Les banques européennes ont-elles des problèmes de liquidité ?
Pourquoi les banques européennes ont-elles besoin d’autant de liquidités ? Le QE de la BCE tourne à plein régime et devrait sans peine atteindre les 60 milliards d’euros par mois. On pouvait s’interroger, au début, sur la réussite du plan d’assouplissement quantitatif lancé par Mario Draghi étant donné qu’il consiste à acquérir des produits déjà très demandés, et dont les banques ont besoin pour répondre aux ratios prudentiels, en l’occurrence des obligations souveraines. Mais non, le programme d’achat de la Banque Centrale Européenne remplit ses objectifs (26,3 milliards d’euros dans les dix premiers jours). Et voici autant d’argent frais qui tombe dans les caisses des banques.
Mais cela ne leur suffit pas : la BCE propose également tous les trimestres des prêts à 4 ans sans limitation de montant, les TLTRO (Targeted long-term refinancing operation), et la dernière allocation a rencontré un franc succès avec 98 milliards d’euros quand les analystes en attendaient 40. 143 banques en ont profité. Ces prêts sont très bon marché, et la BCE a décidé de ramener leur taux de 0,15% à 0,05% (de l’argent quasiment gratuit !), cependant cette baisse ne peut expliquer à elle seule le succès de cette opération de mars 2015. Les deux premiers TLTRO (septembre et décembre 2014) avaient totalisé 212 milliards d’euros, cinq autres opérations sont prévues tous les trimestres d’ici juin 2016. Et voici encore des montagnes d’argent frais qui se déversent dans les banques européennes.
Pourquoi les banques veulent-elle autant de cash alors qu’elles n’en ont pas véritablement besoin puisque que le crédit ne repart pas ? Est-ce pour jouer sur les marchés ? Certes, les bourses se portent très bien et progressent nettement depuis l’annonce du QE par Mario Draghi, mais cette explication ne suffit pas. Alors posons la question : les banques auraient-elles des problèmes de liquidité ? Plusieurs faillites bancaires ont eu lieu récemment, quatre en l’espace de deux semaines (Autriche, Allemagne, Andorre, Espagne), comme nous l’avons dit la semaine dernière, ce qui fait beaucoup. D’autres sont-elles sur le point de survenir ?
Aux Etats-Unis, manifestement on se pose aussi des questions puisque la Fed exprime son inquiétude concernant plusieurs banques européennes. De par la loi, les grandes banques actives sur le territoire américain sont tenues de communiquer chaque année un « plan de résolution » censé permettre de gérer leur éventuelle faillite sans avoir recours à des fonds publics, et ceux de BNP Paribas, Royal Bank of Scotland et HSBC ne donnent pas satisfaction. La Fed pointe des « lacunes spécifiques », « des assomptions irréalistes » sur le comportement des clients et des investisseurs ainsi que des « analyses inadéquates » sur l’interconnexion entre les différents établissements financiers. Des accusations plutôt inquiétantes.
Les primes de risque ont disparu des marchés, avec l’écrasement des taux sur quasiment tous les compartiments (la dette italienne à 10 ans, notée BBB-, à moins de 1,5% par exemple), mais le risque, lui, n’a pas disparu : il se trouve désormais dans le bilan des banques. Cette appétence pour les liquidités ne manque pas d’inquiéter.