EUROPE : La mention [nano] figurera-t-elle ou non sur les étiquettes des produits alimentaires fin 2014 ?
Nous avions relayé dans notre lettre VeilleNanos n°8-9 de décembre dernier la volonté de la Commission européenne de restreindre l'obligation d'étiquetage [nano] dans l'alimentation qui était censée entrer en vigueur fin 2014 : le tout récent projet de Règlement délégué de la Commission européenne (publié par erreur dans le Journal officiel de l'Union européenne du 12 décembre 2013) prévoit en effet de retirer l'obligation d'apposer la mention [nano] devant des ingrédients déjà utilisés sous forme nanométrique "depuis des décennies" dans l’alimentation.
Or ce sont surtout les additifs alimentaires que l'on trouve depuis longtemps sous forme nano dans notre alimentation1 - notamment le carbonate de calcium (E170), le dioxyde de titane (E171), les oxydes de fer (E172), l'argent (E174), l'or (E175) ou la silice (E551) - qui suscitent des inquiétudes au vu des incertitudes sur leur innocuité2.
Les exempter d'étiquetage reviendrait donc à vider de sa substance le Règlement INCO et à "violer à la fois la lettre et l'esprit de la loi" et le droit à l'information des consommateurs, selon des députés européens opposés à cette mesure.
Cette tentative de passage en force par la Commission a suscité des réactions et des actions dont nous proposons de retracer ici l'historique et l'évolution (nous mettrons à jour cette page au fur et à mesure de leur progression) :
- Du côté des Etats membres :
- le 10 janvier 2014, la délégation française du Conseil de l'Union européenne a demandé la prolongation du délai prévu pour exprimer des objections, afin de permettre au groupe "Denrées alimentaires" de discuter d'éventuelles objections (délai deux mois à compter de la notification, soit avant le 12 février 2014) ; le 17 janvier, le groupe "Denrées alimentaires" a examiné cette question et a décidé d'inviter le Conseil à accorder ce délai supplémentaire3 ; si cette prolongation est approuvée, les gouvernements européens auront jusqu'à avril pour expliquer pourquoi ils considèrent que la modification proposée doit être rejetée.
- le sénateur français Simon Sutour fait référence à "l'objection formulée en janvier 2014 par la France à l'encontre d'un projet d'acte délégué porte sur l'étiquetage des produits alimentaires, sur des informations que la Commission proposait de ne plus faire figurer sur les emballages" : dans un rapport d'information, il considère que "le fait, pour la Commission, de s'affranchir délibérément des règles fixées par le législateur européen est en lui-même critiquable et doit être fermement dénoncé" 4
- Du côté du Parlement européen :
- le 5 février 2014, les députés européens de la commission ENVI du Parlement européen (environnement, santé publique et sécurité alimentaire) ont voté une motion de résolution rejetant la proposition de la Commission5 et demandant qu'un ingrédient soit étiqueté [nano] dès lors qu'il comporte au moins 10% de nanoparticules, et non 50% comme prévu par la Commission européenne ; les députés se basent sur l'avis de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA)6 formulé en 2012 et justifié par l’incertitude actuelle sur les risques sanitaires des nanomatériaux. Bilan du vote : 31 voix pour, 23 contre et 2 abstensions ; les verts et les socialistes de la commission ENVI ont fortement soutenu cette motion, alors que des divisions existent au sein des libéraux et du groupe PPE de centre-droit, le plus important du Parlement européen7 ;
- c'est le 12 mars 20148 (contrairement à ce qui avait été annoncé initialement : entre le 24 au 27 février9) que les eurodéputés voteront la résolution lors d'une session plénière à Strasbourg - où la majorité absolue sera difficile à atteindre .
→ Mise à jour le 12 mars 2014 : Le Parlement européen a finalement rejeté le projet de Règlement proposé par la Commission.
- Du côté des associations de consommateurs :
- le 4 février 2014, l’association française de consommateurs CLCV a adressé au ministre de l’économie français un courrier rappelant que le gouvernement français s’était engagé à "se positionner au niveau européen en faveur de l’étiquetage des produits mis à la disposition du grand public et contenant des substances à l’état de nanoparticules"10. La CLCV "espère que la France veillera à ce qu’une information complète des consommateurs soit garantie quant à la présence d’ingrédients "nanos" dans les aliments"11 ;
- le 12 février 2014, le Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC) a salué le vote de la commission ENVI12 (cf. plus haut).
- Du côté de l'industrie agro-alimentaire :
Les lobbys industriels comme ELC (Federation of European Specialty Food Ingredients Industries) soutiennent quant à eux la position de la Commission européenne, au nom de la confiance des consommateurs, qui pourrait être altérée par la mention [nano] sur la liste des ingrédients13.
http://veillenanos.fr/wakka.php?wiki=Debut2014MajInfoConsommateursNanoAlimentation