Histoire : l'emprunt Giscard ou comment faire fortune avec les obligations.
"Les financiers ne font bien leurs affaires que lorsque l'Etat les fait mal" Talleyrand
En cette fin d'année 1986 moins d'une année avant le fameux krach boursier d'octobre 1987, les financiers étaient occupés à remplir leur déclaration de revenus... Le plus gros salaire de l'année fût celui d'un professeur de mathématiques à la retraite de 80 ans : Monsieur Vidal Madjar. En effet sa feuille d'impôt qui fût publiée dans la presse indiquait un montant de 9 179 636 francs.
Cette somme ne correspondait évidemment pas à la retraite de professeur de Monsieur Vidal-Madjar, en fait ce dernier s'était fait commis d'agent de change, et gérait la fortune de 300 personnes pour un montant de 2 milliards de francs (300 millions d'euros). Ses investissements n'étaient en rien spéculatifs puisque les sommes étaient investies en obligations des plus classiques : la Caisse Nationale de l'Energie, la rente Pinay et surtout le fameux emprunt Giscard de 1973. En fait, le petit retraité de l'éducation nationale devenu ce que l'on appellerait aujourd'hui "gérant obligataire", a profité des obligations dites indexées. Ce sont des obligations dont le nominal et le coupon sont indexés sur un indice ou un prix comme par exemple le cours du CAC40 ou bien le prix de l'or.
En 1973, lorsque celui qui n'allait pas encore manger des oeufs au plat chez les français, lance un emprunt éponyme, la plupart des investisseurs ne pensait pas que la clause prévoyant l'indexation des coupons et du nominal sur le lingot jouerait un jour... Monsieur Vidal-Madjar fait le pari inverse... et fait fortune... voici pourquoi :
- L'emprunt Giscard était d'un montant de 6,5 milliards de francs (soit corrigé de l'inflation environ 5 milliards de nos euros de 2010), son nominal de 1000 francs, versait un coupon de 7% et était remboursable à l'échéance soit le 16 janvier 1988. Les intérêts étaient versés le 16 janvier de chaque année. L'originalité de cet emprunt, résidait dans une clause faite pour rassurer les investisseurs de l'époque, mais qui couta fort cher aux finances publiques. Cette clause prévoyant l'indexation des coupons et du nominal sur l'or (le franc de l'époque étant défini comme 0,88 grammes d'or fin), ne devait s'activer que si le franc perdait sa parité-or pendant plus d'un an... C'est justement ce qui arriva en 1976 avec la démonétisation de l'or suite aux accords de la Jamaïque...
Dès lors, ce fût la catastrophe pour les finances publiques, mais la fortune pour les investisseurs et comme nous l'avons vu monsieur Vidal-Madjar... En effet, chaque année les coupons et le nominal étaient ajustés en fonction de l'augmentation de l'or. Si bien qu'en janvier 1988, au moment du remboursement final, le coupon s'élevait à 581 francs (contre 70 francs initialement) et la valeur de remboursement à 8305 francs (pour 1000 francs investis initialement).
En 1973 l'état avait levé 6,5 milliards de francs, le coût total du remboursement fut de 92 milliards (soit 4,5 fois le montant en francs constants, c'est à dire corrigé de l'inflation).
Le généreux ministre des finances savait donc de quoi il parlait quand il dit à son adversaire à la présidentielle de 1974 qu'il n'avait pas le monopole du coeur.
"Guide pratique des obligations" d'Eric Pichet
http://www.obliginvest.com/guides/histoire-lemprunt-giscard-ou-comment-faire-fortune-avec-les-obligations-1337