C'est notre Enfant de Vie
Imaginez! Imaginez un enfant (ou une enfant, peu importe) heureux de vivre sa vie d'enfant. Il joue, chante, court, saute. Il va se blottir contre sa mère quand il en a envie. Puis il repart plein de vie. Mais un jour, le voilà réprimandé parce qu'il bouge et crie, le voilà jugé inconvenant ou détestable quand il manifeste ses opinions et ses sentiments. Le voilà seul quand il appelle. Il n'a plus la possibilité de laisser sa vie se manifester spontanément. Il est en colère, triste, perdu. Cet enfant vit à l'intérieur de chacun d'entre nous. C'est notre Enfant Intérieur.
L'Enfant qui vit en nous
A l'origine, l'Enfant Intérieur est un Enfant Libre: il est l'expression de la Vie qui jaillit. Il manifeste spontanément le plaisir de vivre et la joie. Il ne lui vient pas à l'idée de juger ses comportements en bien ou en mal. Or son élan de vie a été sapé progressivement. Lorsqu'il laissait sa spontanéité s'exprimer, il recevait des blâmes et des retours négatifs et c'est devenu dangereux pour lui. Alors son énergie de vie s'est recroquevillée. L'Enfant de Vie est devenu un Enfant blessé. Enfant Libre et Enfant blessé sont les deux principaux aspects de notre Enfant Intérieur.
L'Enfant Intérieur est l'enfant qui vit en nous actuellement. Il n'est plus l'enfant que nous avons été dans notre enfance, même s'il en est issu. Il a évolué de jour en jour. Certaines blessures ont été renforcées par des douleurs de l'adolescence ou de l'adulte, de nouvelles ont été produites, d'autres se sont effacées, ont été pardonnées ou dépassées. Même s'il constitue un aspect à part entière de notre personnalité adulte, je l'appelle Enfant car il présente les caractères de l'enfant: la spontanéité, l'authenticité, le non-jugement, la confiance. L'Enfant Intérieur exprime des émotions authentiques, que ce soit sa joie ou sa douleur.
Le Comédien
Lorsque l'Enfant blessé est accueilli et consolé, tout revient en ordre. Mais c'est rarement le cas. Sa peine n'est pas écoutée, il est réprimandé parce qu'il est en colère ou boudeur. Lorsque cette situation persiste, il a le choix de tomber malade (ou de mourir) ou de composer avec la situation pour obtenir de l'attention et de l'amour de la part des autres. C'est ce qui se passe pour la majorité d'entre nous.
Alors, il se construit inconsciemment un personnage. Quelque chose en lui décrète qu'il est sans valeur et il cherche à satisfaire les autres. Ou bien il décide de démontrer sa valeur pour mériter l'admiration. Il peut décider d'être fort et de se débrouiller seul quoiqu'il arrive. Il devient un personnage fabriqué qui ne correspond plus à sa nature profonde. Il se forge un système de codes de conduite pour être en accord avec sa décision, puis il se juge par rapport à ce code et juge mauvais tous ceux qui ne suivent pas ce code. En obéissant à ce code, il cherche à être bien vu des autres et est très attaché à ce que veulent et pensent les autres. S'il n'y arrive pas, il se sent coupable et honteux. Il peut devenir un moralisateur. Il n'est plus authentique mais il ne s'en rend pas compte car il s'est identifié avec ce faux moi. C'est un Simulateur, un Comédien.Il n'en retire pas de joie. Il a plutôt le sentiment qu'il faut toujours travailler et qu'on "réussit sa vie" en souffrant dur.
Le Comédien ne se substitue pas complètement à l'Enfant Intérieur car la Vie ne peut pas être remplacée. Il se superpose à lui et l'étouffe plus ou moins. Aussi, les 2 entités, l'Enfant de Vie et le Comédien, coexistent en nous. Nos malaises, notre ennui, notre amertume, notre impression de ne pas être heureux, même pour ceux qui ont tout pour être heureux, viennent d'un conflit entre ces deux personnages, le vrai et le fabriqué, l'Enfant de Vie et le Comédien.
Dans cet article, je vous invite à vérifier la validité de cette description en vous observant, et à vous libérer de votre mal de vivre en changeant votre regard sur vous-même et sur les autres. Vous reconnaitrez le tiraillement entre l'Enfant Intérieur et le Comédien. Vous découvrirez également que vous avez le pouvoir de transformer leurs jeux de conflits afin de vivre une vie épanouissante et sereine.
La notion d'Enfant Intérieur a été déjà bien élaborée par certains auteurs, en premier Carl Gustav Jung. Je la présente ici à ma manière. J'y précise et clarifie certains des aspects évoqués dans la littérature. Je les replace et les synthétise dans un cadre qui intègre le corps et les apports de la psychologie biodynamique, la méthode de libération des cuirasses, certains enseignements spirituels et ma propre expérience.
L'appel de l'Enfant Intérieur
Le cas de LAURE: Laure "a tout pour être heureuse". Un métier valorisant. Elle a divorcé et vit avec l'homme qu'elle aime. Mais elle ne supporte pas que les grands enfants de son compagnon viennent lui ravir son attention. Quand cela se produit, elle se sent en colère. Bien sûr, elle s'en veut car elle estime que son comportement est égoïste. Que se passe-t-il? Elle est tiraillée entre ses deux personnages, l'un qui désire recevoir toute l'attention (l'Enfant Intérieur) et l'autre qui juge que c'est égoïste et pas convenable (le Comédien dans le rôle du Juge).
Laure désire se débarrasser de cet inconfort, mais comment? Lorsqu'elle repousse son besoin de recevoir l'attention et s'efforce d'être convenable comme le lui souffle son Juge, trouve-t-elle la paix? Bien évidemment NON. Ce n'est donc pas la bonne solution. Alors suivre le besoin impérieux de son Enfant Intérieur et réclamer toute l'attention? Ce n'est pas non plus la bonne solution car elle risque de lasser son compagnon. L'intolérance qu'elle lui manifeste n'est certes pas favorable à une vie conjugale épanouie.
