L’euro, responsable de la destruction de l’industrie Française?
Les esprits les plus curieux se penchent actuellement sur le rapport de 23 pages publié par le docteur Eric Dor, directeur de l’école de gestion IESEG de l’Université Catholique de Lille au regard des conséquences de l'union monétaire sur la destruction de l'industrie manufacturière Française.
Eric Dor écrit que ‘le lancement de l’euro a entraîné une forte diminution de la production manufacturière en France ainsi qu’une importante diminution de ses parts de marché’.
En clair
Depuis la naissance de l’euro, les productions industrielles de la France et de l’Allemagne ont extrêmement divergé. La production manufacturière de la France a fortement diminué dans le même temps que celle de l’Allemagne grimpait. La baisse ou la stagnation des exportations de produits Français contraste avec la hausse des exportations de l’Allemagne. La France a perdu énormément de parts de marché sur les marchés étrangers. Ce phénomène est une conséquence directe des défauts d’organisation de l’union monétaire. En raison des vastes écarts de sophistication des produits Français et Allemands, partager une devise commune avec l’Allemagne a inévitablement entrainé une baisse de la compétitivité de la France sur les marchés étrangers.
La production de l’industrie manufacturière en France
Les données détaillées compilées dans ce rapport mettent en lumière la magnitude de la désindustrialisation de la France depuis la naissance de l’euro. Avant l’union monétaire, les taux de croissance de la production industrielle de l’Allemagne et de la France étaient très similaires. Par exemple, de janvier 1995 à décembre 1998, le taux de croissance cumulé était de 5,5% pour la France et 6,4% pour l’Allemagne. En revanche, depuis l’arrivée de l’euro, entre janvier 1999 et avril 2013, la production industrielle de la France a diminué de 11,4% dans le même temps que celle de l’Allemagne augmentait de 32,8% !
Avant la crise financière, entre janvier 1999 et décembre 2008, la divergence était nette. Sur la période, la production manufacturière de la France n’a augmenté que de 3,4% alors que celle de l’Allemagne gagnait 32,4%. La crise s’est avérée destructrice pour la France, où la production manufacturière a diminué de 15,2% entre janvier 2009 et avril 2013. Sur la même période, celle de l’Allemagne a bien résisté et n’a souffert que d’une baisse de 1,5%. Les données relatives à la production industrielle démontrent que depuis la création de l’union monétaire, la Grande-Bretagne a enregistré de meilleures performances que la France, qui se trouve clairement proche des économies périphériques en difficultés que sont l’Espagne et l’Italie.
Les données relatives à la croissance cumulée de la production industrielle présentent que la divergence entre la France et l’Allemagne est identique sur la quasi-totalité des secteurs industriels.
Les carences de l’union monétaires étaient évidentes dès le début
La responsabilité de ceux qui sont à l’origine de la création de l’union monétaire est grande, parce que bon nombre d’entre eux avaient conscience de ses défauts. Ce fait a été très bien documenté par Geert De Clercq (2011).
Il ne fait aucun doute que les experts avaient conscience que les mécanismes de la devise commune entraîneraient un financement implicite des pays du sud par les pays du nord. Avant de rejoindre la BCE en 1998, Otmar Issing a lui-même publié un article dans lequel il mettait en garde contre les transferts de liquide qu’impliquerait la devise unique entre les pays membres, et les tensions politiques qui en découleraient. Bien que la demande faite par la Bundesbank aux autres pays de l’Eurosystème au regard de TARGET ait posé beaucoup de questions en Allemagne, un phénomène de ce type a été identifié dès le départ, avant même le lancement de l’euro – par Garber, entre autres.
Les conséquences pour la France
Bien que la France n’ait pas fait l’expérience d’une bulle sur l’immobilier et d’un endettement excessif du secteur privé comparable à ceux des pays de l’Europe du sud, la compétitivité du pays et la profitabilité de son industrie se sont trouvées détériorées depuis le lancement de l’euro. En conséquence, son déficit commercial n’a cessé de s’accroitre, et sa capacité de production a grandement souffert.
Le document PDF fait 23 pages et est truffé de graphiques comme celui-ci :
Production industrielle cumulée
Cliquez sur un graphique pour en obtenir une image plus lisible.
L’euro a exacerbé les déséquilibres existants.
Pour dire les choses telles qu’elles sont, les problèmes de la France (et de l’Espagne, de la Grèce et de l’Italie…) ne sont pas uniquement dues à l’euro. En revanche, il est certain que l’euro les ait exacerbés.
Plutôt que d’agir en sauveur, l’euro a représenté une ancre pour une majorité des pays de la zone euro.