L'OMS redoute une pandémie de grippe porcine
Depuis son siège de Genève l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a, dans l'après-midi du samedi 25 avril, prévenu que le nouveau virus grippal à l'origine d'un début d'épidémie au Mexique et aux Etats-Unis est clairement doté d'un «potentiel pandémique».
L'OMS appelle tous les pays à augmenter leur niveau de veille épidémiologique. L'ensemble des autorités sanitaires internationales étaient déjà depuis quelques jours en alerte après la découverte d'une bouffée épidémique due à un nouveau virus grippal d'origine animale responsable ces derniers jours d'une soixantaine de morts au Mexique. Fait inquiétant: la plupart des victimes étaient en bonne santé et âgées de 25 à 45 ans. Plus d'un millier de personnes souffrant de pneumonie sont en observation dans le pays. Huit cas bénins de la maladie viennent également d'être identifiée au Texas et en Californie. Principale question soulevée assiste-t-on ici au début d'une nouvelle pandémie grippale hautement pathogène ?
En France le ministère de la santé a, samedi 25 avril, annoncé la mise en place d'une «conférence de presse quotidienne» sur ce sujet. La première se tiendra le dimanche 26 avril à 15 heures sous de Roselyne Bachelot. Un «centre de crise» a d'ores et déjà été mis en place par les autorités françaises pour émettre notamment des recommandations à destination des Français résidant au Mexique ainsi que des conseils aux voyageurs.
« Ces mesures ont été mises en place parce que l''on sait très bien que les déplacements aériens ou maritimes sont nombreux. Il n'est pas exclu qu'une personne malade, donc potentiellement contagieuse, puisse entrer en France ou en Europe» a expliqué Didier Houssin, responsable de la Direction générale de la santé. Les mesures de surveillance et de vigilance sont «destinées à identifier le plus tôt possible l'apparition d'un cas sur le terriroire national. Il faut s'attendre dans les jours qui viennent à ce qu'on ait des suspicions de cas avec des personnes en provenance du Mexique.» Le professeur Houssin a d'autre part précisé que l''Institut national de veille sanitaire avait activé son dispositif de veille pour le cas où une suspicion de cas serait observé rapidement, l'authentifier et prendre les mesures nécessaires.
Outre-Atlantique une série d'initiatives ont depuis peu été prises par les autorités sanitaires mexicaines pour réduire les mouvements de population et donc les risques de transmission inter-humaine de l'infection. Vendredi 24 avril, l'armée mexicaine a commencé à distribuer gratuitement des masques individuels de protection. Toutes les écoles, les lycées et et les universités publiques et privées ont été fermés dans la capitale (où vivent 20 millions de personnes) ainsi que dans l'Etat de Mexico. Il en va de même pour les théâtres et les musées.
Les autorités de la capitale mexicaine ont demandé à la population d'éviter de prendre les transports en commun, de ne pas s'embrasser ou plus se serrer la main pour se saluer. Autre symptôme éclairant de l'inquiétude des autorités: les deux rencontres de football de Première division prévues dimanche 26 avril à Mexico seront bien disputées, mais à huis clos. Le président mexicain Felipe Calderon et le maire de Mexico, Marcelo Ebrard, ont suspendu toutes leurs activités initialement prévues pour se consacrer à l'organisation de la lutte préventive. L'aéroport de la capitale demeure en activité et aucune décision de mise en quarantaine ou de fermeture des frontières n'a été prise.
Aux Etats-Unis le président Barack Obama est tenu informé de l'évolution de la situation et la Maison-Blanche a déclaré prendre l'alerte très au sérieux. Des « centres opérationnels d'urgence » ont été mis en place. Au Canada, la ministre de la santé a appelé la population à la plus grande vigilance. D'autre part six pays latino-américains a priori non touchés (Costa Rica, Nicaragua, Brésil, Pérou, Chili et Colombie) ont décrété un état d'alerte sanitaire ou annoncé des mesures préventives.
A Genève au siège de l'OMS, où l'on se dit « très inquiet », on a activé un centre d'opération chargé de récolter et de centraliser toutes les informations virologiques et épidémiologiques. La directrice générale de l'OMS, Margaret Chan, rentrée dans la nuit du 24 au 25 avril de Washington à Genève a participé dans l'après-midi du samedi 25 avril à une téléconférence en liaison avec la commission d'urgence du Règlement sanitaire international (RSI). La commission d'urgence pourrait très bientôt formuler des recommandations, concernant un relèvement de l'alerte vis à vis d'un risque de pandémie -pouvant conduire à des décisons de fermeture des frontières et de réduction des mouvements de transports aériens.
Le 24 avril une certaine confusion demeurait encore quant au type de virus responsable de ce début d'épidémie. Selon l'OMS les premiers cas mortels observés au Mexique seraient dus à une infection par le virus grippal de type A/H1N1 connu pour être responsable d'une forme de grippe porcine. Mais Dave Daigle, porte-parole des Centres américains pour le contrôle et la surveillance des maladies (CDC) a déclaré que le nouvel agent pathogène était constitué de plusieurs souches. Il serait ainsi selon lui le produit d'une série de mutations et de réassortiments génétiques et composé d'éléments provenant de virus d'origine à la fois aviaire, porcine et humaine, une situation semble-t-il jamais vue jusqu'à présent. L'information a été confirmée dans la matinée du 25 avril. Selon les responsables du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies «il y a un risque, même réduit, d'apparitions de virus au potentiel pandémique.» La plupart des centres de référence de virologie agréés par l'OMS travaillent actuellement à décrypter la composition génétique et moléculaire de ce nouveau virus afin d'en identifier l'origine et de tenter d'en évaluer le caractère pathogène.
Le 25 avril une certaine confusion règnait aussi quant aux mesures pouvant être prises en terme de vaccination ou de prescription médicamenteuses. Selon Armando Ahued, responsable sanitaire de la municipalité de Mexico un «antivirus spécifique» serait disponible et le pays disposerait d'un million de doses du médicament. Il s'agit du Tamiflu (ou oeltamivir) de la multinationale pharmaceutique Roche. Les autorités sanitaires mexicaines ont annoncé le 24 avril que le recours au médicament était préférable à une campagne de vaccination antigrippale de masse. Elles avaient pourtant annoncé une campagne de vaccination quelques heures plus tôt avant que l'OMS ne laisse entendre que les vaccins antigrippaux actuellement disponibles n'étaient pas efficaces contre la nouvelle souche virale émergente.
Jean-Yves Nau