Selon mes indications, en observant de façon attentive ce qui se passe profondément en elle, Laure découvre que son besoin d'attention n'est pas issu de sa volonté, ce n'est pas son choix conscient et réfléchi. C'est un mécanisme qui se met en marche à l'intérieur d'elle de façon incontrôlée dans certaines circonstances. Si mon compagnon s'occupe de quelqu'un d'autre, j'ai l'impression de ne plus exister. En constatant le caractère involontaire de cette émotion, elle peut d'abord enlever tout jugement sur elle-même. Elle n'est pas une égoïste.
Une introspection plus profonde sur son sentiment d'abandon lui révèle qu'elle est habitée par une grande peur d'être délaissée. Cette peur a été inscrite en elle pendant son enfance, lorsque elle était délaissée au profit de ses soeurs. Elle ne recevait pas suffisamment d'amour. Le sentiment d'abandon qu'elle éprouve est le signal d'appel de son Enfant Intérieur. Il lui dit qu'il existe et qu'il a besoin d'attention.
Nos besoins fondamentaux
Le sentiment d'abandon éprouvé par Laure est en relation directe avec le besoin fondamental de l'enfant de recevoir l'attention de quelqu'un. Qu'est-ce qu'un besoin fondamental? C'est ce qui est indispensable à un enfant ou à un adulte pour vivre et se développer, par exemple de la nourriture. Lorsque notre besoin est satisfait, par exemple si nous sommes bien nourris, nous nous sentons bien. Si nous sommes affamés, nous éprouvons des douleurs physiques, de l'angoisse, etc. Nos besoins consistent en nourritures physiques, affectives, mentales, spirituelles.
Les besoins fondamentaux de l'Enfant
En écoutant le langage des émotions exprimées par une multitude d'Enfants de Vie, nous constatons que les besoins fondamentaux sont à peu près identiques pour tout le monde et se réduisent à un petit nombre.
En premier lieu, disposer de nourriture alimentaire et d'un abri pour être protégé du climat. Mais il est un besoin tout aussi fondamental: l'enfant a besoin d'être accueilli, à sa naissance et par la suite. Notre premier grand besoin est qu'on reconnaisse notre existence. Nous avons également besoin d'attention, d'amour et de sécurité.
Ce n'est pas suffisant. Nous devons être considéré comme une personne à part entière avec son caractère unique, et non comme un objet. L'attitude inverse serait d'être nourri par une machine. C'est par son regard que l'autre nous reconnait en tant qu'être unique. D'autres sens que la vue participent à cette reconnaissance. Quand une mère allaite, elle nourrit le bébé non seulement par son lait, mais par le contact avec sa peau, avec sa main. La main est plus qu'un contact physique, elle parle, elle est calmante, agressive, possessive, encourageante. Bien plus qu'une simple transmission d'information sur le monde, la communication sensorielle (vue, ouïe, toucher) nous nourrit.
La blessure fondamentale
Ce qui peut nous étonner, c'est que le besoin de Laure est hors de propos avec la réalité extérieure. Son anxiété se déclenche de façon automatique chaque fois que l'attention de l'autre se détourne d'elle, même si en réalité elle n'est pas délaissée. C'est dans son enfance que Laure n'a pas été suffisamment nourrie d'amour et d'attention. Le besoin exprimé n'est pas celui du présent, mais la résurgence de besoins qui n'ont pas été satisfaits ni reconnus dans le passé. Ils ont été ignorés, ridiculisés, bafoués. Mais son inconscient et son corps en ont gardé la mémoire, une empreinte énergétique qui fonctionne comme un programme informatique. La mémoire des besoins fondamentaux ignorés constitue la blessure profonde de l'Enfant de Vie. Nous pouvons apprendre à la soigner en décidant de nous occuper sérieusement de notre Enfant Intérieur.
Le cas d'YVAN: Yvan, la soixantaine, vit une vie de couple classique. Depuis peu à la retraite, il constate qu'il s'emporte beaucoup à l'encontre de sa femme Ania et il en éprouve du remord. Il a envie de comprendre le phénomène afin d'améliorer leur relation. Il découvre que son irritation est déclenchée chaque fois qu'Ania lui renvoie des jugements sur son comportement. Il ne se sent pas entendu ni compris. C'est sa réalité intérieure, même si ce n'est pas la réalité extérieure. Il prend conscience que être entendu et compris est un besoin fort parce qu'il n'a pas été satisfait dans son enfance. Ce manque reste inscrit en lui comme une blessure ouverte.
Colère, tristesse et amertume
Lorsque ses besoins sont satisfaits, l'enfant ou l'adulte éprouvent une sensation de paix et de plénitude. Inversement, lorsqu'un bébé a faim, et qu'on tarde à lui donner le sein, il pleure et peut aller jusqu'à la colère. Il manifeste ainsi son insatisfaction. Lorsque les besoins d'un enfant sont rejetés ou ignorés, dans un premier temps il peut se mettre en colère, se rebeller et manifester son mécontentement. Dans un deuxième temps, s'il n'est toujours pas écouté, c'est la tristesse et le désespoir qui prennent la place. Enfin, lorsque ses sentiments de rébellion et de tristesse ne sont pas acceptés, la seule solution pour l'enfant est de se résigner.
Lorsque nous éprouvons du ressentiment, c'est la voix de notre Enfant Intérieur qui cherche à nous dire qu'il n'est pas écouté ni respecté, qu'il est rejeté ou ignoré. Il s'exprime par son attitude de la même façon qu'un enfant réel. Il manifeste des sentiments: irritation, colère, rage, tristesse, désespoir, frustration, insatisfaction, déception, inquiétude, crainte, angoisse, peur, ou dépression.Nos représentations mentales sont erronées
Pour survivre, notre Enfant doit développer une stratégie. Il découvre que certains comportements peuvent lui apporter la satisfaction de ses désirs. Il sourit ou se tait parce qu'on le lui demande, comme un animal dressé. Il s'accommode en devenant quelqu'un d'autre, le Comédien. Il reçoit ce qu'on appelle de l'amour conditionnel: Je t'aime, à condition que tu sois comme je le désire, que tu sois sage, que tu ne fasses pas de bruit, que tu travailles à l'école, que tu me fasses des sourires...
