Le Plan Secret US de Bombardement Atomique du Vietnam et du Laos
BANGKOK – L’Armée de l’Air US voulait utiliser des armes nucléaires contre le Vietnam en 1959 et 1968, et contre le Laos en 1961, pour anéantir les guérillas communistes, selon des documents secrets de l’Armée de l’Air US, récemment déclassifiés
Le Plan Secret US de Bombardement Atomique du Vietnam et du Laos
En 1959, le chef d’état major de l’Armée de l’Air US, le Général Thomas D. White, a choisi plusieurs cibles dans le Nord du Vietnam, mais d’autres officiers militaires ont bloqué sa demande d’utiliser des armes nucléaires contre la nation du Sud Est Asiatique.
« White voulait écraser les insurgés et détruire leurs voies d’approvisionnement en attaquant des cibles sélectionnées au Nord Vietnam, soit avec des armes conventionnelles, soit avec des armes nucléaires, « selon ce que dit un document de l’Armée de l’Air déclassifié.
« Bien que le document de White appelait à prévenir les Nord Vietnamiens d’une attaque , les autres chefs d’état major l’ont ajourné, probablement à cause de l’utilisation d’armes nucléaires. Plusieurs mois plus tard, la proposition a été retirée » dit le document. Le document de 400 page intitulé « "The United States Air Force in Southeast Asia: The War in Northern Laos 1954-1973," (L’Armée de l‘Air US En Asie du Sud : la guerre au Nord Laos 1954-1973) a été écrit en 1993 par le Centre d’Histoire de l’Armée de l’Air à Washington, et « classé secret par de multiples sources ».
Il a été rendu public par Les Archives de la Sécurité Nationale – en même temps que plusieurs autres documents de l’époque de la guerre aérienne classés auparavant secrets – le 9 avril, après une procédure judiciaire intensive au titre du Freedom of Information Act (Loi sur la Liberté de l’Information). Les Archives sont un Institut de Recherche indépendant, non gouvernemental, à l’Université George Washington.
White «a demandé le feu vert de l’ensemble des chefs d’état major pour envoyer un escadron d’avions bombardiers B-47 du Commandement Aérien Stratégique (SAC) à la base aérienne Clarke aux Philippines » pour se préparer pour lancer une attaque sur le Vietnam proche, selon ce que dit le rapport déclassifié. La demande de White d’utiliser l’arsenal nucléaire américain a pu s’inspirer d’une étude de l’Armée de l’Air intitulée «Armes Atomiques dans des guerres limitées en Asie du sud » selon le rapport.
Cette étude «se focalisait sur l’utilisation d’armes nucléaires pour « contrôler la situation » dans les jungles, sur les routes d’approvisionnement dans les vallées, dans des zones de karst, et dans les défilés dans les montagnes pour bloquer les mouvements de l’ennemi et pour nettoyer les zones de couverture » dit le rapport déclassifié, dans une note de marge interprétant la stratégie de White. Le Nord Vietnam et le Laos sont constitués de terrains de ce type.
Un an plus tard, pendant décembre 1960 et janvier 1961, un pont aérien soviétique a ravitaillé en « nourriture, et équipement lourd militaire » les forces locales pro Moscou au Laos, via Hanoï, selon le document déclassifié de l’Armée de l’Air. En mars 1961, l’ensemble des chefs d’état major US « pour contrer cette proposition, ont présenté un plan demandant un renfort de 60 000 hommes, complété par une couverture aérienne et des armes nucléaires ».
« Cette inclusion des armes nucléaires par les militaires était un héritage de la guerre de Corée. Pour les chefs d’état major, il était impensable que les Etats-Unis s’embarquent dans une autre guerre conventionnelle sapant leurs forces » dit le document.
En 1968, juste avant leur Offensive de Tet, les troupes communistes du Nord Vietnam et leurs alliés Vietcong du Sud, ont attaqué les forces américaines au centre du pays, là où les US marquaient la division du Vietnam. En réponse, le général William Westmorland, commandant des forces américaines au Vietnam, a tendu le bras vers le bouton nucléaire.
« Fin janvier, le Général Westmorland avait averti que si la situation près de la zone démilitarisée (DMZ) et à Khe Sanh se détériorait drastiquement, des armes nucléaires et chimiques pourraient être employées » selon 106 pages déclassifiées, séparées, qualifiées comme « top secret », dans le rapport intitulé « L’Armée de l’Air en Asie du Sud : vers un arrêt des bombardements, 1968 »]i, écrit par le Bureau d’Histoire de l’Armée de l’Air en 1970.
« Ceci a poussé le Général John P Mc Cornell ( chef d’état major de l’Armée de l’Air) à faire pression, bien que sans succès, sur l’autorité de l’ensemble des chefs d’état major, pour demander au Commandement du Pacifique de préparer un plan pour utiliser des armes nucléaires de basse intensité pour éviter une perte catastrophique de la base de la Marine US » dit-il.
Pendant pratiquement toute la guerre - un échec - les US se sont appuyés sur des bombardements aériens massifs, plus du napalm au Vietnam au Laos et au Cambodge, mais n’ont pas largué de bombe nucléaire, malgré les trois tentatives de l’armée de l’air. Après la défaite des US, les communistes ont pris le pouvoir dans les trois pays en 1975.
Avec du recul, les auteurs du document déclassifié de l’Armée de l’Air de 1993, ont dit que cela n’aurait pas été une bonne idée « d’employer des armes nucléaires pour détruire les insurgés et leurs sources d’approvisionnement » au Vietnam et au Laos.
« il est fort douteux qu’il existait des cibles adaptées à de telles armes dans les jungles du Nord Laos et du Vietnam, « est-il écrit. « Plus important, une telle attaque aurait fourni aux communistes une énorme victoire de propagande, et il est possible que la guerre se soit étendue à la Chine et dans le Pacifique Ouest. »
La Chine communiste soutenait les guérillas au Vietnam, au Laos et au Cambodge, contre les attaques US. La mention faite dans le document de l’extension éventuelle par les US de sa guerre nucléaire dans le « Pacifique Ouest » était une référence à l’implication des Philippines, de Taiwan, du Japon, de la Corée du Sud et des îles avoisinantes, où les US avaient des installations militaires.
Copyright Richard S. Ehrlich 17/04/08 www.geocities.com/asia_correspondent.
Traduction Mireille Delamarre pour www.planetenonviolence.org
Richard S Ehrlich est un journaliste de San Francisco, Californie, basé à Bankok. Il est correspondant en Asie depuis 1978 et est co-auteur d’un livre de non fiction sur le journalisme d’investigation, « Hello My Big Big Honey! Love Letters to Bangkok Bar Girls and Their Revealing Interviews »