Tchernobyl: 60% des habitants évacués de Pripiat en 1986 seraient aujourd’hui décédés
Qui a dit que le Nucléaire était dangereux? Tant qu’il ne se passe rien et que les déchets enfouis ne menacent que les générations à venir, c’est une technologie formidable. Les Ukrainiens et les Japonais n’en reviennent toujours pas.
Paru dans GN4
Selon Mme Tamara Krasitskaya, présidente de l’ONG “Association des Survivants de Tchernobyl”, seuls 19.000 habitants sur les 44.000 évacués dans la précipitation le 27 avril 1986 après l’explosion du réacteur n. 4 de la centrale de Tchernobyl seraient encore vivants aujourd’hui alors que ces derniers devraient statistiquement être au minimum 50% plus nombreux.
Pripiat, 4 km de Tchernobyl, 27 avril 1986
La ville de Pripiat était le centre de vie de la centrale Lénine de Tchernobyl, un site démesuré qui employait environ 10.000 travailleurs ; la ville abritait exactement 49360 habitants au moment de la catastrophe, dont 44.000 environ furent évacués en quelques heures dans la matinée du 27 avril 1986, une trentaine d’heures après l’accident.
Ces habitants furent dirigés vers la ville de Kiev, une agglomération de 3 millions d’habitants située une centaine de kilomètres plus vers le Sud, une évacuation qui ne les mettait d’ailleurs pas complètement à l’abri des irradiations et contaminations ultérieures, attendu que l’eau de boisson alimentant cette ville par l’intermédiaire d’un barrage situé entre les deux villes était elle-même contaminée fin 1986 à hauteur de plusieurs centaines à plusieurs milliers de Becquerel de Cs-137 par litre 1.
(1) 1 : ville de Pripiat ; 2 : ville de Kiev ; 3 : réservoir artificiel dit “de Kiev”
Une estimation de dosimétrie très grossière évalue la dose absorbée reçue par chaque habitant au moment de l’évacuation à environ 40 à 50 Rads soit 0.5 Gy ou encore une équivalence de dose efficace de 0.5 Sv de radiation Gamma. La dose équivalente à la thyroïde était probablement à ce moment supérieure à 10 Sv et les pastilles d’iode stable avaient été distribuées bien trop tard 2
19.000 rescapés sur 44.000 personnes évacués
D’après Mme Krasitskaya qui faisait elle-même partie des évacués de Pripiat, seuls 45% de la population évacuée serait encore vivants à ce jour, ce qui représente environ 19.000 rescapés sur un échantillon initial de 44.000 personnes.
Dans des conditions sanitaires et sociales normales, et de manière très grossière, le nombre de rescapés sur un échantillon de population similaire devrait d’établir aux environs de 30.000 3.
(2) Mortalité en Russie depuis 1986 : environ 13/1000 par année soit 350/1000 pour 27 années
Les survivants âgés de plus de 40 ans sont rares
Toujours d’après Mme Krasitskaya, les survivants de la ville maudite de Pripiat âgés de plus de 40 ans seraient, selon ses dires, très peu nombreux alors que l’espérance de vie moyenne d’un Ukrainien non exposé aux retombées de Tchernobyl se situe aux environs de 70 ans pour un âge médian d’environ 40 ans.
L’aspect sociologique des déplacements de population sur le Taux de Mortalité Brut
Évidemment, il est possible d’évoquer les phénomènes de mortalité non liés directement à la radioactivité ; nous en tiendrons compte afin d’anticiper les objections qui ne manqueront pas de fleurir : nous savons ainsi qu’à Fukushima, environ 600 personnes (principalement âgées, malades ou dépendantes) seraient décédées prématurément suite à l’évacuation réalisée en mars 2011.
Sur une population déplacée de 160.000 habitants et sur le cours d’une période de deux années, cette prise en compte de l’aspect “sociologique” des évacuations ne dépasse pas 2/1000 par an : le compte n’y est simplement pas !
Rien qu’un témoignage parmi d’autres mais mille témoignages honnêtes ne valent-ils pas une dizaine d’études scientifiques contradictoires ?
Bien sûr, me direz-vous, il ne s’agit que du témoignage de Mme Tamara Krasitskaya, présidente de l’association Zemlyaki (Organisation sociale des réfugiés de Tchernobyl). Bien sûr, il ne s’agit pas d’une étude épidémiologique en règle avec son lot de références indiscutables et sa froideur scientifique, factuelle et cruelle.
Pour autant, ce témoignage doit être repris et diffusé car il correspond probablement à l’intimité du ressenti par ce témoin direct d’une des principales catastrophes de notre monde moderne ; loin des débats techniques, cette approche humaine et sincère ne peut être rejetée simplement au motif qu’elle s’éloigne des “critères objectifs” sur lesquels “on” voudrait (je vous laisse apprécier qui se cache derrière le “on”) aligner la totalité de nos débats.
Le processus de domination des “élites”
Les études épidémiologiques concernant la catastrophe de Tchernobyl ne feront jamais la lumière totale sur les conséquences indirectes du drame Ukrainien car certaines sont spécialement commandées pour s’opposer à d’autres, des puissances financières majeures s’efforçant de court-circuiter un nécessaire débat citoyen sur l’atome ; cette discussion représente pourtant une obligation majeure qui n’a jamais été engagée et n’a aucune chance de l’être tant que de tels schémas de domination ne basculeront pas brutalement sur la tranche, de gré ou de force.
Nous avons un espoir : si ce n’est à l’occasion de l’une de ces catastrophes nucléaires, ce sera à l’occasion de la suivante ; les occasions de relancer le débat nucléaire ne disparaitront donc pas aussi rapidement, au prix élevé de quelques milliers à quelques millions de victimes directes et indirectes.
Sources :
27 april 2013 meeting with Tamara Krasitskaya – Nuclear News, 28413
Evacuation de Pripyat – Dissident Media
Retour à Tchernobyl – Dissident Media d’après LNO du 2046
My Good Life in Pripyat, the Disaster Caused by Chernobyl… Tamara Dikaya, 2007
Chernobyl Cleanup Survivor’s Message for Japan: ‘Run Away as Quickly as Possible’ – AOL News, 22311
Tchernobyl n’a pas terminé son ouvrage – Courrier International, 21411
Fukushima zéro mort etc. – fukushima blog, 15312
- Courrier International, 2011 ↩
- Environ 24 heures après la première exposition, l’iode stable ne présentant plus d’efficacité 6 heures après l’exposition ↩
- En tenant compte d’un taux de mortalité moyen sur 27 années de 132/10000 pour la Biélorussie, l’Ukraine et plus généralement la Russie
Source: Gen4, merci à Jean