11 novembre 2016
Que reste t 'il de notre humanité ?
Il y a presque 400 ans, 18 années après le début de la Guerre de Trente Ans, le poète allemand Andreas Gryphius a écrit son célèbre poème «Les Larmes de la Patrie». D’une façon impressionnante ce poète décrit la destructivité de la guerre, qui s’empare de tout.
Le poème se termine par ces trois lignes: «Cependant je ne dirai rien de ce qui est pire que la mort, de ce qui est plus terrible que la peste, la violence, la famine et qui est que tant de gens soient privés des rêves et des trésors de l’âme.»
Dans ces semaines-ci, c’est, pour l’Europe, le 10e avent consécutif à la guerre meurtrière en Yougoslavie et le 18e avent consécutif à la Guerre du Golfe, et les sanctions pas moins sévères contre l’Irak. Pour des millions d’êtres humains sur notre terre, le quotidien, c’est la guerre, la mort, les souffrances et la destruction, et cela depuis des années. Alors que nous, vivant dans le reste de l’Europe, nous avons été épargnés.
Il y a plus de 60 ans, le poète allemand Wolfgang Borchert a écrit la nouvelle «Ce mardi», toujours d’actualité. Cette nouvelle se déroule sur deux lieux: au front, où, tous les jours, les hommes meurent misérablement, et dans la patrie, où l’on est fier de la promotion de l’homme en capitaine, où des petits colis sont envoyés au front, où les femmes des soldats vont à l’opéra, toutes fardées. Que sont devenus nos critères?
Le 10 décembre, cela fera 60 ans que l’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé la Déclaration des Droits de l’Homme. Il y est question des droits de l’homme en tant que «fondement de la liberté, de la justice, et de la paix dans le monde.» Il y est question de la nécessité de protéger les droits de l’homme par le règne du droit, afin que l’homme ne soit pas forcé de se révolter contre la tyrannie et la suppression, la révolte étant l’ultime moyen.
Quel monde avons-nous avons fait naître? Surtout, que dirons-nous aux jeunes? Car eux, ils sont contraints d’adopter ce que nous leur laissons. Celui qui parle aujourd’hui aux jeunes de l’état du monde et des droits de l’homme n’obtiendra que hochements de tête. Pourquoi parlons-nous encore des droits de l’homme, quand on ne les respecte plus du tout?
Beaucoup de jeunes ne sont que peu touchés spontanément quand ils apprennent comment on a forcé pays et peuples par des mensonges de faire la guerre. Par exemple, les acquis de la génération de l’après-guerre, comme les droits de l’homme, servent de prétextes pour faire la guerre dans d’autres nations, pour y régner et les piller. Les jeunes ne manifestent pas contre le fait que des fonctionnaires prennent part aux crimes et aux meurtres. Que près d’un milliard d’hommes doivent souffrir de la faim, que deux milliards doivent subsister en ayant moins de 2 dollars par jour, que les quelques milliardaires de ce monde possèdent 60% de la richesse mondiale et que même dans les pays «riches» de plus en plus d’hommes et de femmes doivent souffrir d’une misère amère, cela n’a pas de retentissement, ni de persistance.
Est-ce que les jeunes réagissent de manière différente de nous? Ou bien la raison de leur indifférence est-elle à trouver dans l’exemple leur avons-nous donné ces dernières vingt années? Est-ce que nous n’avons pas perdu conscience, au milieu des tourbillons de l’euphorie boursière des années 90, des trésors de l’âme et de l’importance que ceux-ci ont pour notre vie? L’éthique, la morale, les valeurs – qui oserait encore les apprendre aux jeunes? Ont-elles disparu? Ou est-ce que nous en avons seulement perdu la sensation?
Quiconque dialogue avec les hommes – avec les jeunes également – fait toujours l’expérience qu’ils se rendent parfaitement compte de ce qui est juste et de ce qui est un tort, – si quelqu’un l’appelle clairement justice ou tort. Nous ne surmonterons la crise actuelle qui s’intensifie que si nous prenons conscience en tant qu’êtres humains des trésors de l’âme, que si nous entreprenons les tâches à venir tout en gardant notre humanité et en ne perdant pas des yeux la misère d’autrui.
Un test est imminent pour nous autres Allemands. Un jeune soldat américain a demandé asile en Allemagne. Il a vu en Irak comment des êtres humains étaient «déchiquetés» par les armes des hélicoptères américains. Il a commencé à avoir honte et il a tiré la conclusion qu’aussi bien la guerre en Irak que celle en Afghanistan étaient et sont illégales «selon le droit américain et selon le droit international». Maintenant ce jeune soldat mise sur l’Allemagne. Il y a 60 ans les procès de Nuremberg avaient montré que personne ne pouvait se réclamer de l’obéissance militaire. Et il cite un modèle allemand et le verdict du Tribunal d’Administration allemand datant de 2005. Ce verdict a donné raison à un commandant allemand qui avait refusé d’obéir à un ordre quand il était question de soutenir la guerre contre l’Irak.
