L'homme qui voulut devenir l'égal de Dieu , et construisit son paradis .
Sache que cet homme fut Schaddâd, fils d''Âd. Qui possédait tout l'univers. de l'orient à l'occident. Tous les rois lui étaient soumis. Or. il voulut devenir l'égal de Dieu. et il construisit un paradis à l'instar du paradis véritable. Voici la réponse que fit à cette question le Prophète: Le nom de ce roi était Schaddâd. fils d''Àd. fils d'Amalec, comme il est dit dans le Coran: "N'as-tu pas vu comment ton Seigneur a agi envers les `Âdites, habitants d'Iram, orné (le colonnes telles qu'on n'en avait point fait de semblables sur la terre?" (Sur. LXXXIX. vers. 6-8). Ce Schaddâd faisait partie du peuple d''Âd: mais aucun des -Adites ne légalait en force et en stature. Personne n'aurait pu élever des édifices sâmblables à ceux qu'ils construisaient. Or. ce Schaddâd devint infidèle et introduisit l'impiété parmi les hommes et il dit: Je ne connais point Dieu.
Dieu envoya vers Schaddâd le prophète Houd. Houd l'appela à Dieu et lui dit: Crois en Dieu. afin qu'il te place dans le paradis.
Schaddâd lui demanda: Qu'est-ce que le paradis? Houd lui en fit la description. Alors Schaddâd dit à Houd: Si ton Dieu se glorifie d'un tel paradis. moi,
j'en ferai un sur la terre qui sera beaucoup plus beau et plus excellent. Il ajouta: J'ai un lieutenant et je le ferai venir pour qu'il fasse la guerre à ton Dieu. Ce Schaddâd. fils d-'Ad. fils d'Amalec. avait près de lui un géant de la plus haute stature. Dieu n'en avait point créé de plus grand que lui sur la terre. Il s'appelait 0g. Cet Og n'était point du nombre des enfants d''.Ad qu'il surpassait de beaucoup par sa taille.
Il était du nombre des enfants d'Adam. Cependant. Dieu l'avait créé tel que sa tête touchait les nuages. et il était si long qu'il baissait la main. tirait un poisson de la mer et l'élevait vers le disque du soleil jusqu'à ce qu'il fût rôti et le mangeait ensuite. On rapporte dans l'Histoire des expéditions du prophète qu'à l'époque du déluge de Noé. lorsque l'eau couvrit tout l'univers et qu'elle s'éleva de quarante coudées au-dessus des montagnes les plus grandes et les plus hautes du monde. elle n'allait qu'au genou d'Og. Or, sache que la vie de ce géant fut de trois mille six cents ans. On dit aussi que cet Og sortit du sein de sa mère tandis que notre père Adam vivait encore. et que sa vie se prolongea jusqu'au temps de Moïse. Lorsque Moïse sortit d'Egvpte« il alla combattre Og avec tous les enfants d'Israël. au nombre de trois cent cinquante mille hommes.
Lorsque Og entendit Moïse et les enfants d'Israël. il s'avança: et par un effet de sa force extraordinaire. il arracha une montagne qui pût couvrir le même espace de terrain que l'armée de Moïse. la plaça sur sa tête. et voulut la jeter sur Moïse et son armée pour les écraser. Lorsque Og. surnommé Ibrn-'Onk. plaça cette montagne sur sa tête et qu'il l'apporta. Moïse. apprenant cette nouvelle. adressa ses prières à Dieu. Dieu les exauça et il donna ordre à un oiseau de se placer sur le sommet de cette montagne. et d'y faire un trou avec son bec. afin qu'elle tombât comme un collier sur le cou du géant. Og demeura stupéfait de cela et ce fut parce que cette montagne tomba sur son cou qu'on le nomma Og-Ibn-'Onk. c'est-à-dire Og au cou. Gabriel vint ensuite vers Moïse. lui apprit cet évènement et lui dit: Va combattre Og Ibn 'Onk. va. car tu remporteras la victoire sur lui et tu le tueras. Moïse prit son bâton et partit. Arrivé près d'Og. il le trouva dans l'état que nous avons décrit. et doué de sa haute stature et de sa force extraordinaire. On rapporte que le bâton de Moïse avait dix coudées de hauteur. La taille de Moïse était de dix coudées; il sauta à vingt coudées de terre. et lança son bâton qui atteignit le talon d'Og-Ibn-'Onk. Or. le bâton de Moïse était extrêmement lourd, et les prophètes étaient forts. Lorsque Moïse lança son bâton, Og Ibn-Onk tomba par suite la fatigue que lui causait la montagne et mourut.