Comme pour lui ces injonctions constituent la seule réalité possible, il se construit un système de représentations de ce qu'est la Vie et ses règles. Il s'imagine des valeurs, des conceptions du bien et du mal, qui empruntent aux modèles du père et de la mère. Il se développe et se structure sur la base de ces croyances fausses qui s'inscrivent en lui comme sa vérité. Le Comédien vit en se référant à ce système de représentations: il faut, je dois. Il s'efforce de vivre en conformité avec ces croyances avec plus ou moins de succès, et s'évalue en permanence par rapport à ces règles de conduite.
Quelques croyances courantes
Certaines croyances erronées sont très répandues:
- Je ne peux faire confiance à personne. Je dois me débrouiller seul. Je dois être fort, à la hauteur.
- Par mon comportement, je peux obtenir l'amour des autres. Je peux influencer ce qu'ils pensent de moi. Je dois être compétent, discret, brillant, effacé, pauvre, riche.
- Pour mériter l'amour des autres, je dois me plier à leurs demandes, me sacrifier. Si je ne m'occupe pas des demandes de l'autre, je serai rejeté
- Si l'autre souffre, j'en suis responsable
- La souffrance est la loi de la vie. Je ne peux y échapper.
- Je ne suis pas quelqu'un de bien. Je ne mérite pas la joie et l'amour. Je ne vaux rien. Je ne reçois que ce que je mérite
- Les sentiments que j'éprouve sont dus aux autres et aux événements. Ce sont eux qui créent mes malheurs et mes bonheurs.
- Si je fais ce qui me plait, c'est égoïste. J'en serai réprimandé d'une manière ou d'une autre.
- Les hommes sont insensibles et violents par nature. Les femmes sont soumises. Ces croyances se sont incrustées sur le modèle du père et de la mère et diffèrent selon chacun. Elles peuvent fonctionner même si consciemment on a une autre opinion des hommes et des femmes.
Examinons les croyances suivantes:
Le Comédien est une nécessité pour s'adapter à la vie en société. Non, c'est une croyance soufflée par le Comédien lui-même qui récupère des idées toutes faites transmises par la société. Le véritable épanouissement en société n'est pas une limitation de soi par la peur et la culpabilité, mais au contraire un développement de sa puissance créatrice dans la pleine conscience de soi et des autres. Donc dans l'élargissement de conscience. Par exemple, il y a une grande différence entre dire merci à quelqu'un parce qu'on ressent de la gratitude pour cette personne et dire merci parce qu'on est bien dressé et qu'on se se sent en faute si on ne le fait pas. Il est essentiel de noter que ce n'est pas l'acte (dire merci) qui est le plus important, mais le sentiment qui lui est associé (gratitude et ouverture du coeur, ou culpabilité et rétraction).
La liberté de l'Enfant Intérieur s'arrête là où commence celle des autres. La notion de liberté est également mal comprise, car elle est interprétée comme la liberté matérielle, la liberté extérieure manifestée. Or la vraie liberté est intérieure, issue d'une paix intérieure. Certains imaginent être libres parce qu'ils transgressent des interdits par pure provocation, mais c'est rarement induit par une liberté intérieure (ce qui ne veut pas dire que ce n'est pas justifié). La liberté intérieure ne procède pas d'un sentiment de révolte ou de revendication, mais de simplicité d'être et d'absence de peur. C'est la liberté de choisir soi-même ce qui convient le mieux à soi et à ceux qui nous entourent, dans le discernement et le sentiment de pleine puissance de Soi.
Nos croyances se concrétisent
Il est une loi psychologique et spirituelle que vous pouvez vérifier vous-même: Ma vie extérieure est la concrétisation de mes pensées et de mes croyances, conscientes ou inconscientes. Autrement dit nous mettons automatiquement en place les conditions et les évènements qui sont conformes à nos croyances. Si nous pensons que les autres sont responsables de notre peine parce qu'ils ne nous donnent pas suffisamment d'attention, nous allons réellement vivre cette situation en attirant dans notre vie des personnes qui ne sont pas attentives à nous . Si nous décidons de vivre l'amour, nous devons changer nos croyances et prendre en compte les demandes de notre Enfant. C'est nous qui allons lui donner de l'amour et du bonheur.
Contrôle de soi
L'Enfant de Vie se manifeste dès qu'il en a l'occasion. Des aspects de sa nature profonde peuvent surgir de façon intempestive tels que spontanéité, émotions, attitudes, douleurs corporelles. C'est très gênant pour le Comédien qui cherche à vivre selon des règles qui ignorent les besoins de l'Enfant. Pour éviter cela, il les réprime, les refoule et apprend à se contrôler. Il contrôle son expression verbale, émotionnelle et corporelle.
Sous-estime et culpabilité
Si le Comédien se sent dépassé par l'ampleur de la tâche et qu'il n'arrive pas à être en accord avec ses règles, il peut adopter le rôle de victime. Il émet des jugements négatifs sur lui et se sous-estime. Naissent alors des sentiments de culpabilité et de honte qui sont des produits d'une éducation de l'amour conditionnel. . Il juge les autres durement et les critique, à moins qu'il ne se sacrifie pour leur venir en aide.
Le cas de JACQUELINE: J'ai toujours le sentiment de ne pas être jolie... J'ai le sentiment que je dérange, que je ne suis pas assez bien... Dans une rencontre, j'imagine que les autres femmes sont meilleures que moi, alors je me retire.
Fatigue et lassitude
Le cas de MYRIAM: Myriam elle-aussi "a tout pour être heureuse". Elle a réussi sa vie professionnelle, elle a une bonne estime d'elle. Elle pratique des sports de haut niveau qui lui plaisent. Malgré cela, elle ne ressent pas de joie de vivre. De plus, elle est souvent fatiguée. Pourquoi?