Les jeunes s’étonnent qu’il existe encore aujourd’hui des êtres humains qui n’ont pas été privés de leurs trésors de l’âme. Que dirons-nous, Allemands, à ce jeune soldat?
Karl Müller
Le poème se termine par ces trois lignes: «Cependant je ne dirai rien de ce qui est pire que la mort, de ce qui est plus terrible que la peste, la violence, la famine et qui est que tant de gens soient privés des rêves et des trésors de l’âme.»
Dans ces semaines-ci, c’est, pour l’Europe, le 10e avent consécutif à la guerre meurtrière en Yougoslavie et le 18e avent consécutif à la Guerre du Golfe, et les sanctions pas moins sévères contre l’Irak. Pour des millions d’êtres humains sur notre terre, le quotidien, c’est la guerre, la mort, les souffrances et la destruction, et cela depuis des années. Alors que nous, vivant dans le reste de l’Europe, nous avons été épargnés.
Il y a plus de 60 ans, le poète allemand Wolfgang Borchert a écrit la nouvelle «Ce mardi», toujours d’actualité. Cette nouvelle se déroule sur deux lieux: au front, où, tous les jours, les hommes meurent misérablement, et dans la patrie, où l’on est fier de la promotion de l’homme en capitaine, où des petits colis sont envoyés au front, où les femmes des soldats vont à l’opéra, toutes fardées. Que sont devenus nos critères?
Le 10 décembre, cela fera 60 ans que l’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé la Déclaration des Droits de l’Homme. Il y est question des droits de l’homme en tant que «fondement de la liberté, de la justice, et de la paix dans le monde.» Il y est question de la nécessité de protéger les droits de l’homme par le règne du droit, afin que l’homme ne soit pas forcé de se révolter contre la tyrannie et la suppression, la révolte étant l’ultime moyen.
Quel monde avons-nous avons fait naître? Surtout, que dirons-nous aux jeunes? Car eux, ils sont contraints d’adopter ce que nous leur laissons. Celui qui parle aujourd’hui aux jeunes de l’état du monde et des droits de l’homme n’obtiendra que hochements de tête. Pourquoi parlons-nous encore des droits de l’homme, quand on ne les respecte plus du tout?
Beaucoup de jeunes ne sont que peu touchés spontanément quand ils apprennent comment on a forcé pays et peuples par des mensonges de faire la guerre. Par exemple, les acquis de la génération de l’après-guerre, comme les droits de l’homme, servent de prétextes pour faire la guerre dans d’autres nations, pour y régner et les piller. Les jeunes ne manifestent pas contre le fait que des fonctionnaires prennent part aux crimes et aux meurtres. Que près d’un milliard d’hommes doivent souffrir de la faim, que deux milliards doivent subsister en ayant moins de 2 dollars par jour, que les quelques milliardaires de ce monde possèdent 60% de la richesse mondiale et que même dans les pays «riches» de plus en plus d’hommes et de femmes doivent souffrir d’une misère amère, cela n’a pas de retentissement, ni de persistance.
Est-ce que les jeunes réagissent de manière différente de nous? Ou bien la raison de leur indifférence est-elle à trouver dans l’exemple leur avons-nous donné ces dernières vingt années? Est-ce que nous n’avons pas perdu conscience, au milieu des tourbillons de l’euphorie boursière des années 90, des trésors de l’âme et de l’importance que ceux-ci ont pour notre vie? L’éthique, la morale, les valeurs – qui oserait encore les apprendre aux jeunes? Ont-elles disparu? Ou est-ce que nous en avons seulement perdu la sensation?
Quiconque dialogue avec les hommes – avec les jeunes également – fait toujours l’expérience qu’ils se rendent parfaitement compte de ce qui est juste et de ce qui est un tort, – si quelqu’un l’appelle clairement justice ou tort. Nous ne surmonterons la crise actuelle qui s’intensifie que si nous prenons conscience en tant qu’êtres humains des trésors de l’âme, que si nous entreprenons les tâches à venir tout en gardant notre humanité et en ne perdant pas des yeux la misère d’autrui.
Un test est imminent pour nous autres Allemands. Un jeune soldat américain a demandé asile en Allemagne. Il a vu en Irak comment des êtres humains étaient «déchiquetés» par les armes des hélicoptères américains. Il a commencé à avoir honte et il a tiré la conclusion qu’aussi bien la guerre en Irak que celle en Afghanistan étaient et sont illégales «selon le droit américain et selon le droit international». Maintenant ce jeune soldat mise sur l’Allemagne. Il y a 60 ans les procès de Nuremberg avaient montré que personne ne pouvait se réclamer de l’obéissance militaire. Et il cite un modèle allemand et le verdict du Tribunal d’Administration allemand datant de 2005. Ce verdict a donné raison à un commandant allemand qui avait refusé d’obéir à un ordre quand il était question de soutenir la guerre contre l’Irak.
Les jeunes s’étonnent qu’il existe encore aujourd’hui des êtres humains qui n’ont pas été privés de leurs trésors de l’âme. Que dirons-nous, Allemands, à ce jeune soldat?
Karl Müller