De longues années s'étaient écoulées après la mort d'Og-Ibn-'Onk lorsque, sous les Cosroès qui étaient des rois de Perse, on voulut construire un pont sur l'Euphrate. On ne trouva point de bois convenable à cet usage. On fabriqua alors cinquante chariots et on transporta, au moyen de taureaux forts et robustes, des crocs que l'on attacha aux côtés d'Og-Ibn-'Onk: on transporta ces côtes à Baghdâd. et on en fit un pont. Lorsque les hommes eurent passé sur ce point pendant un espace de cinq cents ans, sans que l'on eût éprouvé le besoin d'un autre pont ou d'un bateau. tant que la côte d'Og servit à cet usage et resta à la même place, tout le monde se plaignit aux rois de Perse de ce qu'un os humain servait de pont: on l'enleva alors et l'on construisit le pont de briques qui existe maintenant.
Or, on rapporte qu'avant la guerre dont nous avons parlé. Schaddâd, fils d"Âd. avait établi Og-Ibn-'Onk son lieutenant sur tout le peuple d''Âd. Lorsqu'ils se révoltèrent tous ensemble contre Dieu. Schaddâd fit venir en sa présence Og-Ibn-'Onk et il dit au prophète Houd: Voici mon lieutenant, c'est lui qui fera la guerre à toi et à ton Dieu. Houd lui répondit: Infortuné! ne crains-tu donc pas les peines de l'enfer, et n'espères-tu pas le paradis? Schaddâd répondit: Je ferai moi-même un paradis; et il établit des personnes pour lui amener des hommes. des maîtres. des ouvriers. Il plaça mille ouvriers sous l'obéissance de chaque maître. Les maîtres étaient au nombre de mille. Il n'en existait pas davantage dans l'univers. Schaddâd leur ordonna de chercher un endroit dont le terrain fût des plus unis et dont l'eau et l'air fussent des plus agréables. Ces mille maîtres trouvèrent un endroit qu'ils nommèrent Iran,. et qui leur plut. Schaddâd leur ordonna de commencer à bâtir ce paradis auquel ils donnèrent douze milles de longueur sur douze milles de largeur.
Schaddâd écrivit ensuite une lettre aux lieutenants qu'il avait dans le monde. partout où se trouvait un roi, des princes, des lieutenants, des ministres, des gouverneurs, des gens qui fussent dévoués et autres personnes semblables, telles que Dha'h'hâk, fils d"Olwân. Walîd. fils d'ar-Riyân, Chânem, fils d"Olwân, et d'autres encore, afin qu'ils enlevassent l'or, l'argent, les pierres précieuses. les perles, les rubis, les topazes, le bois d'aloès, le musc. l'ambre, le safran et toutes les choses de ce genre qui se trouvaient dans le monde, à tous ceux qui les possédaient, depuis l'orient jusqu'à l'occident, et qu'ils lui envoyassent toutes ces matières. Les choses en vinrent, dit-on. au point qu'on mit à l'encan dans ce royaume un chameau avec sa litière pour un dirhem d'argent. Personne n'avait ce dirhem et ne put le donner pour le prix de ce chameau et de cette litière, afin de les acheter.
Or, vers ce même temps-là, on sut qu'un dirhem avait été mis dans la bouche d'un mort; on alla pour voir si ce dirhem était à sa place et on ouvrit le tombeau de ce mort: on prit ce dirhem, et on le donna afin que Schaddâd l'employât à la construction de ce paradis, dont les murailles étaient de briques d'or alternant avec des briques d'argent, et tous les créneaux de rubis. Des ruisseaux de vin. de lait. d'eau et de miel coulaient dans ce paradis. Au lieu de cailloux. Schaddâd mit au milieu de ces ruisseaux des perles et des rubis. et au lieu de sable, du musc et du safran; il rangea sur leurs bords des arbres qui étaient tout d'or et d'argent. et dont les feuilles étaient d'or, et les fleurs d'argent incrustées de pierres précieuses. Il construisit dans ce paradis des palais dans lesquels il plaça des jeunes filles et des jeunes garçons.
