Manuel pour détruire un pays
1. Quand, naviguant sans savoir où tu vas, tu trouves une terre, affirme que tu l’as découverte et extermine tous ses habitants.
2. Si, une fois les habitants exterminés, tu ne trouves personne qui travaille gratis pour toi, enlève des centaines de milliers d’Africains et convertis-les en esclaves, jusqu’à avoir une proportion de 8 esclaves pour un colon.
3. Pour les dompter, donne-leur du fouet sur le dos et mets-leur une religion dans le crâne qui les force à adorer leurs exploiteurs.
4. Viole les femmes esclaves et confie aux mulâtres qui naissent les pires tâches de répression envers leurs frères.
5. Afin de mettre en évidence la supériorité morale des maîtres, remets le pays aux mains des flibustiers de l’île de la Tortue commandés par le pirate Du Casse, en 1697.
6. Augmente l’exploitation jusqu’à ce qu’ Haïti, en 1791, produise 89.000 tonnes de sucre, plus que la Barbade, la Jamaïque et Cuba réunis, tout en t’assurant que pour les producteurs, la vie soit la plus amère du monde.
7. Proclame la Liberté, la Fraternité et l’Egalité dans la métropole française en 1789, mais quand les esclaves se soulèvent pour réclamer la même chose en 1791, envoie une expédition de 40.000 hommes (en 1801) pour empêcher que les Haïtiens soient traités en hommes et en citoyens
8. Accepte en 1816 l’aide généreuse d’Haïti pour obtenir l’Indépendance de l’Amérique Latine, mais oublie de l’inviter au Congrès de Panama en 1826.
9. Après que les esclaves insurgés ont mis en déroute les 40.000 envahisseurs en 1804, attends jusqu’en 1826 pour reconnaitre leur Indépendance, en échange d’une indemnisation de 150 millions de francs-or à payer, non pas aux esclaves, mais à leurs anciens maitres.
10. Attends que cette dette démolisseuse détruise ce qui n’a pas été dévasté par la guerre de libération, et favorise en 1915 une invasion des USA, qui occupent le pays jusqu’en 1934.
11. Pendant cette occupation militaire, fais avancer les privatisation: privatisation de la nature (en 1925 60% des forêts étaient détruites, aujourd’hui 98%), privatisation de la société (80% de pauvreté), privatisation de l’éducation (52% d’analphabètes), privatisation de la santé (mortalité infantile de 110 pour mille), privatisation de la terre (70% des agriculteurs n’en possèdent pas), privatisation de la sécurité sociale (les pensions de vieillesse et le droit de grève sont abolis), privatisation des salaires (1,50 dollar par jour), privatisation des bénéfices (les investisseurs obtiennent des retours sur investissements de 500%), privatisation du commerce (70% des exportations vont vers les USA), privatisation des iles (les îles Cayémites et La Tortue ont été bradées), privatisation des droits de l’homme (30.000 opposants disparus en 15 ans), privatisation du sang (acheté 3 dollars le litre et revendu 25 dollars le litre.)
12. Au moment de retirer les troupes, laisse le pays occupé par des dynasties de dictateurs brutaux qui assassinent tous ceux qui luttent pour améliorer le niveau de vie, pour les réformes sociales ou pour la démocratie.
13. Si un candidat gagne des élections démocratiques, appuie un coup d’État qui le renverse, l’enlève et l’exile.
14. Après le Coup d’Etat, privatise la « Minoterie d’Haïti » et « Ciment d’Haïti », les entreprises de farine blé et de ciment, et vends-les à une entreprise de Kissinger, pour qu’en cas d’urgence les Haïtiens n’aient ni pain ni ciment pour reconstruire leur pays.
15. Si le dictateur qui a envoyé le démocrate en exil est démis par le peuple, envahis de nouveau Haïti avec 18 bateaux de guerre, 2 porte-avions nucléaires, des dizaines d’hélicoptères Blackhawk, des véhicules blindés et 6.000 soldats criant : « Nous ne sommes pas en guerre ; nous venons restaurer la démocratie et apporter de l’aide humanitaire. »
16. Une fois le dictateur restauré, laisse de nouveau le pays occupé par les forces militaires de l’ONU.
17. Si, malgré tout cela, le président élu démocratiquement et démis revient de l’exil et gagne de nouveau les élections en 2001, empêche l’arrivée de toute aide extérieure, impose un blocus, appuie un nouveau coup d’État, enlève le démocrate et envoie-le en exil en Afrique du Sud.
18. Occulte les dénonciations comme celle de Marguerite Laurent, du Réseau de Leadership des avocats haïtiens (HLLN), et avocate de Jean Bertrand-Aristide, qui soutient : « Il a été prouvé que les USA ont découvert du pétrole à Haïti il y a des décennies et que, du fait des circonstances géopolitiques de cette époque, ils ont décidé de garder le pétrole haïtien en réserve pour quand celui du Moyen-Orient sera épuisé. » Ceci est détaillé par le Dr. Georges Michel dans un article daté du 27 mars 2004, dans lequel il résume l’histoire des explorations et des réserves pétrolières d’Haïti, et dans les recherches de Ginette et Daniel Mathurin. Il y a aussi des preuves que ces mêmes grandes entreprises pétrolières US, les monopoles d’ingénierie et les sous-traitants de la Défense qui leur sont liés ont fait des plans, il y a des décennies, pour les eaux des mouillage d’Haïti, soit pour installer des raffineries de pétrole soit pour développer des installations de stockage de pétrole brut, qui serait ensuite transbordé à bord de petits pétroliers pour être acheminé vers les USA et les ports des Caraïbes.
19. Utilise contre le pays, sans déclaration de guerre, tout le répertoire des armes psychologiques, chimiques, bactériologiques, virales, climatiques et tectoniques que peuvent produire les laboratoires du mal.
20. Quand la catastrophe naturelle s’abat sur un peuple qui a supporté tant de catastrophes politiques et sociales, occupe ses aéroports et ses points stratégiques avec des unités de la IVème flotte, de la 82ème division aéroportée, 20.000 marines armés et 3.500 soldats supplémentaires de l’ONU, pour empêcher l’arrivée de secours, achever par balles ceux que le séisme n’a pas exterminés et convertir le pays en base militaire.
Une fois ce pays immolé revenu à l’esclavage, n’oublie pas que ce manuel est à format unique et s’applique à tous les pays du monde, avec la seule différence que c’est chacun à son tour.
Source Bridge/ Luis Britto Garcia