Myriam ressent de la lassitude et de l'amertume parce qu'au fond, elle ne fait pas ce qui lui correspond vraiment. Dans son enfance, elle s'est efforcée d'attirer l'attention de ses parents, trop occupés par leur métier, en recherchant leur admiration. Elle a développé une stratégie pour obtenir l'amour. Elle fait du sport de haut niveau pour se prouver sa valeur. Mais profondément, elle sent qu'elle n'est pas faite pour ça et ça l'épuise. De plus sa stratégie n'est pas efficace, comme toutes les stratégies pour obtenir l'amour, même si elle a pu donner quelques résultats momentanés.
Vouloir être quelqu'un d'autre que ce qu'on est profondément est épuisant émotionnellement et nerveusement. C'est comparable à un employé qui s'efforce d'effectuer le travail imposé par un patron autoritaire, alors qu'il déteste ce travail. Il y gagne sa paie, mais il n'est pas heureux et se détériore. C'est aussi l'attitude de la prostituée qui abandonne son corps et sa dignité pour obtenir un gain.
Le langage du corps
Par la fatigue, l'Enfant de Vie attire l'attention sur son sentiment d'être abandonné et son besoin d'être entendu. Le langage du corps constitue la voix de l'Enfant de Vie au même titre que le langage des émotions.
Selon les découvertes de la Psychologie biodynamique et de la Méthode de Libération des Cuirasses à la suite de Wilhelm Reich, il existe en nous une Pulsion de Vie, un courant naturel qui se développe comme la sève des arbres et conduit à notre floraison. C'est l'aspect énergétique de l'Enfant de Vie. Lorsque le courant de vie rencontre des obstacles, il cherche à les enlever par des réactions émotionnelles immédiates de colère ou de pleurs. Si ces réactions sont entendues, l'obstacle est levé, l'énergie circule à nouveau. Une harmonisation et une régulation s'effectuent et tout va bien.
Dans le cas contraire, le courant de vie est bloqué et s'amasse en stases ou réservoirs fermés. Afin de ne pas le laisser s'échapper de façon incontrôlée, le corps apprend à le contenir, à le contrôler. Un tel contrôle entraine une tension permanente, des structures rigides se forment: nœuds énergétiques, cuirasses musculaires et tissulaires . Leur fonction est de réprimer la perception des sentiments tels que la tristesse, la colère, le désespoir et tout ce qui est douloureux et inacceptable. Le corps s'anesthésie. L'énergie se retire de certaines parties du corps, comme si la Vie abandonne du terrain. L'esprit s'anesthésie psychologiquement.
Toutefois, l'Enfant Intérieur tente de nous rappeler son existence et se signale par des sensations physiques: fatigue, douleurs, énervement, besoin de bouger sans cesse, maladie.
Une multiplicité de personnages en nous
Nous avons identifié en nous ces deux personnages importants que sont l'Enfant de Vie et le Comédien. En réalité, on pourrait en compter bien davantage, car chacun d'eux s'exprime avec des nuances variées. Ainsi, l'Enfant de Vie se présente sous deux aspects: Enfant libre ou Enfant blessé.
Nous avons vu apparaitre le Comédien dans ses rôles de Juge et de Victime anxieuse, mais en réalité il se présente avec bien d'autres visages, dans bien d'autres rôles. Son rôle de Juge est fréquent et omniprésent, mais en contrepartie, il y a aussi celui qui se sent le Coupable. Il est aussi le Moralisateur, le Dictateur. Il est le Sauveur qui écoute et répond aux besoins des autres plutôt qu'à ceux de son Enfant.
C'est pourquoi je l'ai nommé le Comédien. Dans la comédie de théâtre ancienne, on pouvait identifier les personnages à leurs costumes et à leurs masques. On pourrait dinc également nommer cette entité le Masque sachant qu'il peut en adopter de nombreux. Contrairement à un comédien de théâtre, il n'a pas conscience d'être un comédien. Il s'est complètement identifié avec ses personnages.
J'ai failli le nommer l'Usurpateur car il prend la place de l'Enfant de Vie. Mais cela l'affublerait d'un sentiment négatif qu'il ne mérite pas, et qui serait défavorable à sa guérison. Car en réalité, il a fait ce qui a été nécessaire pendant une période de notre vie, ce qu'il croyait bien de faire. Il n'est pas méchant. Il est seulement dans l'ignorance.
On peut d'ailleurs mettre en évidence la trilogie souvent citée de Sauveur, Bourreau-dictateur, Victime. Ou encore certains des caractères de W. Reich distingués par leurs blocages énergétiques (rigide, schizoïde, masochiste, oral, psychopathe). Ou encore des caractères de l'Analyse Transactionnelle: Enfant rebelle, Enfant adapté, Parent normatif...
Dans la littérature, le Comédien est souvent nommé la Personnalité. Le mot a donc un sens assez différent du sens commun, comme lorsqu'on dit de quelqu'un qu'il a une forte personnalité. Ses multiples aspects ou rôles sont les Sous-Personnalités.
Il existe donc en réalité une multitude de personnages en nous et pas seulement deux. Aussi, je vous invite à rester souple dans cette distinction des personnages. Ne tombons pas dans le besoin de classification et de mentalisation. Toutefois, nous conserverons la distinction en deux personnages, car elle a ceci d'intéressant de nous permettre d'identifier de façon simple et pratique les forces qui sont issues de l'authentique et celles qui sont construites sur l'illusion. L'Enfant Intérieur est cette instance qui parle en nous quand on se sent vrai. Le Comédien ou Personnalité s'est construit un monde illusoire. L'important est de sentir en nous ces forces qui se manifestent et agissent de façon conflictuelle.