Sept cents ans s'écoulèrent avant que ce paradis fût achevé. Or. Schaddâd ne l'avait jamais vu, et il dit au prophète Houd: J'irai, je vous le promets. voir mon paradis, lorsqu'il sera achevé. Houd répondit: O infortuné! Ne crains-tu pas Dieu, et te laisses-tu tromper par de semblables paroles? Schaddâd ne s'inquiéta point de Houd ni de ses discours, et il partit avec cent mille hommes pour aller voir son paradis. Lorsqu'ils furent arrivés près de l'endroit où ce paradis est situé, le châtiment terrible que ces Adites s'étaient attiré de la part de Dieu les atteignit. Ce fut un ouragan qui les extermina tous. Cet ouragan sortit d'un nuage arrêté sur une montagne, et de couleur noire, parce qu'il renfermait la punition divine. Il est dit dans le Coran: "Les 'Âdites ont été détruits par un ouragan bruyant et terrible que Dieu envoya contre eux pendant sept nuits et huit jours consécutifs: tu aurais vu alors les hommes étendus à terre comme des troncs de palmiers creux dans l'intérieur; mais en aurais-tu vu un seul de sauvé?" (Sur. LXIX, vers. 6-8). Le mot çarçar [qui se trouve dans le texte du Coran] signifie un vent qui a toujours une violence terrible. Ce fut le vent que Dieu fit souffler contre les 'Âdites. Il atteignit les cent mille hommes qui étaient venus avec Schaddâd pour voir son paradis et cent autres mille qui étaient les maîtres, les ouvriers et les inspecteurs et il les fit tous périr. Schaddâd et les personnes qui l'accompagnaient ne virent point ce paradis; et depuis Schaddâd, aucune créature n'a pu le voir. Les Juifs dirent alors:
Tu as parlé conformément à la vérité, ô Mohammad, nous avons vu ces mêmes choses dans le Pentateuque. On rapporte que du temps de Mo'âwiya. fils d'Abou-Soufyân, fils de 'Harb, il y eut un homme dont le nom était 'Abdallâh, fils de Qilâba; cet homme avait perdu un chameau et il partit pour le chercher. Tout à coup. il arriva au paradis de Schaddâd, sans savoir ce que c'était que ce paradis; il pensa être devenu fou. Il prit ensuite quelques pierres précieuses, du musc, de l'ambre, et les enleva sans opposition. Son adresse le fit sortir de cet endroit; il arriva à la ville, se présenta à Mo'âwiya et plaça devant lui ce qu'il avait rapporté du paradis de Schaddâd. Toutes ces substances avaient perdu leur première forme et on ne savait pas ce qu'elles étaient. On tira quelque chose de ce qui était or ou argent. Les pierres précieuses et toutes les autres matières avaient été altérées.
Lorsqu'on les mit sur le feu, il en sortit une odeur de musc; on sut alors que ces choses avaient été du musc. On donna alors une armée à ce même homme-là afin qu'il allât et qu'il rapportât de ce paradis tout ce qu'il y trouverait. Ils partirent. et, quelque recherche qu'ils fissent, il ne le retrouvèrent point. On raconte ce qui suit de Daghfal, fils de Handzala. Schaïbânî, qui a été cadi de 'Hadhramawt. Or 'Hadhramawt est une grande ville, située dans l'Arabie. Lorsque l'armée dont nous avons parlé chercha le paradis de Schaddâd et n'en trouva point de trace, ce Daghfal, qui était cadi de 'Hadhramawwt, dit: J'étais encore enfant lorsque j'appris de mon père que près de 'Hadhramawt, sur le bord de la mer. il v a une caverne qui a pour porte la côte d'un grand poisson. Le corps de Schaddâd est en ce lieu.Les hommes qui étaient à la recherche du paradis de Schaddâd.
prirent de la lumière et marchèrent vers cette caverne. Leur lumière s'éteignit. ils demeurèrent stupéfaits: cependant. ils avancèrent toujours jusqu'à ce qu'il parut une clarté qui venait du côté de la grande nier. Ils arrivèrent ensuite à une maison creusée dans le roc. et qui avait cent coudées de largeur et cent coudées de longueur. Ils virent dans cette maison une espèce de trône en pierre et un homme d'une grandeur telle qu'il remplissait toute la maison. On avait couché cet homme sur le dos. Tout autour du trône se trouvait une grande quantité de pierres précieuses, d'or et d'argent. et on avait revêtu cet homme de soixante et dix robes brochées d'or. Lorsque les gens qui cherchaient le paradis de Schaddâd portèrent la main sur ces étoffes. Elles devinrent poussière et les pierres précieuses et l'argent qu'elles contenaient tombèrent à terre.
