rencontrées.
Le père Maximos explique aussi que certains endroits sont chargés d’une énergie démoniaque. Il raconte qu’une fois, en ville, alors qu’il marchait, il a senti soudainement une énergie très négative à un feu rouge. Comme il ne savait pas ce que c’était, il a regardé autour de lui et a vu qu’elle venait d’un sous-sol utilisé comme boîte de nuit. Il se peut qu’il y eut des drogues et de la prostitution, car « quand des péchés sont commis à un endroit en particulier, l’espace tout autour se charge d’une énergie démoniaque. Et cette énergie démoniaque a un effet sur les personnes qui passent du temps à cet endroit. » (p.103) Bien sûr, il est aussi possible de changer l’énergie d’un lieu en le sanctifiant.
Le père Maximos indique que d’être attaqué par des démons n’est pas un signe de sainteté. En effet, il se peut très bien que les démons attaquent une personne pour gonfler son égo. De même, il se peut que des magiciens utilisent des démons pour réaliser certains tours de magie, et que ces démons finissent par se retourner contre lui. Il relate à ce propos une expérience avec un jeune homme de Thessalonique. Celui-ci était un adorateur du diable, disant que Lucifer était le maître du monde. Le père Maximos a donc commencé à lire des prières, et il s’est effondré. Puis il a lu des extraits du livre de prières contre les démons de Saint Jean Chrysostome, et il eut des spasmes et des tremblements, avec de la mousse sortant de sa bouche. Ce n’était pas de l’épilepsie, mais une possession démoniaque. Finalement, après cet exorcisme, le jeune homme s’est confessé.
Le père Maximos explique que les problèmes dus à la magie et au satanisme sont courants. Il avait rencontré quatre personnes confrontées à ces problèmes, qui étaient impliquées dans des rituels et qui ne pouvaient plus contrôler la situation. Une de ces personnes était un médium puissant éduqué dans un culte brésilien. Il avait ouvert une boutique à Thessalonique, car en effet il est possible d’invoquer des démons qui peuvent guérir les malades. Mais ces entités se sont retournées contre lui. Le père Maximos cite un autre exemple avec un guérisseur oriental, qui une fois interrogé s’est énervé. Or, explique le père Maximos, l’égotisme et la fierté sont les signes le plus sûrs de la tromperie. Les saints ne diront jamais qu’ils sont saints.
Le père Maximos évoque Saint Siméon le Stylite (392-459), qui avait un comportement bizarre, il grimpait sur une colonne de marbre pour prier. Les anciens se demandaient si son comportement était influencé par Dieu ou Satan, car c’était un dilemme. Ils se réunirent et décidèrent que le seul moyen de le savoir serait de le provoquer, de l’accuser, et de le forcer à descendre. Ce qui fut fait, et Saint Siméon descendit, se prosterna et demanda pardon. Sa réaction leur montra qu’il n’était pas influencé par les esprits de tromperie, car en effet, le caractère le plus probant de la sainteté est l’humilité. Ne pas pouvoir tolérer la critique, c’est pour sûr ne pas être un saint.
La plupart des gens cherchent une réponse rapide pour se défendre contre les influences démoniaques. Mais il n’y a pas de réponse rapide réellement efficace, la guérison passe par un long et sérieux travail sur soi, ainsi qu’un changement d’attitude. Dans ce cas, des esprits bienfaisants peuvent nous aider, nous protéger, et nous guider. Les humains ont leur propre ange gardien, mais aussi les nations. Chaque ville, village, localité, ou lieu de culte a son ange gardien. Les anges sont omniprésents, explique le père Maximos. « De nombreux anciens et saints, lorsqu’ils atteignent un certain stade, peuvent non seulement sentir la présence de leur anges gardiens, mais aussi avoir des conversations avec eux. » Par exemple, le père Iacovos envoyait toujours son ange gardien voir les personnes qui frappaient à sa porte avant lui.
L’influence de certaines « pensées », les logismoi
Le père Maximos insiste à maintes reprises que le but de l’Ecclesia est avant tout la « Christification, » c’est-à-dire la sainteté et l’union avec Dieu, et pas simplement la « bonté morale ». Pour ce faire, une discipline est enseignée par rapport aux logismoi. Les logismoi sont plus que de simples pensées, ils sont beaucoup plus intenses, entrant profondément dans l’être humain. Ils ont un pouvoir énorme par rapport aux simples pensées qui pourraient être appelées de « faibles » logismoi.
Certains logismoi, une fois à l’intérieur d’un être humain, peuvent saper les fondations même de la vie spirituelle. A ce propos, Markides compare la description que fait le père Maximos des logismoi au concept occidental d’élémentaux, ou de « formes pensées ». Cette théorie se base sur l’idée que les pensées et les sentiments prennent la d’une forme d’énergie subtile mais réelle. Nous en produisons en permanence, et elles affectent autant les autres que nous-mêmes. De même, nous sommes influencés par les formées-pensées ou « élémentaux » des autres, individuellement et collectivement. Elles ont donc une existence ontologique et doivent être considérées comme des « choses » réelles, objectives, et pas juste comme des états d’esprit subjectifs. Certaines de ces « formes-pensées » peuvent devenir des entités à la manière de démons (égrégores), selon l’imagination de la personne qui les produit.