La Présence consciente et aimante
Vous vous êtes observé et vous vous êtes rendu compte de l'existence de ces deux personnages en vous. Alors, je vais en introduire un troisième. Réfléchissez: quelle est la partie de vous qui observe et se rend compte? C'est un personnage que nous n'avons pas encore évoqué. C'est l'Observateur. C'est la Présence.
La Présence a elle aussi plusieurs visages. Lorsqu'elle observe les jeux scéniques de l'Enfant et du Comédien, c'est la Présence consciente. Elle est aussi un Coeur aimant qui peut écouter et déverser de la bienveillance sur l'Enfant et sur le Comédien: c'est la Présence aimante. Elle a le pouvoir de décider de s'occuper de l'Enfant et du Comédien: c'est la Présence agissante.
Si vous décidez de vous libérer de votre malaise et de vos souffrances, vous allez maintenant faire appel à la Présence pour ressusciter votre Enfant de Vie et donner place à votre Moi véritable. Afin de faciliter la compréhension de ce processus de libération et de résurrection, je l'ai structuré en 4 étapes. Il est possible que vous parcouriez ces étapes l'une après l'autre dans cet ordre dans votre évolution. Il est également possible qu'elles se succèdent dans un autre ordre, ou bien de façon cyclique et rapide, ou qu'elles soient simultanées.
J'écoute le langage de mes émotions
Pour mettre en oeuvre la résurrection de notre Enfant Intérieur, la première étape est de tourner notre attention vers notre Enfant Intérieur et notre Comédien. Comment les rencontrer et reconnaitre leurs manifestations?
Nous percevons l'Enfant Intérieur par nos sensations physiques, nos émotions et nos sentiments. L'observation de nos sensations et de nos sentiments est un outil d'information formidable qu'il serait désolant de ne pas utiliser. Ils nous révèlent ce que nous sommes vraiment. Ils nous donnent accès à la voix de l'Enfant Intérieur, à ses attentes, à ses besoins.
Toutefois, beaucoup d'entre nous éprouvent de la difficulté à percevoir l'appel de l'Enfant. Cela peut parfois nous demander une rééducation, tant nous avons été entrainés à occulter nos perceptions. Mais chacun a l'expérience de domaines ou aspects de sa vie où il perçoit parfaitement, et qui peuvent lui servir de point de départ. Voici un exemple.
Conflits entre contraintes et plaisir
Penchons-nous sur notre journée, ou sur notre vie. Certains évènements nous ont apporté des satisfactions et des joies, n'est-ce pas? Et nous avons également été mécontents, insatisfaits, rageurs ou désespérés, parce que la journée ou la vie ne nous apportait que désagréments, difficultés et galères. Vous avez vécu cette expérience, donc vous êtes tout à fait capable de percevoir et d'identifier ces deux types de sentiments: d'un côté la satisfaction et le contentement, de l'autre l'amertume et le mécontentement. Le fait de reconnaitre votre capacité de perception est une porte très importante, même si elle peut vous sembler banale. Cela va vous permettre de la conforter et de la développer.
Allons donc plus loin dans l'observation de nos insatisfactions. Nous accomplissons certaines activités par devoir ou contrainte, tels certains travaux professionnels, alors que nous ne les aimons pas beaucoup, parce que nous pensons que nous ne pouvons pas leur échapper. Nous les effectuons pour survivre ou par habitude. C'est ce que nous souffle notre raison. Ainsi certains étudient laborieusement pour obtenir un diplôme qui n'est pas vraiment leur vocation. Ils pensent que c'est le seul moyen de "réussir" leur vie, qu'ils n'ont pas le choix. S'ils l'avaient, ils aimeraient faire autre chose. A l'opposé, il y a d'autres activités que nous adorons parce qu'elles nous font du bien, qui nous donnent l'impression de nous régénérer. Ces tiraillements fréquents entre le coeur et la raison ou entre le devoir et le plaisir ne sont que la manifestation des conflits entre l'Enfant de Vie qui réclame l'attention et le Comédien-Juge qui le réprime au nom des règles du bien.
Sentir ces tiraillements est extrêmement instructif. Observez-vous et distinguez ce que vous faites par obligation, pour obéir à vos idées, vos croyances, et ce que vous faites avec coeur, par pur plaisir. Ne tirez pas de jugements négatifs sur vos observations et ne les faites pas suivre de décisions hâtives. Prendre des décisions nécessite de comprendre mieux ce qui est bon et juste. Il s'agit seulement de prendre le temps de faire l'état des lieux: dans tel domaine, je me sens dans la contrainte et la tension, et dans tel autre, dans la détente et la satisfaction.
J'accueille mes émotions
Le simple fait de tourner notre attention vers notre malaise en observateur qui constate sans juger, est déjà un acte de soin envers notre Enfant. Représentez-vous cet Enfant comme un enfant perdu dans une rue et vous passez régulièrement devant lui depuis des années sans vous apercevoir de sa présence. Un jour, vous percevez son appel et vous tournez votre regard vers lui. Même si vous ne faites rien, c'est déjà pour lui un immense soulagement, une joie. C'est reconnaitre que l'enfant est là, qu'il existe, qu'il vit. Ensuite, vous avez le choix de l'ignorer ou de vous en occuper. La différence est que l'Enfant Intérieur fait partie de nous et que nous subirons les conséquences de notre choix.
Portons attention et accueillons notre ressenti chaque fois que nous éprouvons du ressentiment ou des sensations désagréables.
Le cas d'ESTELLE (18 ans): Je ne me sens pas bien avec ma mère. Je trouve que ses messages me disant "ma chérie, je t'aime" sonnent faux. J'aimerais recevoir de l'amour, de la protection, de l'attention et de la tendresse. Mais je ne veux pas lui demander à elle, elle ne me convient pas, j'aimerais une autre mère. Avant, ma mère ne s'occupait pas de moi, elle était absente, prise par son boulot.
Estelle exprime de la ranc?ur parce que sa mère était absente. Son Enfant Intérieur a gardé ce mécontentement et de la colère. Elle prend conscience de cette amertume qu'elle n'avait pas remarquée avant.