Ces mêmes gens virent sur le lit de ce mort une table en or sur laquelle on avait gravé des caractères comme on a coutume d'en graver sur la pierre. Ils prirent cette table et voulurent l'emporter et sortir de la maison en suivant le passage par lequel ils étaient entrés. Ils ne purent exécuter leur dessein: alors, ils retournèrent sur leurs pas. Se dirigeant vers l'endroit d'où venait la lumière du jour. Et là ils examinèrent cette table, sur laquelle étaient écrits les vers suivants: Ô vous qui placez votre confiance dans la longueur de votre existence. Dans votre courage et dans votre force. et qui vous appuyez sur le nombre de vos possessions. Sachez que je suis Schaddâd. fils d''Âd:je m'appuyais sur ma force et sur nies richesses:je disais: L'empire du monde m'appartient: les rois de l'univers me craignaient. Le prophète Houd vint. il nous trouva en révolte contre Dieu et nous appela à la religion. Nous nous confiâmes en notre force. et nous n'écoutâmes pas ses paroles: nous nous révoltâmes contre lui. Enfin, la colère du ciel descendit sur nous et me fit périr moi et mon armée.
Vouez donc l'état dans lequel je me trouve et profitez de mon exemple. Daghfal ajouta: Je dis aux habitants de'Hadhramawt: Comment se fait-il que nous ayons trouvé dans cette maison le tombeau de Schaddâd? II était le chef du peuple d''Âd que Dieu extermina. Les habitants de 'Hadhramawt répondirent: Oui. Tu as raison, ils périrent tous par le châtiment de Dieu: mais Schaddâd avait un fils nommé Morthed, lequel était lieutenant de son père. et qui avait cru au prophète Houd. Ce Morthed quitta à cette époque le pays d* 'Ad: il y retourna ensuite, prit son père. Embauma tout son corps avec du camphre et de l'aloès, le porta à 'Hadhramawt et lui construisit le monument dont nous avons parlé. Les hommes qui cherchaient le paradis de Schaddâd virent encore sur le rivage de la mer où ils se trouvaient un grand rocher dans lequel on avait creusé un palais. On avait couché dans ce lieu-là, sur un trône, et de la même manière que son père, ce Morthed. fils de Shaddâd, fils d''Âd. Fils d'Amalec. Il y avait aussi sur son lit une table de pierre sur laquelle étaient gravés les distiques suivants: Je suis ce roi qui, pendant longtemps. a exercé la royauté dans le monde.
Tout ce que j'ais entrepris, je suis parvenu à l'exécuter. Après mon père. je fus. pendant un temps. roi de la terre. Et moi aussi. durant quelques années. je me laissai entraîner par nies passions. A la fin, je quittai ce monde avec regret. je mourus. Quoique en apparence je fusse un grand roi. dans la réalité, je n'étais qu'un des plus faibles serviteurs du Dieu très-haut. Mes regrets sont de n'avoir pas rendu à Dieu l'obéissance que je lui devais. Ma crainte est l'enfer qui a été allumé pour les rebelles: niais a-t-il déjà été rempli. ou. en le nommant enfer. l'a-t-on destiné, ô Seigneur. aux rebelles qui pourraient encore se révolter contre toi? Le bonheur est pour ceux qui font partie du peuple de Mo'hammad. et qui conforment leurs actions à la loi du Prophète. Toutes les religions sont une preuve que sa religion est fondée sur la vérité: et tous les hommes superbes. se sentant faibles et sans force. placent leur espoir dans son intercession.
On avait donné l'empire à ce fils de Shaddâd après la mort de Thamoud et celle de Hâsem. qui est le Pharaon d'Abraham. Son tombeau se trouvait dans ces parages. sur le bord de la mer. Le palais dont nous avons parlé se trouvait également sur le bord de la mer. Tous ces édifices qui étaient situés dans le voisinage de la ville de 'Hadhramawt ont disparu avec le temps. Au-dessus de la porte du palais. se trouvait une pierre sur laquelle on avait gravé les cinq distiques suivants: