Des divinités aux visages menaçants et des guerriers brandissant des massues règnent sur un territoire de plus de 2 000 km2, sous des cimes enneigées culminant à 4 500 M. Plus de 300 sculptures monumentales, dont certaines mesurent 4 m de hauteur et pèsent plusieurs tonnes, ont été découvertes à San Agustin, en Colombie, sous des tertres de 30 m de diamètre.
Ces gardiens hiératiques veillent sur des chambres funéraires, des sarcophages monolithiques et des sépultures contenant des corps étendus dans diverses positions, accompagnés d'objets usuels ou cérémoniels.
Inspiré par le lieu, où alternent soleil de plomb et violentes tempêtes, et où les plus grands fleuves du pays naissent en de vertigineuses cascades, un peuple précolombien édifia ici le panthéon de ses divinités et la demeure de ses ancêtres mythiques.
Les volcans eux-mêmes étaient encore actifs aux premiers siècles de l'ère chrétienne. Les couches de cinérite (roche poreuse formée de cendres volcaniques) découvertes autour des sarcophages monolithiques et entre les dalles couvrant les grands sépulcres, en témoignent. Ainsi que le racontait, en 1960, l'archéologue colombien Luis Duque Gómez, « les aborigènes ont dû voir le ciel obscurci par d'épais nuages de cendres, qui tombaient, comme une pluie, sur leurs champs et leurs fermes » .
SAN AGUSTÍN CULTURE
Cette culture s'est développée près des sources du Magdalena (département du Huila), dans le sud-ouest de la Colombie. Mal connue, elle semble s'être développée entre ~ 500 et 1100 après J.-C.( ?). Les structures funéraires et la statuaire y sont exceptionnelles (environ 300 sculptures connues, parfois hautes de plus de 5 mètres, provenant d'une quarantaine de gisements dispersés sur environ 500 km2). Les sépultures, des tumulus en forme de dolmens ou d'allées couvertes, contenaient un sarcophage de bois ou de pierre. Le mort était accompagné d'offrandes : céramique, bijoux, parures, objets utilitaires. La tombe était ensuite recouverte par un tertre. Certaines tombes sont complétées par des statues, placées à l'intérieur et à l'extérieur.
Les statues ont en commun un style massif caractérisé par une attitude rigide ; les membres ne sont pas séparés du corps et elles sont faites pour être vues de face. Elles représentent des chefs et des divinités ; des statues zoomorphes évoquent peut-être des créatures mythiques semi-humaines, d'autres semblent plutôt des créatures monstrueuses. En plus du thème principal de l'homme à face et crocs de félin, on trouve ceux de l'être humain protégé par un alter ego, des créatures dévorant un enfant ou des guerriers arborant une tête trophée. Dans les années 1980, des statues peintes en rouge, ocre et noir ont été mises au jour, et on peut supposer que d'autres sculptures avaient à l'origine un décor polychrome. De petits temples paraissent avoir servi d'oratoires : deux statues de guerriers armés, surmontés d'un alter ego, entourent une statue principale, avec des crocs de félin, placée sous une grande dalle horizontale reposant sur les statues latérales. Une dalle verticale ferme l'espace arrière.
La fontaine de Lavapatas est un grand affleurement rocheux au bord d'un torrent. L'eau circulait, rituellement, dans d'étroits canaux entaillant la roche, sculptée de personnages et d'animaux (serpents, lézards, singes), sans doute en rapport avec le culte de l'eau. L'orfèvrerie (diadèmes, colliers, fragments de fils et de plaques) est rare dans cette région. Les habitations étaient des cabanes rondes, aux murs de terre et au toit de paille ayant complètement disparu. Parfois, des tombes étaient creusées dans leur sol. Bien que l'occupation de cette région soit attestée depuis le ~ vie siècle, les datations obtenues pour les tombes et les sculptures sont proches du xiie siècle de notre ère. À l'époque de la Conquête, les représentants de la culture San Agustín avaient disparu, remplacés par des indigènes qui n'avaient pas conservé leurs traditions funéraires.
En raison de l'abondance de la végétation et des accidents du terrain, une grande partie de ce territoire reste encore inexplorée.
Le parc archéologique de San Agustín est inscrit sur la liste du patrimoine mondial culturel de l'UNESCO depuis 1995.
Liens complémentaires:
Photos:
- 1) Le professeur Paul Rivet et le ministre de la culture belge lors d'une expédition à San Augustin en 1938 (archivo fotográfico Gregorio Hernández de Alba)
- 2) Statue en pierre "le flutiste" (colombia.travel)