FRITES SURGELÉES: L'acrylamide, un composé lié à la cuisson, cancérigène?
Des documents confidentiels européens accusant de grosses multinationales comme Nestlé, Coca Cola et McDonald’s d’avoir la mainmise sur les réglementations relatives à la sécurité alimentaire ont fuité.
Sous la pression de ces entreprises, l’Union Européenne est sur le point d’adopter des “directives” qui se traduiront par la présence de niveaux extrêmement dangereux d’acrylamide dans nos assiettes. Même les experts de l’UE reconnaissent que cette substance peut endommager notre ADN et augmenter les risques de cancer.
C’est un rêve qui devient réalité pour les géants de l’industrie. Dans les prochains jours, le Commissaire européen à la santé examinera le projet. Mais une mobilisation générale à travers l’Europe pour réclamer de vraies limites légales qui protégeraient le peuple (et non les profits !) peut encore faire reculer les lobbyistes.
À l’aide de mesures basiques, les niveaux d’acrylamide dans nos aliments pourraient être considérablement réduits. Mais les documents qui ont fuité montrent que les lobbyistes des grandes entreprises concernées négocient dans les coulisses des comités pour empêcher toute contestation. Si l’on suit leur proposition, l’utilisation de l’acrylamide pourrait être réglementée par des directives très peu contraignantes qui ne diminueront pas du tout les risques.
L’acrylamide est une substance dangereuse et cancérigène, que l’on retrouve quotidiennement sur nos tables : des chips au pain grillé, en passant par les gâteaux ou encore la nourriture pour bébés. L’année dernière, l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) a publié un rapport alarmant sur cette substance qui « accroît potentiellement le risque de développement d’un cancer pour les consommateurs de tous les groupes d’âge. » Les nourrissons et enfants sont particulièrement vulnérables.
Les niveaux d’acrylamide causant le cancer peuvent être considérablement limités, mais cela n’a pas été le cas jusqu’à présent : malgré les années de suivi, les taux d’acrylamide présents dans les aliments sont loin d’être en baisse. Pire encore, nombreux sont producteurs qui n’ont pas du tout conscience de ce problème, ou qui ne veulent tout simplement pas prendre des mesures pour réduire ces taux.
Ces projets de loi sur le sujet ne sont pas seulement dénués de sens. Ils sont dangereux : les niveaux d’acrylamide recommandés sont, dans de nombreux cas, plus élevés que ceux que l’on absorbe déjà avec nos aliments, et les lois bloquent les pays qui voudraient mettre en place une législation plus stricte. Si ces directives étaient adoptées, ce serait donc une grande victoire pour ces irresponsables que sont les géants alimentaires.
La souplesse des règles et l’auto-régulation de ces grandes entreprises nous desservent depuis des années. Aujourd’hui, les lobbyistes payés par Nestlé, Coca Cola, McDonalds ou encore Pizza Hut poussent pour des réglementations encore moins contraignantes. Ce qu’ils font pour leurs intérêts, les membres de SumOfUs le font tout aussi bien pour les droits des consommateurs. Nous sommes plus de 200 000 à avoir demandé l’interdiction des pesticides tueurs d’abeilles à l’Union Européenne et à l’avoir obtenue !
L’UE peut encore durcir sa législation. Les pays membres débattront de ces lois dans deux semaines. Il nous reste donc un peu de temps pour obtenir des contraintes légales claires sur les taux de l’acrylamide. Ensemble, nous pouvons y arriver mais il nous faut agir vite.
Sa présence soulève des préoccupations depuis la découverte de l’association entre une exposition –mais massive à hauteur de 900 fois l’équivalent de l’exposition humaine- chez la souris, et un risque accru de cancer. L’acrylamide est actuellement définie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme «probablement cancérigène pour l’homme».
Rien ne sert de tenir un discours alarmiste, rassure ici l’Académie, encore moins de mettre toute une population à un régime ne comportant aucun des aliments définis par les autorités sanitaires comme majoritairement source d’acrylamide. Un seul conseil de bon sens pour tous : la modération. L’alimentation doit être personnalisée en fonction des facteurs de risque : diabète, hyperlipidémie, cancer, maladies cardiovasculaire et neurodégénérative.
La responsabilité revient aux industriels : L’important n’est pas d’indiquer sur chaque paquet de produits agro-alimentaires son contenu en acrylamide. En effet, le consommateur aura des difficultés pour interpréter les valeurs indiquées sur ce qu’il achète et savoir effectivement quelle quantité il ne doit pas dépasser. En dehors d’éviter la surchauffe, il aura du mal à choisir le meilleur mode de préparation. C’est aux industriels de définir les procédés de fabrication limitant la formation d’acrylamide.
La prévention par rapport aux risques de l’acrylamide ne se résume pas à supprimer les frites mais passe par une réelle définition des valeurs des témoins de l’exposition, biomarqueurs urinaires ou sanguins, à savoir les biomarqueurs dans les urines ou le sang, comme c’est le cas pour la glycémie ou le cholestérol, afin de déterminer les personnes à risque et de prévenir notamment les risques de diabète et cardiovasculaires très tôt en amont. Les techniques de dosage des AGE jusqu’à présent réservées aux laboratoires de recherche peuvent désormais être effectuées facilement dans n’importe quel laboratoire de biologie médicale.
Des études épidémiologiques encore peu informatives : Fondées sur des interrogatoires téléphoniques ou sur la mortalité relevée dans les registres de mairie, ces données restent encore peu informatives sur le risque de décès par cancer ou maladie neurodégénérative lié à l’acrylamide. De nouvelles recherches doivent encore être menées pour définir les conditions dans lesquelles l’acrylamide ou ses précurseurs sont un risque pour la santé.
Source: Communiqué Académie de Pharmacie « Acrylamide, produits de glycation (AGE), attention ! » (L’Académie fait le point Jeudi 20 mars, 11h au « Musée de matière médicale – François Tillequin » de la Faculté de Pharmacie Paris-Descartes 4, avenue de l’Observatoire Paris 6e)
avec la participation des deux spécialistes français, reconnus internationalement :
- Pr Jean-Luc WAUTIER, hématologue, Faculté de Médecine Lariboisière Saint Louis, Université Denis Diderot, membre correspondant de l’Académie nationale de Pharmacie
- Pr Eric BOULANGER, Biologie du Vieillissement, Faculté de Médecine, Université du Droit et de la Santé, Lille 2