Généralement, nous savons nous débrouiller avec un enfant de rue. Nous lui demandons ce qui ne va pas, nous cherchons à savoir de quoi il souffre, nous dialoguons avec lui. Eh bien, faisons de même avec l'Enfant Intérieur. Cela revient à accueillir nos émotions au lieu de les ignorer. En accueillant mes émotions, j'accueille mon Enfant.
Beaucoup de gens décident d'accueillir mais ignorent ce que ça signifie concrètement. Il suffit de revenir à l'image de l'enfant de rue pour avoir la solution. Entre chez moi, tu es le bienvenu, tu as ta place. De plus, il est essentiel de rester présent avec lui. C'est notre Présence aimante qui l'accueille. Autrement dit, j'accepte la présence de mon émotion quelle qu'elle soit, sans aucun jugement. Je ne la repousse pas, je l'autorise à se manifester. Par ma Présence aimante, je suis compréhensif envers mon Enfant et je lui souris.
Il est donc contre-indiqué de rabrouer l'Enfant blessé parce qu'il est en colère ou qu'il boude, autrement dit de nous juger mauvais parce que nous sommes en colère. L'autorité en nous qui rabroue, c'est le Comédien-Juge. Plus on rabroue l'Enfant, plus on le met en insécurité, et plus il devient acariâtre, plus on se sent mal. Combattre le ressentiment lui donne de la force. Je ne cherche pas à repousser mes émotions négatives. Le seul fait d'accueillir l'émotion la transforme. Cela peut aller à l'encontre d'idées reçues très répandues. Par exemple, celle que la colère fait partie de notre tempérament, que c'est dans notre nature, qu'il n'y a qu'à la réprimer, la combattre par le contrôle et la discipline. C'est faux, la colère nait essentiellement de l'enfermement que ressent l'Enfant sous la dictature de son Juge, et non à cause d'une personne extérieure.
J'apprends à distinguer sentir et savoir
Il arrive souvent que des personnes aient des difficultés à faire la différence entre leur ressenti et leur savoir, même si le concept leur parait clair. Cela provient de la mise en place de mécanismes de protection qui nous empêchent de sentir, et également d'un manque d'entrainement. Personne ne nous a appris à sentir et accueillir nos émotions, et surtout pas l'école .
Le cas de BERNARD: Bernard se sent très mal, parce que sa femme envisage la séparation. Il identifie facilement un sentiment d'abandon. Lorsque je lui propose de ressentir ici et maintenant ce sentiment qui est présent en lui, il me répond que ce sentiment d'abandon lui est connu depuis déjà quelque temps.
Bernard ne comprend pas ma proposition d'être présent à son sentiment de détresse. Il croit qu'une fois qu'il sait cela suffit pour pouvoir le traiter. Si vous voulez vous occuper d'un enfant chez vous, il n'est pas suffisant de savoir qu'il est là. Vous devez lui porter attention au présent avec vos sens, vos yeux et vos oreilles. De même, porter attention au présent à nos sensations est extrêmement bénéfique à notre amélioration.
Je reconnais mes besoins
Après avoir accueilli nos émotions, la deuxième étape consiste à identifier les besoins qui se manifestent derrière ces émotions et ces sensations. Elles sont le signal qu'un ou plusieurs besoins profonds n'ont pas été remplis. Prenons le cas d'Estelle qui est amère envers sa mère. Cela révèle j'ai besoin qu'on s'occupe de moi, j'ai besoin d'attention et de tendresse. Le sentiment d'abandon de Bernard révèle également son besoin d'attention de la part d'une femme.
Souvent, nous ne nous rendons même pas compte de ce besoin. Si nous sommes en colère parce que quelqu'un n'a pas respecté notre espace, immédiatement, nous accusons l'autre. Tu ne me respectes pas. Cessons de reporter sur l'autre la responsabilité de nos sentiments. Reconnaissons qu'ils expriment notre besoin. Disons je au lieu de tu. J'ai besoin d'être respecté, j'ai besoin d'être tranquille, j'ai besoin d'espace. Cela nous apprend à identifier les besoins de notre Enfant de Vie. Quand nous éprouvons un sentiment de gêne, une émotion négative, nous pouvons également nous poser la question: Qu'est-ce qui me manque pour que je sois satisfait?
Lorsque le besoin est identifié, que faire avec? Allons-nous demander à l'autre de le remplir? Cela peut se produire dans certaines situations si c'est un besoin du présent. Mais ordinairement, ce n'est pas le cas. Par exemple, bien que le besoin d'amour d'Estelle vis-à-vis de sa mère semble actuel, il n'est en réalité qu'un besoin de son passé non assouvi. Et si sa mère actuelle se mêle de le satisfaire, Estelle le refuse. Ce qu'exprime le malaise est la réactivation d'un besoin ignoré du passé, réactivation d'une blessure pas encore guérie. Chercher quelqu'un pour remplir ce besoin n'est pas la solution. C'est en nous que nous trouverons ce quelqu'un, c'est notre Présence aimante. Personne d'autre ne peut le satisfaire. Un peu plus loin, dans la section Soin, je donne quelques indications pour nous occuper des besoins actuels de notre Enfant.
Comment cette Présence aimante peut-elle satisfaire ou désamorcer nos besoins? En les reconnaissant et en acceptant leur existence sans jugement, de la même façon que nos émotions. C'est déjà énorme. D'ailleurs, nous avons déjà initié ce processus. Le seul fait d'avoir accueilli nos émotions est déjà une façon de répondre au besoin primordial de reconnaissance et d'écoute. Accueillir les besoins sans aucun jugement, c'est demander au Juge de se taire. Occupons-nous maintenant de notre Juge qui est un des rôles les plus importants du Comédien.