Cette explication « occcidentale » reflète en grande partie la discipline des moines athonites envers les logismoi. Lorsqu’une personne s’engage dans la vie monastique, elle se confronte à des forces que ne connaissent pas les gens ordinaires. En effet, les logismoi vont constamment attaquer son cœur et son esprit. Mais tous les logismoi ne sont pas négatifs, certaines ont une origine divine, elles doivent donc être différenciés. Les logismoi sont donc des pensées d’une sorte spéciale, plus intenses que les pensées normales. Quand les logismoi parviennent à entrer dans notre « circulation sanguine spirituelle », ils se déversent comme un poison dans notre corps énergétique. Notre monde spirituel est contaminé. Parfois, l’intensité d’un seul logismos peut bouleverser les fondations même de sa spiritualité.
Les saints sont aussi affectés par les logismoi, mais ils en sont les maîtres. Ils ne les laissent pas prendre place dans leur âme. Les logismoi chez un saint sont comme des mouches traversant une pièce vide, il n’y a rien qui les attire. A l’inverse, et souvent chez les jeunes gens, les logismoi peuvent aller jusqu’à provoquer des troubles psychopathologiques, en grande partie à cause de leur ignorance de la nature des logismoi. Quand une personne est attaquée par un logismos et ne sait pas que celui-ci n’émane pas nécessairement d’elle, mais vient de l’extérieur, elle se sent coupable et cela tourne parfois à l’obsession. Ne sachant pas que le logismos vient de l’extérieur et non d’elle-même, elle se blâme en se demandant, « pourquoi ai-je de telles pensées, pourquoi ? » C’est ce qu’il se passe quand la personne ne sait pas comment s’y prendre avec les logismoi.
Les démons utilisent aussi les logismoi pour nous faire pécher. Cela se produit quand les logismoi correspondent à nos propres passions. Dans ce cas, les démons envoient un logismos qui nous met à l’aise, pour qu’on pense qu’il n’est pas grave de faire telle ou telle chose. Mais une fois que l’acte commis, les logismoi de Dieu entraînent des remords terribles. De nombreuses pathologies ou crises sont dues à ce problème des logismoi destructeurs, comme par exemple la schizophrénie.
Pour expliquer l’origine des logismoi, le père Maximos se réfère à la Chute d’Adam et Eve. Selon lui, les premiers humains vivaient en accord complet avec leur vraie nature, ils avaient donc toute leur énergie, tous leurs pouvoirs, et étaient totalement harmonisés et centrés sur le seul mouvement de l’union avec Dieu. Mais depuis la Chute, les humains sont pris dans les liens du monde tridimensionnel, de la matière et des passions égotiques, et ont perdu cet état de prière constante, qui par nature est « leur fonction essentielle et véritable ». Les logismoi sont donc étrangers à notre condition réelle, et au fonctionnement réel de notre noûs (le cœur, ou centre et totalité des pouvoirs mentaux et psychologiques). Ils sont la conséquence de notre séparation d’avec le divin.
Pour effacer le « péché originel », les saints nous ont donc enseigné comment faire face au bombardement permanent de nos cœurs et de nos esprits par les logismoi.
La maîtrise des logismoi
Selon le père Maximos, les saints ont enseigné un programme élaboré pour maîtriser les logismoi. Les saints avaient identifié cinq stades dans le développement d’un logismos.
- 1/ L’attaque : C’est lorsqu’un logismos pénètre dans l’esprit. Il s’agit de la suggestion, par exemple, de voler. Le logismos se manifesteen disant… « regarde ces billets, personne ne regarde, prends-les. » A ce stade, de tels logismoi ne sont pas des péchés, car ils n’ont entraîné aucun acte. Il s’agit simplement d’une tentation. Même les saints doivent y faire face. Tout le monde a ces logismoi, car tout le monde est humain. Se demander obsessionnellement « pourquoi ai-je ces pensées » révèle un égotisme.
Le père Maximos cite l’exemple d’un ancien qui avait deux jeunes moines à sa charge. Un jour, il alla les voir pour se tenir au courant de leurs progrès, et vit des insectes étranges autour du moine le plus jeune, que celui-ci parvint à faire fuir. Ensuite, il eut une lumière brillante autour de sa tête. L’ancien comprit que le jeune moine avait été attaqué par des logismoi et qu’il avait réussi à les chasser, et que la Sainte Grâce était arrivée après sa victoire spirituelle.
