Ozette, une Pompéi Nord-américaine découverte .
A l’instar de Pompéi ensevelie sous les cendres du Vésuve, il semblerait qu’un tremblement de terre au XVIème siècle soit à l’origine de l’ensevelissement du site d’Ozette sous une coulée de boue. Situé sur la Péninsule Olympique, à l’Ouest de Seattle (Washington), et occupé depuis le premier siècle de notre ère, le site est unique en son genre. Sa conservation exceptionnelle et la richesse des objets retrouvés lors des fouilles en ont fait une “Pompéï américaine”. C’est donc un voyage au cœur de l’ancien village Makah d’ Ozette que je vous invite à entreprendre.
Carte de la Péninsule Olympique et des réserves actuelles d’Indiens
A la suite d’un orage en 1969-1970 furent découvertes des traces du village disparu d’Ozette, cinquième village du peuple Makah. Les premières fouilles eurent lieu dès 1970 sous l’égide de Richard Daugherty alors que plusieurs plank houses sont exhumées de terre : quatre dans leur totalité plus deux autres partielles. La coulée de boue permis une excellente conservation du site dans une région où l’humidité détruit la plupart des restes de l’activité humaine en deux cents ans.
Pendant onze ans, ce sont plus de 55.000 objets qui sont retrouvés dans les maisons et aux abords. Ces objets sont aujourd’hui pour la plupart conservés au Makah Cultural and Research Center à Neah Bay.
Ozette, National Register of Historic Places
Les maisons, appelées shed plank houses, étaient fabriquées en cèdre rouge, abondant sur toute la côte Nord-Ouest du Pacifique. Construites le long de la côte, elles mesuraient environ 30m de long en moyenne, abritant environ trois à cinq familles. A Ozette, des milliers de panneaux de bois retrouvés permirent une reconstitution du village : toit, murs, banquettes, poteaux de support. Un système de drainage réalisé à partir de planches de bois et d’os de baleine s’occupaient de l’étanchéité du sol des maisons. Les fouilles ont aussi permis de recomposer l’aménagement de l’espace intérieur de la maison : préparation des repas, fabrication d’objets, réserve, repos, etc.
Maisons et canoës Makah sur la plage de Neah Bay, University of Washington Library, 1911
Parmi les objets retrouvés, environ 6000 étaient réalisés à partir de la vannerie et du tissage : paniers, vêtements, chapeaux, matelas, berceaux. Les objets en bois sont cependant les plus nombreux : outre les maisons et leurs décors, on y a aussi découvert des coins, des crochets pour appâts, des clubs, des masses, des arcs et flèches, des pointes et des coffres sculptés. A un niveau inférieur, ont été découverts des artefacts plus anciens : des éclats en pierre, des couteaux, des pierres abrasives et meules en pierre.
Certains objets furent retrouvés en association, formant des panoplies pour chaque activité : chasse, pêche, chasse à la baleine, travail du bois, etc.
Trophée de chasse : col de baleine recouvert de plus de 700 dents de loutre
Habitée depuis le 1er siècle avant Jésus Christ selon les datations au Carbone 14, le site d’Ozette nous offre un magnifique aperçu de ce que pouvait être la vie d’un peuple de la côte Nord-Ouest jusqu’au XVIème siècle.
Les tribus présentes descendaient de populations installées sur la côte Nord-Ouest il y a 10.000 ans. Les Makah, plus précisément, sont apparentés aux tribus du Sud de Vancouver Island sont les Nootka, face à la Péninsule Olympique. Ozette faisait partie des cinq villages Makah occupés toute l’année : Neah Bay, Biheda, Wayatch, Tsoo-yess et Ozette, situés au niveau de Cape Flattery au Sud du Détroit de San Juan de Fuca. Il se peut qu’Ozette ait été un village semi-autonome de par son éloignement des autres villages.
Les activités principales du village étaient la chasse au phoque et à la baleine ainsi que la pêche en été ; le travail du bois et les cérémonies hivernales comme les potlatchs en hiver. L’organisation sociale était semblable à celle que l’on retrouve dans les tribus septentrionales : les décorations variaient au sein des différents espaces dédiés à chaque famille selon la position sociale d’un noyau familial. On y retrouvait entre autre des symboles héraldiques ou des trophées de chasse à la baleine. Les distinctions sociales variaient selon l’activité de la famille. L’organisation sociale était aussi régie par des lois héréditaires et de parenté.
Nous pouvons aussi comprendre les relations entre les différentes tribus et leurs échanges grâce à la découverte de coquillages d’ormeau provenant de Vancouver Island par exemple ; mais aussi des paniers enroulés de Puget Sound (au Sud) et des bols en bois sculptés de la rivière Columbia (Canada). La présence de ces objets pouvait être due à l’échange de présents organisés lors des potlatchs (cérémonies de distributions de biens) ou bien d’échanges commerciaux.
Bien que la totalité du site n’ait pas encore été fouillé et étudié, on comprend déjà, alors que les premiers contacts avec les Européens n’auront pas lieu avant deux cent ans, que le peuple Makah, ainsi que les tribus de la côte Nord-Ouest, était, dès leur sédentarisation, un peuple organisé, sédentaire aux diverses pratiques culturelles, sociales et rituelles. Le dernier mot ira pour l’une des plus remarquables découvertes sur ce site : un pétroglyphe relatant un fait historique, l’arrivée d’un bateau à voile.
Pétroglyphe : arrivée d’un bateau, Ozette
Bibliographie
- Amérique du Nord, Arts premiers ; Janet Berlo et Ruth Phillips ; 2006, Albin Michel
- Handbook of the American Indian, Volume 7 : Northwest Coast ; Smithsonian Institution, Washington, 1990
- Indians of the Northwest Coast ; Maximilien Bruggmann et Peter R. Gerber, Facts on File New York & Oxford, 1989
- www.histoiredelantiquite.net