Je cesse de me juger
En découvrant les besoins de notre Enfant, il est fréquent que nous en éprouvions de la honte et que nous hésitions à prendre soin de lui. Nous nous sentons égoïstes ou ridicules. Mais interrogez-vous: qui, en nous, nous suggère cette honte et cherche à nous détourner de l'Enfant? Nous reconnaissons la voix de notre Juge qui ne veut pas être mis à l'écart. Il demande d'obéir à ses règles de convenance et de ne pas écouter l'Enfant qu'il juge inconvenant. La troisième étape de la résurrection de notre Moi véritable est de cesser d'écouter les injonctions de ce Juge et des autres sous-personnalités issues du système de croyances.
J'abandonne mes vieilles croyances
Nos représentations et croyances ont été forgées dans un contexte particulier du passé et ne sont plus adéquates. Si par le passé, il était légitime de demander à nos parents de nous procurer de la sécurité et de l'attention, ce n'est plus possible. Demander à l'autre de nous donner le bonheur est inaccessible. Penser que l'autre peut nous le donner, penser que nous devons le donner à l'autre sont des croyances qui créent ce qu'on appelle en psychologie la co-dépendance. C'est seulement nous-mêmes qui pouvons créer notre bonheur, en abandonnant ces croyances et en écoutant notre Enfant de Vie.
Observez vos fonctionnements et détectez les croyances qui les sous-tendent. Cela vous permettra de vous distancer d'elles, puis de les transformer. Le facteur de transformation le plus puissant est de cesser de vous juger, même si vous sentez que vous n'êtes pas parfait. Chaque fois que nous éprouvons de la honte, du remords, du regret, que nous nous trouvons stupides, trop ceci ou pas assez cela, nous nous jugeons. Autrement dit nous estimons que nous aurions dû être autrement. Chaque fois que vous hésitez à reconnaitre votre besoin intérieur, chaque fois que vous en avez honte, demandez-vous quelle est la croyance qui se profile derrière cette hésitation et vous dicte qu'il ne faut pas vous occuper de votre Enfant.
Lorsque nous découvrons toutes nos croyances, il se peut que nous soyons affolés et nous avons tendance à trouver que notre Juge est mauvais et détestable. C'est encore un jugement basé sur une croyance. Comme pour les émotions négatives, la solution n'est pas de rabrouer le Juge, cela renforcerait les conflits et les coupures intérieures. Le Juge a été d'un grand secours pour notre survie en son temps. Nous pouvons le remercier, lui dire qu'il a terminé son service, l'inviter à partir ou à se mettre au service de notre Enfant, comme un domestique qui ne nous est plus utile.
Je me pardonne. J'apprends à m'aimer
Cesser de se juger, c'est accepter totalement d'être ce que nous sommes et ce que nous avons été. Une autre façon de le dire, c'est d'être tolérant, indulgent pour notre Enfant.
Attention, cela ne signifie pas que nous devons rester complaisants avec nos dysfonctionnements. Il est bien sûr indispensable d'avoir un idéal de croissance et de perfectionnement. Mais nous nous rendons compte que nos prétendues "fautes" ne sont que le fruit de l'ignorance. Nous comprenons que nous n'avons pas fait de "bêtises". Nous expérimentons avec notre conscience du moment. Nous faisons pour le mieux avec ce que nous sommes, nous tâtonnons, nous sommes en apprentissage. Chaque expérience, chaque vécu fait évoluer un peu plus notre conscience, et peu à peu nous nous développons, même si c'est par des chemins quelquefois bizarres.
Lorsque l'enfant perdu de la rue se met en colère, ou casse quelque chose, nous reconnaissons là le symptôme de sa souffrance et nous avons de la compassion. Lorsqu'il est de bonne volonté mais se trouve incapable de nous dire ses émotions ou ses besoins, ou de faire ce que nous lui suggérons, nous lui pardonnons sa maladresse, car nous savons qu'il est en devenir. Faites de même avec votre Enfant, avec vous-même. Soyez bienveillant avec vous-même, soyez indulgent. Nos parties ombrageuses telles que le Juge et d'autres sous-personnalités ressemblent à des enfants mal-aimés, coupés de l'amour et de la lumière. Ils ont besoin d'être pardonnés.
Le pardon, c'est cesser de se juger. Ce n'est pas oublier nos fautes ou passer par dessus, c'est réaliser profondément qu'il n'y a pas eu de fautes. C'est être bienveillant, avoir de la compassion. C'est s'aimer soi-même. En nous pardonnant, nous reconnaissons que nous sommes quelqu'un d'estimable qui mérite l'amour et la joie. Donnons-nous cet amour.
Je prends soin de mon Enfant de Vie
Dans les étapes précédentes, nous avons essentiellement porté notre attention sur notre Enfant blessé. Dans la quatrième étape, nous allons nous occuper de notre Enfant Libre, l'aider à prendre sa place et l'encourager à manifester sa joie de vivre.
Je repère les moments de bonheur
C'est par le malaise que nous avons été conduits vers notre Enfant blessé et abandonné. C'est en repérant nos moments de bonheur que nous reconnaitrons notre Enfant Libre. Chaque fois que nous sommes alignés avec notre Enfant Libre, nous éprouvons de la joie. Elle peut prendre diverses formes: paix, satisfaction, bonheur tranquille, enthousiasme, pétillement, sensation d'expansion. Chacun d'entre nous a eu l'occasion de vivre de tels moments, même si cela a été très fugitif. Nous avons tendance à les oublier, cependant un peu d'introspection et d'attention va les faire ressurgir.
Faites le catalogue de ce qui vous fait du bien. Rappelez-vous les moments où vous avez ressenti du plaisir de vivre, où vous avez oublié vos conditions de vie. En analysant quels étaient les ingrédients de ce moment de joie, vous saurez ce que demande votre Enfant de Vie. Cela peut être quelque chose de très simple. Vous pouvez vous souvenir de moments de bonheur de votre vie présente, ou des moments de votre passé, de votre enfance. Prenez le temps de vous arrêter sur ces souvenirs, pour les ancrer et les nourrir.
Bernard: C'est quand je suis dans la nature. J'ai un jardin chez moi, et je cultive des palmiers; j'aime le moment où l'arbre fructifie. Et ça se voit dans le ton qu'il prend pour le raconter. Il s'anime, devient vivant et pétillant.