A ce stade donc, la technique consiste à ignorer les logismoi. - 2/ L’interaction : Cela se produit quand la personne commence à interagir avec le logismos, ce qui suppose un dialogue réel. Par exemple, en réponse à une suggestion donnée par le logismos, la personne peut se poser la question : « est-ce une bonne ou une mauvaise chose ? » Cette discussion est dangereuse, car elle offre des prises pour le logismos. Mais tant que la personne n’a pas commis la mauvaise action, il n’y a pas de péché. Il faut beaucoup de tempérament pour y résister.
- 3/ Le consentement : Il y a consentement quand la personne accepte de suivre le logismos tentateur. A ce moment là arrivent la culpabilité et la honte — c’est le début du péché. Cependant, même si le logismos s’est enraciné dans notre cœur, l’action n’a pas encore été commise. La guerre spirituelle est encore sur un plan mental. De ce fait, commettre cette action mentalement est toujours moins grave que de commettre l’action physiquement. Par exemple, un adultère mental n’est pas un adultère réel.
Pour le prouver, Saint Jean Chrisostome, alors patriarche de Constantinople, avait invité tous les zélotes chrétiens qui croyaient en cette idée. Il les invita à un banquet somptueux, avec les mets les plus délicats. Mais il leur demanda de réciter des prières et les invités affamés s’impatientaient. Finalement, il les a tous renvoyés. Ils étaient choqués. Le patriarche leur dit alors que selon eux, puisqu’ils avaient désiré la nourriture, c’était comme s’ils avaient consommé la nourriture ! Cela leur servit de leçon. - 4/ La captivité : La personne devient l’otage des logismoi. Une fois qu’une personne y succombe, il est beaucoup plus facile pour les logismoi de revenir, et plus difficile aussi d’y faire face. L’acte devient une habitude dont la personne n’arrive pas à se défaire.
- 5/ La passion (ou l’obsession) : Le logismos s’intègre complètement au noûs. La personne est captive, et a un comportement destructeur envers elle-même et les autres. C’est le cas par exemple, d’un joueur compulsif. La personne est pleinement consciente que son comportement est destructeur, mais son cœur est captif, elle ne peut pas rejeter l’énergie négative qui la possède et la contrôle.
Le père Maximos explique ensuite de quelle manière on peut se guérir de telles influences. Il cite l’exemple de l’addiction à la drogue, et de personnes ayant ce problème qui ont cherché refuge au monastère de la Panagia. Il évoque la construction d’un centre de réadaptation consacré à ces addictions répandues à Chypre.
La méthode utilisée pour combattre les logismoi passe tout d’abord par le fait de les ignorer, de rester complètement indifférent. Tout comme on ne devrait pas se mettre en colère quand un avion passe au-dessus de chez soi, on ne devrait pas non plus réagir aux logismoi perturbateurs. On ne devrait pas s’engager dans un dialogue avec eux, par confiance excessive. C’est une erreur tactique de discuter avec un ennemi mortel, plus intelligent que soi. Par exemple, si quelqu’un vous injurie dans la rue, mais que vous êtes en sécurité dans votre maison, pourquoi sortir lui répondre et s’exposer à une attaque ? Il en va de même pour l’attitude envers les logismoi.
Une autre stratégie est possible, la confrontation active. Si par exemple un logismos répète sans cesse qu’il n’y a pas de Dieu, et harcèle le moine en lui demandant « Que fais-tu là ? C’est insensé, il n’y a pas de Dieu, » etc., la personne peut choisir de répondre par des arguments. Cette stratégie est plus facile si la personne a atteint un certain stade de purification de ses passions et désirs terrestres. Il est alors possible de débattre avec les logismoi et de les vaincre (comme Jésus dans le désert). Ce n’est bien sûr pas une stratégie recommandée pour les novices.
Si en dépit de ses efforts, les logismoi restent tenaces, il est possible d’introduire dans son esprit un logismos de scission. Il s’agit de se concentrer sur un autre logismos pour réduire l’influence du logismos perturbateur. Le père Maximos donne l’exemple d’un ermite qui passe son temps à compter les bougies, et comme son esprit sera occupé les autres logismoi vont diminuer et pourront être maitrisés. Il est aussi possible de par exemple marcher dans la nature, car les arbres en particulier, donnent une énergie nouvelle qui peut nous renforcer. Le travail manuel est également efficace, c’est la raison pour laquelle il est encouragé dans les monastères. Le travail manuel empêche aux distractions de perturber le flux de la Grâce, c’est une forme de pratique spirituelle.
Enfin, évidemment, la prière est très efficace contre les logismoi.
Le travail spirituel dans son ensemble, appelé askesis, renforce progressivement l’âme et permet de retrouver la santé spirituelle. On devient alors très sensible à la présence des logismoi chez les autres. Le père Maximos cite à nouveau la vie de l’Ancien Paisios. Celui-ci, lorsqu’il entendait les péchés qu’on lui confessait, en devenait malade. L’esprit d’une personne qui s’est purifiée des passions inférieures ne laissera pas entrer les logismoi, et son corps les rejettera directement, en raison de son système immunitaire énergétique. Une personne libérée et purifiée ne laissera même pas son esprit imaginer ces logismoi.