Casa Pound Italia : la nouvelle vague fasciste ?
Au contraire de ce que l’on pourrait penser, l’univers « néofasciste » italien est plutôt composite. Le dernier groupe en date est Casa Pound, qui constitue l’une des expériences néofascistes les plus innovantes. Le nom du groupe fait référence au poète américain Ezra Pound, qui a ouvertement soutenu le fascisme puis la République Sociale italienne (aussi appelée la République de Salo, régime éphémère composé par Mussolini au nord de l'Italie entre 1943-1945) pendant la deuxième guerre mondiale.
Néo-fasciste et social
« la réorganisation sous quelque forme que ce soit du parti fasciste dissout est interdite »
« Casa Pound Italia est née en 2007 à Rome, suite à l’expérience du centre social occupé "CasaPound" et des occupations de logements » nous explique Cristiano Coccanari, membre de Casa Pound Italia et responsable de la webradio du mouvement « Radio Bandiera Nera ». « Nous sommes une association de promotion sociale et nous utilisons la force du volontariat pour diffuser nos propres visions sociales » poursuit-il. L’association est de plus en plus structurée et possède à présent des sièges dans toute l’Italie. Les pivots de son action sont la lutte contre l’usure, l’aide sociale, et la lutte contre la vie chère, et son mot d’ordre : agir !
Le lien direct entre Casa Pound et l’expérience fasciste italienne est évident : « ce qui nous plaît dans l’expérience fasciste, c’est l’attention à la justice, les grandes réalisations sociales et administratives faites dans l’intérêt de la communauté nationale, et tout le travail accompli pour faire de l’Italie une communauté de destin, des Alpes à la Sicile, et non une simple expression géographique », déclare encore Cristiano Coccanari. Tous les doutes sont dissipés. C’est d’ailleurs l’un des motifs pour lesquels Casa Pound a soulevé de nombreuses polémiques dans les milieux proches de la gauche, jusqu’à une interpellation parlementaire en février 2010 de la part du sénateur Salvatore Tomaselli (Parti Démocrate) qui cherchait à savoir comment le gouvernement interprétait les initiatives et les programmes de cette organisation, en considérant cette affirmation de la Constitution : « la réorganisation sous quelque forme que ce soit du parti fasciste dissout est interdite ».
Casa Pound nie vouloir se constituer en parti, et ses membres déclarent ne pas se considérer d’extrême droite : « Pour nous, les étiquettes "de droite" ou "de gauche" sont dépassées et doivent être reléguées à l’Histoire. Les défis et les problèmes que le troisième millénaire présente ne sont ni de droite ni de gauche, pas plus que leurs solutions. » Mais quand on commence à parler de la souveraineté nationale, le discours se fait plus grinçant. « L’idée de la reconquête nationale présuppose la complète récupération de la souveraineté de la part de la communauté nationale, représentée par un État qui se doit d’être éthique et organique, et qui doit être l’expression et la référence spirituelle de la communauté elle-même ».
Immigration : tolérance zéro
Concernant l’immigration, Casa Pound considère que c’est la globalisation qui contraint les pauvres à une fuite vers un « supposé eldorado européen ». Cristiano Coccanari éclaircit ce point : « Le résultat est une guerre dramatique entre pauvres qui crée chez les Italiens un chômage en augmentation à cause du profit fait sans discrimination sur le dos des "nouveaux esclaves" ». Il conclut en déclarant : « nous réclamons aussi le blocage des flux migratoires qui sont à présent bien au-delà du seuil de tolérance. »
Comment réagissent les Italiens ?
Europe autarcique, reconquête nationale, stop aux multinationales et à la société multiraciale, droit au logement et à l’éducation, souveraineté énergétique, réécriture de la Constitution italienne… voici quelques uns des points du programme de Casa Pound, défini par le professeur Stefano Bartoli
ni comme un programme de « fascisme de gauche » dans son article Les "petits-fils du Duce" entre héritage, nouveauté, persistance et développement à l’aube du nouveau siècle. Selon lui, il s’agit d’un retour aux origines, d’une tentative de « se refaire une beauté »: « les néo-fascistes du vingt-et-unième siècle réadaptent les formules de communication, changent les symboles, s’inventent de nouveaux noms, mais restent ce qu’ils ont toujours été. Ils n’abandonnent même pas les pratiques les plus violentes ». Malgré cela, Casa Pound revendique le fait de représenter une expérience « différente de que les gens voudraient bien croire ». Les différents groupes antifascistes ne voient pas les choses de la même façon, et dénoncent les agressions subies de la part de cette « organisation fasciste » tout en demandant la fermeture des sièges de Casa Pound dans plusieurs villes. Entre polémiques et agressions, Casa Pound attire aujourd’hui beaucoup de jeunes, mais également plusieurs personnes ayant dépassé la trentaine. Tout ça aussi grâce à l’importance donnée à la communication et aux actions pratiques, qui s’inspirent souvent de celles du mouvement no-global. Mais Bartolini nous avertit : « Les néo-fascistes ont caché au public beaucoup de leurs idées moins présentables, ils sont capables de mettre de côté leur symbolique plus nostalgique si nécessaire. Dans ces conditions, rien ne nous dit qu’ils ne réussiront pas à gagner de nouveaux espaces et de nouveaux tremplins pour tenter l’assaut. »
En somme, les fils de Pound ont réussi à conquérir les espaces sociaux oubliés par la politique, surtout de gauche, en s’adressant aux classes populaires et aux exclus à travers des activités pratiques. Bien qu’ils soient très bruyants, ils restent minoritaires. On est alors en droit de se demander : quel est l’avenir de ce « fascisme du troisième millénaire » ?