Je me fais du bien
Lorsque vous avez repéré les circonstances où vous êtes bien, demandez-vous quelle part vous leur accordez dans votre vie actuelle. Puis-je consacrer plus de temps pour nourrir mon Enfant? Qu'est-ce qui me fait du bien? Écouter de la musique, me promener dans le bois, dessiner, bricoler, escalader, rendre visite à un ou une ami(e), recevoir un massage. Reconnaissez le plaisir qui est associé à cette activité. Il n'y a pas forcément besoin de lui accorder beaucoup de temps. Le plus important est d'y apporter de l'attention, même si c'est bref.
Il se peut que le Juge pointe son nez en vous suggérant qu'en vous occupant de vous, vous êtes égoïste. Sachez que ce n'est pas de l'égoïsme. C'est être attentif à votre Enfant de Vie. Vous avez le choix entre vous nier pour répondre aux demandes des autres en restant malheureux, ou être juste avec vous pour vous épanouir et être capable de rayonner paix et amour autour de vous. L'idée importante est qu'au lieu d'aller chercher à l'extérieur quelqu'un qui nourrisse votre Enfant, vous avez la possibilité, au moyen de votre Présence Aimante, de le nourrir vous-même. Ceci n'entraine pas que vous vous trouverez seul, mais au contraire que vous attirerez de plus en plus de personnes aimantes dans votre entourage. Écartez la croyance que les gens qui vous aiment sont là pour répondre à vos besoins, mais acceptez leurs dons avec joie.
Vous pouvez aussi intensifier ce processus par des techniques thérapeutiques spécifiques qui visent à renforcer l'Enfant de Vie dans sa vitalité, dissoudre les blessures de l'Enfant blessé et les cuirasses musculaires correspondantes. Par exemple des visualisations ou des massages et exercices corporels en psychologie biodynamique. D'autres pratiques sont citées ci-dessous.
Je favorise l'expression de mon élan de Vie
Vous avez consolé l'Enfant en vous, il se sent reconnu et aimé. Ses pleurs ont séché. Que fait un enfant réel dans ce cas? Il ne pense plus à son passé douloureux. Il manifeste sa joie et a envie d'aller participer aux jeux des autres. Il ne cherche pas à contrôler son comportement en fonction de règles de bienséances. Il est créatif et s'exprime sans honte, sans jugement. Autorisez votre Enfant Libre à se manifester de la même façon. Laissez-le exprimer sa joie de vivre.
Soyez avides de tout comme un enfant, soyez avides de Dieu comme un enfant. Ayez l'audace de croire que le monde vous appartient comme un enfant. Ayez l'audace de croire que l'amour est votre dû et aimez comme un enfant en vous laissant bercer le c?ur confiant dans les bras de Dieu en toute innocence.
Lorsque nous laissons libre cours à notre Enfant de Vie, nous sommes spontanés, nous nous trouvons très légers et à l'aise dans notre façon d'être, nous avons envie de chanter et danser. L'expression spontanée comporte plusieurs volets: laisser s'exprimer notre émotion de joie ou de peine; laisser s'exprimer notre comportement spontané tel que chanter ou sauter si nous en avons envie; oser être sensoriel et sensuel. Et aussi, laisser émerger en nous nos possibilités créatrices, en art, en écriture, en bricolage, en jardinage, ou encore en favorisant des rencontres, des groupes de personnes, etc.
Certaines des personnes qui cherchent à favoriser leur Enfant Libre disent (pour la plupart des hommes): je n'arrive pas à exprimer mon émotion, je ne peux pas pleurer. Un tel désir est encore dans le vouloir, vouloir être quelqu'un d'autre. "Je veux pleurer", c'est comme "je ne veux pas pleurer". C'est l'opposé de l'accueil de ce qui est. Par exemple, si vous sentez une bouffée de chagrin en vous et que vous avez envie de pleurer, peu importe si vos pleurs sont exprimées ou non du moment que vous avez senti le chagrin en vous. Cela suffit pour entendre l'Enfant Intérieur et comprendre son message. L'expression viendra plus tard de façon naturelle.
Lâcher-prise et confiance
Le perspective de lâcher le Comédien et de donner place à l'Enfant Libre fait surgir une nouvelle crainte, celle de l'inconnu. Nos croyances nous avaient permis de mettre en place un système de points de repère bien établis qui semblaient nous apporter la sécurité: la famille, le métier, la sécurité sociale, la maison, etc. Où nous mène notre nouveau guide, l'Enfant libre? Ne risquons-nous pas d'aller dans des voies absurdes, folles, et de nous perdre?
Or, une réflexion succincte révèle que la sécurité des croyances est à la fois illusoire et enfermante. Notre patrimoine peut nous être enlevé et les structures sociales et familiales peuvent s'écrouler. A l'inverse, suivre l'appel de son Enfant, c'est lâcher le bord de la piscine ou de la rive et se laisser emporter par le courant de notre énergie de Vie. Mais où? Peut-être est-ce le vide, peut-être est-ce un piège, peut-être allons-nous tout perdre ou nous noyer? Notre plus grande peur est d'être séparé, de ne plus être aimé.
Aussi, lâcher le Comédien, la Personnalité, c'est ce qu'on appelle le lâcher-prise et c'est un des passages les plus délicats, une expérience majeure. C'est au prix du lâcher-prise que nous découvrons la force du courant de vie, et que bien loin de rencontrer le vide, nous ouvrons la porte à une plus grande puissance de nous-même, à une autre dimension. C'est un acte de confiance, de foi en la Vie. Cette foi peut-être encouragée, car d'autres en ont fait l'expérience et nous la rapportent, de la même façon qu'un voyageur nous rapporte ses récits de voyages.
Renouez avec votre enfant intérieur. Margaret Paul. Éditions Le souffle d'or. Clair, simple et pratique
http://www.spirit-science.fr/doc_psycho/Enfant.html